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3 juillet 2025
AFFAIRE TELIKO, LES ENJEUX D'UN MALAISE PROFOND
Malgré la sortie du premier président de la Cour suprême, il ne faut pas s’attendre à un armistice entre les magistrats progressistes qui se battent pour la libération de la justice et les conservateurs qui militent en faveur du statu quo
Qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Aux vraies questions soulevées par l’Union des magistrats sénégalais (UMS) par rapport à l’indépendance de la justice, la chancellerie répond par une grande diversion qui aura duré plusieurs semaines, allant jusqu’à pousser le très taiseux et émérite magistrat Cheikh Tidiane Coulibaly, Premier président de la Cour suprême, à faire une sortie publique, pour rappeler les principes aux uns et aux autres. Quoique rassurante, cette sortie du premier président est loin de mettre un terme au bras de fer entre la chancellerie et le ‘’syndicat’’ des magistrats.
De part et d’autre, on affûte les armes et se prépare à l’assaut final, malgré l’annulation de la conférence de presse initialement prévue aujourd’hui par les services du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Il n’empêche, au sein de la magistrature, les langues se délient sur certains griefs reprochés au président Souleymane Téliko. A l’instar de Madiambal Diagne qui accusait le juge Souleymane Téliko d’être un magistrat pro opposition, l’Inspection générale de l’administration de la justice aurait retenu, entre autres arguments, l’article 14 de la loi 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats. Un argument qui interpelle certains magistrats.
En effet, ledit article prévoit, en son alinéa 1er : ‘’Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique et toute manifestation politique leur est interdite.
Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de même que toute démonstration politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions, leur sont également interdites.’’
Ce qui choque bien des magistrats, c’est surtout qu’attend la chancellerie pour traduire en Conseil de discipline des magistrats qui ont fait pire, en s’engageant de manière non équivoque dans la politique, aux côtés du président de la République. Quant à Souleymane Téliko, son seul tort a été de répondre à la question d’un journaliste portant sur un procès impliquant un acteur politique.
L’autre argument invoqué par l’Igaj, c’est la violation de son serment, prévu par l’article 9 du statut : ‘’Je jure de bien et loyalement remplir mes fonctions de magistrat, de les exercer en toute impartialité, dans le respect de la Constitution et des lois de la République, de garder scrupuleusement le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence des juridictions et d’observer, en tout, la réserve, l’honneur et la dignité que ces fonctions imposent.’’
L’UMS ne lâche pas l’affectation ‘’illégale’’ de Ngor Diop
Tout est parti de l’affectation du magistrat Ngor Diop, ancien Président du tribunal d’instance de Podor. Quelques jours avant cette ‘’affectation-sanction’’, ledit magistrat avait condamné un dignitaire religieux. Ce, nonobstant les nombreuses interventions de l’autorité visant à classer l’affaire. Face à ce camouflet, l’Exécutif n’attendra même pas la prochaine réunion du Conseil supérieur de la magistrature, pour sévir contre le magistrat indélicat. Par le biais de la procédure exceptionnelle des consultations à domicile, Ngor Diop a été affecté comme conseiller à la Cour d’appel de Thiès.
Depuis lors, l’UMS s’est déployée comme elle ne l’avait jamais fait auparavant, pour barrer la route à ce qu’elle considère comme relevant d’une illégalité manifeste. Selon l’organisation, cette affectation viole, d’une part, les dispositions de la loi organique n°2017-11 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, d’autre part, la loi portant statut des magistrats. D’ailleurs, le recours pour excès de pouvoir a été déposé, hier, sur la table de la Cour suprême, pour demander l’annulation de l’acte.
Sur le premier argument, il ressort de l’article 6 de la loi sur le CSM, que la procédure des consultations à domicile ne peut être utilisée pour affecter un magistrat qu’en cas d’urgence. Selon l’alinéa 1er de ladite disposition, ‘’le CSM se réunit, au moins deux fois par an, sur convocation de son président (le président de la République)’’. Toutefois, précise l’alinéa 2, ‘’en cas d’urgence, le Conseil peut statuer par voie de consultation à domicile’’. En ce qui concerne la violation de la loi organique portant statut des magistrats, l’UMS convoque l’article 6. Celui-ci prévoit : ‘’En dehors des sanctions disciplinaires du premier degré, ils (les magistrats du siège) ne peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d’avancement, sans leur consentement préalable…’’ La seule dérogation est prévue en matière de nécessité de service, conformément aux articles 90 et suivants de la loi organique sur le statut des magistrats.
Cette nécessité de service est difficilement admissible dans l’affaire Ngor Diop, faisait savoir l’UMS. L’organisation en veut pour preuve le fait que le remplaçant de M. Diop vient de la cour ; il devait déposer ses baluchons (Cour d’appel de Thiès).
En fin de compte, estimait l’association, il n’y a dans cette affaire ni urgence, encore moins nécessité de service.
Entre tabou et soif d’indépendance
Pour beaucoup d’observateurs, ce dossier Ngor Diop a définitivement mis en lumière que l’indépendance de la justice, dans ce pays, est encore un grand leurre. Comment un magistrat peut être sanctionné pour avoir juste osé poursuivre et condamner un citoyen, fusse-t-il un dignitaire religieux ? Cela pose plus que jamais le problème de l’indépendance de la justice, plusieurs fois agitée.
Pour rappel, en matière de nomination des magistrats, le Conseil supérieur de la magistrature donne des avis. Les propositions appartiennent exclusivement au ministre de la Justice, donc à l’Exécutif. Et c’est là une des sources profondes du mal, n’a cessé de dire l’Union des magistrats sénégalais.
Dans sa dernière sortie, le premier président de la Cour suprême appelle, en filigrane, l’UMS à limiter ses critiques sur l’institution judiciaire. En effet, l’organisation n’a eu de cesse de faire des sorties au vitriol pour regretter un manque d’indépendance de la justice. Cette question doit-elle rester un tabou chez les magistrats ? Qui, mieux que les magistrats, pourraient mener le combat pour une justice plus performante ? Quelle serait l’utilité de l’UMS, si l’organisation n’a le droit de se prononcer que sur les intérêts matériels des magistrats ? Autant de questions qui ne manqueront certainement pas de se poser au sein de l’institution judiciaire.
En tout cas, cette question de l’indépendance des magistrats se pose plus que jamais, avec l’affaire Ngor Diop. Pourtant, en 2018, sur commande même du président de la République, d’importantes concertations avaient réuni tous les acteurs de la justice, sous la houlette de l’éminent juriste, le professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, pour panser les maux dont souffre le troisième pouvoir. Plus de deux ans après, les conclusions du Comité de concertation sur la modernisation de la justice dorment dans les tiroirs, à l’instar de celles de la Commission nationale de réforme des institutions.
Les recommandations salvatrices sous le coude du président
Globalement, les réformes alors proposées tournaient autour de trois problématiques principales. Il s’agit du statut des magistrats, du Conseil supérieur de la magistrature et de la carte judiciaire nationale. Ironie de l’histoire, l’un des participants les plus assidus, lors de ces concertations sur le devenir de la justice, c’était l’actuel premier président de la Cour suprême, Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly, souligne le rapport.
D’ailleurs, parmi les recommandations fortes, le Comité de concertation préconisait que la présidence du Conseil supérieur de la magistrature soit confiée au premier président de la Cour suprême et non plus au président de la République. Pendant ce temps, la vice-présidence devait revenir au procureur général près la Cour suprême.
Selon le rapport parcouru par ‘’EnQuête’’, le CSM devait prendre en charge la carrière des magistrats, la garantie de leur indépendance et le respect de la déontologie. ‘’Il s’agirait d’un Conseil supérieur de la magistrature rénové aux couleurs de l’autonomie, de l’indépendance, identifiants essentiels dans la mise en place de la modernisation de la justice, en conformité avec les exigences démocratiques contemporaines’’, lit-on dans le rapport.
Parmi les autres recommandations fortes, il y a notamment l’éviction du président de la République qui ne siégerait plus au Conseil en principe ; l’ouverture du CSM à d’autres membres provenant de professions ou de profils divers, (notamment des professions judiciaires, de l’université, des personnalités indépendantes), l’augmentation du nombre de magistrats élus par leurs pairs, la mise en place d’un système transparent d’avancement…
Ce système, selon le rapport, doit essentiellement être fondé sur des critères du mérite, de la compétence, des responsabilités exercées, de l’expérience, de l’ancienneté, de l’intégrité avec un appel à candidatures suivi d’une évaluation objective sur la base de normes standards. En outre, il était aussi préconisé la reconnaissance du pouvoir de saisine du CSM aux chefs de cour et des parquets généraux en matière disciplinaire.
Relativement au statut des magistrats, l’option retenue était d’arriver à ‘’une objectivation’’ dudit statut et à ‘’un rééquilibrage des pouvoirs du parquet’’. A en croire le comité, il est nécessaire, ‘’tout en admettant le lien fonctionnel entre l’Exécutif et le parquet, d’encadrer davantage les prérogatives que la loi reconnaît à l’autorité de tutelle qui, bien qu’inhérentes au système de référence, ne devraient pouvoir inhiber le principe d’indépendance qui profite à tous les magistrats, même si celui-ci se présente selon une intensité variable, en raison des fonctions exercées : unité de corps, dualité des fonctions’’.
Aux fins de garantir l’indépendance des magistrats, le comité avait également proposé de transférer la prérogative de proposer des nominations de certains magistrats, du ministre de la Justice au Conseil supérieur de la magistrature. Il devait en être ainsi des magistrats de la Cour suprême, des chefs de juridiction et de parquet, à l’exception des présidents de tribunaux d’instance. Pour les autres magistrats, la prérogative de proposition reste, selon les recommandations, entre les mains du garde des Sceaux, sur avis conforme du CSM. Pour ce qui est de la proposition de nomination aux grades et fonctions, le ministre en avait la prérogative, après avis de la commission d’évaluation installée au sein du CSM, sur la base de critères objectifs prédéterminés et transparents.
Le comité préconisait également un encadrement strict du recours à la notion de nécessité de service. De même, il avait été recommandé une interdiction formelle des injonctions individuelles au parquet ; celle de toute atteinte à la liberté d’opinion du parquet à l’audience, entre autres.
Sur la fameuse question de la retraite, le comité demandait qu’elle soit fixée à 68 ans pour le magistrat du grade hors hiérarchie, justifiant de six (6) ans d‘ancienneté, selon un système d’option, ainsi que la revalorisation de la pension.
par Khadim Ndiaye
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EXCLUSIF SENEPLUS -Tout ce qui tend à vous figer dans le passé est mauvais – La non transmission du savoir et l’absence de sa démocratisation est source de régression - S’insurger contre les tentatives de repli identitaire – Dépasser la conscience tribale
Les chercheurs qui étudient minutieusement la production intellectuelle de Cheikh Anta Diop savent qu’on ne peut pas prendre prétexte de ses écrits ou de ses dires pour injurier, manifester du racisme et appeler à la division des Africains sur une base ethnique ou confessionnelle. Le rappeler est toujours utile, surtout en ces moments où des « forces obscures » malveillantes, tentent de semer des graines de haine et de dissension dans des consciences africaines non encore bien formées.
Produit d’une éducation qui accorde une place importante à la rectitude morale et à la bonne conduite, Diop abhorrait les injures. Il avait l’habitude de dire que la rigueur n’est ni la grossièreté ni la trivialité : « Dëgg boo ko booleek saaga day wàññi doole ja » (une vérité devient fragile si elle est injurieuse). Son œuvre est également une offensive résolue et constante contre le racisme d’où qu’il vienne - Orient, Occident, Afrique - et sous toutes ses formes : scientifique, culturelle, institutionnelle, etc. Il a sa vie durant, travaillé à démontrer l’unité de l’espèce humaine. Une humanité qui a une origine monogénétique africaine. Une thèse aujourd’hui largement confirmée par la science et qu’il a opposée avec force arguments aux théories polycentristes qui faisaient rage à son époque. Pour lui, nous devons tous aspirer « au triomphe de la notion d’espèce humaine dans les esprits et dans les consciences, de sorte que l’histoire particulière de telle ou telle race s’efface devant celle de l’homme tout court. » Ce préalable effectué nous permettra alors, comme il le disait, de « décrire, en termes généraux qui ne tiendront plus compte des singularités accidentelles devenues sans intérêt, les étapes significatives de la conquête : de la civilisation par l’homme, par l’espèce humaine tout entière ».
L’allié le plus sûr de l’Africain, qui doit clouer au pilori tout interlocuteur malveillant, est la quête permanente du savoir mise au service d’une lutte constante pour la libération de toutes les énergies créatrices des peuples du continent. L’Africain doit simplement, écrivait Cheikh Anta Diop, « être capable de ressaisir la continuité de son passé historique national, de tirer de celui-ci le bénéfice moral nécessaire pour reconquérir sa place dans le monde moderne, sans verser dans les excès d'un nazisme à rebours ». En 1981, Diop fait une communication intitulée « L’unité d’origine de l'espèce humaine » au colloque organisé par l’Unesco sur le thème « Racisme, science et pseudo-science » où il rappelle ce qui doit être l’objectif ultime, à savoir « rééduquer notre perception de l'être humain, pour qu’elle se détache de l'apparence raciale et se polarise sur l’humain débarrassé de toutes coordonnées ethniques. » Son ancien camarade, Secrétaire général adjoint de son parti, Dr Moustapha Diallo, qui a eu le privilège d'assister à ses derniers instants sur terre, a rappelé, après son décès, son désir profond qui était de « redonner à l'Humanité plongée dans l'égoïsme et la vanité, le sens de l’amour qui l'animait à un niveau rarement atteint ».
Diop n’a jamais incité au racisme envers les Blancs, les Jaunes, les Sémites, etc. L’État fédéral d’Afrique qu’il a appelé de ses vœux doit englober toutes les parties du continent y compris l’Afrique du Nord, une fois que nous aurons éliminé, disait-il, les difficultés de nature subjective - c'est-à-dire savoir si les Africains du Nord et Subsahariens veulent réellement se fédérer, et les difficultés de nature objective, à savoir la nature égoïste de certains régimes politiques terrifiés à l'idée d'un État continental. Il a d’ailleurs participé au Colloque afro-arabe sur la libération et le développement de 1976 à Khartoum au Soudan et, en 1978, il évoque, dans son journal politique, les liens de parenté très anciens entre Arabe et Noir – le premier est un métis du second – et la « dynamique unitaire » qui doit prévaloir sur les préjugés hérités de l’Histoire : « J’ai montré dans « Nations nègres » et dans « Antériorité des civilisations noires », toute la parenté biologique et culturelle entre l’Arabe et l’Africain noir, parenté très ancienne qui remonte à la fin du Vème millénaire av. J.C. et au début du IVème siècle, à la naissance du monde sémitique. J'ai approfondi la même idée dans « Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues africaines », dans le cadre d'un chapitre intitulé « Processus de sémitisation ». Cette parente antérieure à l’Islam et qui rejette aujourd'hui à l'arrière-plan de la vie sociale tous les préjugés hérités de l'histoire des derniers siècles, réapparaîtra un jour au premier plan et est un facteur non négligeable dans une dynamique unitaire du continent. À ces raisons historiques s'ajoutent donc des raisons présentes qui tiennent à la nature complémentaire de nos économies dans la perspective d'un épuisement prochain des hydrocarbures terrestres. »
Réprouvant toute injustice, il a également appelé au soutien de tous les mouvements de libération dans le monde (Vietnam, Algérie, Guinée, etc.) en lutte contre l’impérialisme. Un soutien qui figure en bonne place dans le programme du Front National Sénégalais (FNS) de 1964 et dans celui du Rassemblement National Démocratique (RND) de 1976. Cheikh Anta Diop s’est aussi insurgé contre les tentatives de repli identitaire, ethnique, des uns pour l'exclusion politique des autres. Dans un entretien accordé en 1976 à Carlos Moore, il déplore toute instrumentalisation de l’ethnie à des fins politiques en Afrique : « Personnellement, dit-il, si on me donnait le choix d’organiser un parti politique selon des critères ethniques ou de rester complètement à l’écart de la politique, je n’hésiterais pas à choisir ce dernier. Partout où cela se fait en Afrique, je considère que c'est une erreur. Il est possible que certains pays en soient encore à ce stade. Cependant, j'espère que tout sera fait pour dépasser cette étape le plus rapidement possible car rien de positif ne peut en résulter. » Dans son ouvrage Antériorité des civilisations nègres, il insiste sur l’importance du « passage de la conscience tribale à la conscience nationale, partout où cela est nécessaire, en Afrique », et le 22 juin 1977, en conférence de presse, il se démarque de toute affiliation ethnocentriste et affirme, en sa qualité de Premier Secrétaire Général de son parti, que « le R.N.D. n'est pas le parti de telle ou telle communauté. C'est le parti des masses sénégalaises ».
En ce qui concerne la religion, certaines personnes qui se réclament de lui aujourd’hui, aux desseins obscurs et animées par un esprit de dissension, pervertissent ses propos et les utilisent pour dénigrer la foi d’honnêtes gens. Comme pour l’ethnie, Cheikh Anta Diop invite toujours au respect de la liberté religieuse et au dépassement des clivages pour se conformer au seul but qui doit unir : la libération du continent africain. Il considère la foi religieuse comme une question délicate car engageant la « personnalité entière » de l’individu. Au moment où les pays africains s’acheminaient, sans véritable élan unitaire, vers le recouvrement de leur liberté confisquée, il a appelé à une cessation de toute critique religieuse, génératrice de colère et de rancœur : « Tout Africain sérieux qui veut être efficace dans son pays à l'heure actuelle évitera de se livrer à des critiques religieuses ». Propos inscrits dans son livre Nations nègres et culture, où il indique également que son œuvre « ne fait aucune allusion à la véracité de la religion musulmane ou chrétienne » et qu’il serait malhonnête de le lire « avec l’intention secrète d’y trouver un seul mot permettant de le jeter en criant au blasphème ». De même, quand il invite à renouveler l’expérience menée par Alain René sur le christianisme, il précise que c’est « non dans un but critique ou de dénigrement, mais pour mieux mettre en évidence les racines égyptiennes des religions révélées, et du christianisme en particulier ».
Pour Diop, l’Afrique se fera avec tous ses enfants, qu’ils soient adhérents des religions dites révélées ou adeptes des croyances traditionnelles. En 1952, au moment où peu d’Africains avaient osé parler d’indépendance, il invite dans son article « Vers une idéologie politique africaine » tous les fils d’Afrique sans distinction de religion, « depuis le citadin…jusqu’au paysan, depuis le Musulman jusqu’au Chrétien en passant par les disciples des religions paléonigritiques », à réaliser l’indépendance véritable. Celle-ci revêt, selon lui, « un but sacré, même du point de vue religieux : lutter pour l’atteindre est conforme à l’enseignement du Coran, du Christianisme et au progrès de l’humanité ». C’est d’ailleurs dans un souci de respect des croyances, qu’il est marqué au point 7 du programme de son parti rédigé en 1976, l’importance de « garantir en particulier la liberté religieuse et interdire de l’État toute immixtion dans la vie intérieure des cultes ».
Ayant grandi dans un milieu pieux, ses relations avec les dignitaires religieux étaient empreintes de déférence. Au début des années 50, en marge de son initiative pour le reboisement, il rencontre quasiment tous les grands religieux du Sénégal. L’allocution pointue sur l’importance de l’environnement et sur les dangers de la sécheresse faite devant le khalife Serigne Babacar Sy de Tivaouane et ses fils, marque les esprits par le haut degré d’érudition démontré. Cheikh Anta Diop écrira plus tard dans son ouvrage l’Afrique noire précoloniale que le marabout Cheikh Tidiane Sy, présent à cette rencontre, est un des « plus versés dans le domaine des connaissances ». Il rend visite également au religieux Serigne Bassirou Mbacké, père de l’actuel khalife des Mourides, et mentionne qu’il est « selon toutes probabilités, le marabout le plus initié aux mouvements scientifiques modernes. Il ressortait de notre conversation de l'été 1950 que le domaine de la physique atomique ne lui est pas étranger. » Que dire de sa relation avec le marabout Cheikh Mbacké dont son fils-aîné porte le nom ? En plus d’être son cousin, ce dernier a été un soutien précieux, financier et moral dans les périodes de vaches maigres, notamment quand, du fait de ses activités politiques en France, on lui coupe sa bourse d’études. Lorsque Cheikh Mbacké quitte ce monde, le 11 mars 1978, le journal Taxaw du RND, lui rend un hommage vibrant. C’est également un Taxaw « ému » qui annonce les condoléances attristées de Cheikh Anta Diop et de ses partisans, lors du décès, le 6 août 1978, du « Guide spirituel » des Chrétiens, Paul VI. Diop était donc un humaniste respectueux des croyances et dont le maître mot était « unité », à tel point que le vocable wolof « Jàppoo » (se prendre par la main, être uni) figure dans la devise de son parti politique.
Son humanisme n’est cependant pas naïf. Son souhait, c’est de voir éclore, au-delà même de l’Afrique, « l’ère d’une humanité véritable », mais il sait intimement que certains États et individus malveillants cherchent constamment à « effacer » d’autres de la planète. Nous ne sommes pas encore, dit-il, à l’aube de la socialisation des consciences humaines à l’échelle de la planète, car « bien des forces obscures existent encore, très vigoureuses, il faudra encore longtemps compter avec elles. Plus que jamais il faut être vigilant ». Un minimum de précautions est donc nécessaire, « jusqu’à ce que tout le monde joue le même jeu ».
Ces forces obscures opèrent même sur le terrain religieux. Diop, en géopoliticien averti, invite les Africains à se méfier de ces États qui, sous le prétexte de la religion, cherchent en réalité, à être influents politiquement, culturellement et économiquement en Afrique. En 1955, dans son article « Alerte sous les tropiques », il met en garde contre ces « puissances » qui considèrent l’Afrique comme leur terrain d’expansion en ayant recours à la religion et à des intermédiaires religieux. Il s’agit pour les Africains de scruter clairement les intentions des uns et des autres et de mettre à nu les « ambitions expansionnistes masquées grotesquement sous un voile religieux ». Les événements lui donnent raison. Les rivalités religieuses et les logiques d’influence de beaucoup d’États se jouent aujourd’hui en Afrique.
Certains esprits non avertis tentent également de fossiliser la pensée de Cheikh Anta Diop en en faisant une sorte de nostalgie d’un passé figé à un stade semi-ethnographique. Il aurait appelé, disent-ils, à revivre le passé, à retourner même à la religion d’Osiris. Rien n’est plus éloigné de sa pensée. Il avait mis en garde contre ceux qui se satisfont béatement des réalisations de l’Égypte ancienne. Aux jeunes qui l’écoutent lors de la conférence de Niamey de 1984, il alerte contre la fausse compréhension qu’ils peuvent avoir de son œuvre. Tout ce qui tend à vous figer dans le passé est mauvais, leur dit-il. Mon attitude, répétait-il au cours de la conférence, n’est pas une attitude passéiste de quelqu’un qui se délecte du passé. Toute mon activité est tendue vers l’avenir. En mettant la référence sur le passé glorieux, Diop veut simplement indiquer la continuité historique de l’Afrique longtemps niée et l’importance du sentiment commun d'appartenance au même passé culturel et historique qui doit permettre d’assurer la cohésion des Africains. Une fois cet objectif atteint, il deviendrait difficile d’opposer les communautés les unes aux autres. Diop sait en effet que « sans la conscience historique les peuples ne peuvent pas être appelés à̀ de grandes destinées ». Il n’évoque donc le passé que pour mieux situer les Africains dans le futur et non pour les inviter à un retour vers des valeurs pétrifiées : « Loin d’être une délectation sur le passé, un regard vers l’Égypte antique est la meilleure façon de concevoir et bâtir notre futur culturel ».
Une des grandes leçons de l’Histoire, c’est qu’une civilisation qui ne considère que les parties mortes de son passé régresse. Le fait par exemple de ne pas avoir démocratisé le système traditionnel de transmission des connaissances par l’initiation, a été, nous dit Cheikh Anta Diop, une des causes de la régression de l’Égypte. Ce mode initiatique de transmission du savoir constituait à la longue un obstacle du fait qu’il n’était pas diffusé à l’échelle du peuple. C’est une « science gardée jalousement » constate Diop, et qui « n’a jamais pénétré profondément l’esprit du peuple qui recevait un enseignement exotérique ». La raison en est précisément que le savoir « était si précieux aux yeux du prêtre égyptien qu’il préférait le garder et l’étendre seulement à quelques individus privilégiés, plutôt que d’agir comme son disciple grec et de le répandre à l’échelle du peuple pour se faire un nom ». Le succès des Grecs a été de démocratiser le savoir en créant le Lycée et l’Académie. Mais, il n’en était pas toujours ainsi en Grèce antique. Historien des civilisations, Diop analyse la situation de cette partie du monde et observe que le fait de se replier sur des valeurs ancestrales déclinantes y a constitué un facteur bloquant à un moment donné. Il a fallu l’influence heureuse de l’Égypte ancienne pour que les Grecs bâtissent enfin un véritable État : « Le culte des ancêtres aidant, avant d’avoir subi l’influence méridionale, celle de l’Égypte en particulier, les Indo-Européens n’ont pu s’élever à la conception d’un État territorial, groupant plusieurs cités. Leurs croyances religieuses (culte des ancêtres) s’y opposaient. » La même analyse est faite pour l’Afrique noire. Diop constate qu’à un moment donné de l’histoire, les cultes ancestraux se sont sclérosés et ont perdu de leur dynamisme. Il a fallu l’apport d’éléments externes pour qu’un souffle nouveau jaillisse des esprits : « Les religions africaines, plus ou moins oubliées, se sclérosaient, se vidaient de leur contenu spirituel, de leur ancienne métaphysique profonde. Le fatras des formes vides qui en restaient n’était plus de taille à rivaliser avec l’islam sur le plan moral ou rationnel. C’est sur ce dernier plan de la rationalité que la victoire de l’Islam fut éclatante ». Cette libération de la rationalité s’est manifestée, remarque Diop, chez quelqu’un comme Dan Fodio : « Le besoin impérieux de rationalité reflété par les écrits de Dan Fodio était désormais mieux satisfait par l'Islam que par les cultes traditionnels agonisants ». Si cet apport extérieur a prohibé le culte des images, poussant certains, notamment au Soudan, à renier de grandes réalisations du passé, il a néanmoins conduit à des expérimentations nouvelles en mécanique et en thermodynamique notamment au Sénégal, au sein de l’École de Guédé où on « s’intéressa, écrit Diop, aux mathématiques, à la mécanique appliquée, à certains problèmes de thermodynamique (machine à vapeur) et surtout à la mesure exacte du temps, quel que soit l’état du ciel, cette dernière étant liée à la nécessité de prier à l’heure exacte. Cette école, dans les années 30, était en passe de créer un courant scientifique de la même qualité que celui de la Renaissance, à partir d’une documentation strictement arabe, sans influence directe de l’Europe. »
Toutefois, une imbrication des traditions est toujours à l’œuvre, qui débouche sur quelque chose d’inédit. Le monde invisible de l’islam, écrit-il, « se retrouve sous des formes différentes, dans les croyances de l’Africain, au point que celui-ci se sent tout à fait à l’aise dans l’Islam. Certains, même, n’ont pas l’impression d’avoir changé d’horizon métaphysique. » Cette imbrication de traditions confère un sentiment de continuité historique. Ainsi, pour l’Africain de l’empire du Mali ou celui d’Axoum, qui a su bien adapter les apports extérieurs, islam et christianisme ne sont pas vécus comme des éléments exogènes. Africanisées, ces croyances sont intégrées au substrat culturel. Diop le perçoit bien lorsqu’il analyse la situation de l’islam dans les empires médiévaux africains : « Bien avant la colonisation, l’Afrique Noire avait donc accédé à la civilisation. On peut rétorquer que ces foyers de civilisation, pour la plupart, étaient influencés par l’Islam et que ceci n’a rien d’original, de spécifiquement africain. Tous les développements qui précèdent permettent de faire la part des choses. Au surplus l’accent a déjà été mis sur le fait que l’Europe chrétienne n’était pas, à l’époque, plus originale que l’Afrique Noire musulmane ; le latin est resté, jusqu’au XIXe siècle, la langue de la science. »
S’il en est ainsi, c’est que l’historien des civilisations, conscient de l’évolution des choses, sait que le monde est un lieu de production constante de la nouveauté. C’est une réalité continue qui révèle les potentialités des choses. Il est ouvert et est doté d’un caractère créateur. Tout donc n’est pas déjà donné et le futur n’est pas quelque chose de fixé. Il est au contraire libre possibilité. Dans un monde clos, pétrifié, il n’y a pas de place pour la nouveauté et l’initiative : « La nature, écrit Diop, ne passe jamais deux fois par le même point dans son évolution...La nature ne revient pas en arrière pour créer deux fois ou trois fois l’homme ». Elle crée toujours du nouveau. De même, un peuple va de l’avant par intégration d’éléments nouveaux qu’il adapte et qui consolident son être. Pour Cheikh Anta Diop, la fidélité au passé ne consiste pas à reproduire les mêmes choses continuellement et cycliquement, mais à créer des nouvelles, adaptées aux circonstances du moment. Le modernisme, c’est l’intégration d’éléments nouveaux pour, dit-il, « se mettre au niveau des autres peuples, mais qui dit « Intégration d’éléments nouveaux » suppose un milieu intégrant lequel est la société reposant sur un passé, non pas sur sa partie morte, mais sur la partie vivante et forte d’un passé suffisamment étudié pour que tout peuple puisse se reconnaître. » Diop donne l'exemple du bicaméralisme instauré par le royaume de Dahomey et dans lequel femmes et hommes étaient dotés de pouvoirs politiques dans une saine complémentarité. Il nous dit que la seule manière pour nous d'être fidèles à cette tradition, c'est de la restaurer sous des formes nouvelles. La fidélité donc pour lui ne consiste ni à imiter ni à reproduire la même chose, mais à la recomposer en une forme nouvelle, car, écrit-il, en « restaurant [le bicaméralisme] sous une forme moderne, nous restons fidèles au passé démocratique et profondément humain de nos aïeux ». En clair : être fidèle aux ancêtres, c’est créer du nouveau.
Évidemment, une telle conception suppose un monde dynamique et ouvert qui fait du temps un élément très important. S’il apporte la mort (les civilisations meurent, la régression historique est une réalité), le temps est aussi source de création. Il révèle les possibilités cachées de toutes choses. Le temps est le grand créateur, le grand constructeur. Il est indispensable à la réalisation de toutes choses. Aucune croyance ne doit nous ankyloser dans le temps. Diop affirme que l’Africain qui l’a vraiment compris devient un vrai créateur, un Prométhée conscient de son héritage, un acteur porté vers le futur et qui comprend qu’« on ne saurait échapper aux nécessités du moment historique auquel on appartient ». Ce besoin de nouveauté fait que Diop utilise tout au long de sa production intellectuelle des termes et expressions tels que « adapté aux circonstances », « recréer », « rénover », « mieux adapté », « révolution culturelle », « civilisation nouvelle », « rénovation culturelle », etc. Même lorsqu’il propose de donner, légitimement, à des fins de « coexistence pacifique dans le domaine délicat de la religion », les mêmes « armes aux tenants de la religion ancestrale », au cas où les autres grandes religions se transformeraient en volonté d’orientalisation et d’occidentalisation définitive du continent africain, il ajoute aussitôt après que les prêtres doivent toutefois s’employer à créer une « liturgie mieux adaptée » et procéder à un « approfondissement » du dogme ancestral. Il ne demande jamais de reprendre telle quelle une pratique héritée du passé. Diop est contre tout immobilisme car il sait que l’être humain est capable de métamorphoses. À ceux qui seraient tentés de croire que les valeurs même reçues de l’extérieur ont tout apporté une fois pour toutes, il répond que nous ne sommes nullement condamnés à demeurer dans notre état actuel. Interrogé sur l’islam au Sénégal en 1978 dans le magazine Afrique Asie (numéro 155), il affirme que cette religion « est une force qui n'a pas fini de développer toutes ses virtualités, en Afrique noire surtout ». Diop sait en effet qu’en notre sein dorment des potentialités insoupçonnées qui attendent d'être réalisées. Il faut « réveiller le colosse qui dort dans la conscience de chaque Africain ». Les Africains, martelait-il, « doivent sortir de la léthargie, de la somnolence intellectuelle ». Le temps permet à l’homme d’atteindre « son niveau humain véritable, spécifique » en le poussant à réaliser « toutes les possibilités qu’il porte en lui ». À l'échelle des peuples, le temps permet d'effectuer un « saut qualitatif » au cours de l’Histoire. Dès qu’un peuple se libère de ses chaînes, il s'ouvre à une ère de libération. Les pesanteurs ont ceci de particulier quelles instaurent « un manque de confiance en soi et en ses propres possibilités ».
Diop n’invite donc pas au statisme. Il se projette constamment dans le futur quand il analyse la situation africaine dans le domaine des croyances, de l’économie, de la géopolitique, de la recherche scientifique, de l’alimentation, etc. « Faisons une projection dans le proche avenir et demandons-nous quelle sera la physionomie énergétique du monde, dans 30 à 40 ans, aux confins des années 2010 à 2020 », s’interrogeait-il en 1985 pour entrevoir toutes les possibilités à prendre en compte dans domaine de l’énergie. L’Afrique, disait-il, « peut redevenir un centre d’initiatives et de décisions scientifiques au lieu de croire qu’elle est abandonnée à rester l’appendice, le champ d’expansion économique des pays développés ». Il ne propose donc pas une pensée fossilisée, pétrifiée, qui ne fait pas de place à la nouveauté. C’est une pensée vivante, antiraciste, respectueuse de la liberté religieuse, de la coexistence pacifique entre les croyances et qui tient compte de l’évolution des choses. Ses écrits sont traversés de part en part par une tension constante vers le futur. L’Africain qui l’a compris est celui qui est certes « conscient de ce que la terre entière doit à son génie ancestral », mais qui, ayant puisé dans l’héritage intellectuel commun de l’humanité en ne se laissant guider que par les notions d’utilité et d’efficacité, est tendu vers le futur, devient créateur et se retrouve « porteur d'une nouvelle civilisation ». Il existe deux philosophies politiques, ne cessait-il de rappeler, « il y a les peuples ancrés, vautrés dans le présent, le moment fugitif, et les peuples tendus vers le futur pour lesquels tout instant présent est déjà tombé dans le passé. Ceux-ci ont toujours dominé ceux-là dans les temps modernes. Il est temps de vivre le futur pour mieux organiser le présent ».
CELLOU DALEIN DIALLO, L'HOMME QUI VEUT INCARNER L'ALTERNANCE EN GUINÉE
Entré dans l'arène politique après dix ans au gouvernement sous le général Lansana Conté (1984-2008), instruit par ses échecs en 2010 et 2015, il s'est juré de ne plus retenir ses coups contre Condé pour le priver d'un troisième mandat controversé
A chaque étape de sa campagne à travers la Guinée, il pointe sa montre: Cellou Dalein Diallo en est convaincu, son heure est enfin venue, après deux mandats d'Alpha Condé.
Entré dans l'arène politique après dix ans au gouvernement sous le général Lansana Conté (1984-2008), instruit par ses échecs en 2010 et 2015, Cellou Dalein Diallo s'est juré de ne plus retenir ses coups contre Alpha Condé pour le priver d'un troisième mandat controversé.
Frêle et invariablement élégant, dans des costumes classiques ou de grands boubous clairs assortis à des toques brodées, ou en saharienne lorsqu'il fait campagne, cet homme à la voix douce et aux allures de Gandhi ouest-africain se montre posé et courtois en privé.
Mais il se laisse aussi parfois gagner par la ferveur des masses de ses partisans redoutés, totalement acquis à sa cause, qui peuvent former d'impressionnantes marées humaines à Conakry.
Les détracteurs de Cellou Dalein Diallo l'accusent d'être un "pur produit du système Conté" et de s'être enrichi au pouvoir.Mais son camp valorise sa longue expérience de l'Etat.
Membre de l'ethnie peule, considérée comme la première du pays, il est issu d'une famille d'imams du village de Dalein (centre), où il est né.Il aime à rappeler que son grand-père était "le grand érudit Thierno Sadou de Dalein qui avait écrit 35 ouvrages en arabe".
Elevé au village, dans une famille nombreuse - son père avait "quatre femmes et une vingtaine d'enfants" -, il fréquente l'école coranique et l'école française, puis part à Conakry pour y étudier la gestion.
- "Technocrate" -
Cellou Dalein Diallo intègre ensuite la fonction publique, passant par la direction d'une société d'Etat sous le père de l'indépendance, le dictateur Ahmed Sékou Touré (1958-1984).
Sous le régime autoritaire de Lansana Conté, il rejoint la Banque centrale puis l'administration des grands projets à la présidence.
En 1996, il entre au gouvernement en tant que "technocrate", selon ses propres termes, comme ministre des Transports, puis enchaîne les portefeuilles, de l'Equipement jusqu'à la Pêche.
En décembre 2004, le général Conté, malade, le choisit comme Premier ministre, lui offrant l'occasion de développer un vaste réseau de relations internationales.
Après dix ans au gouvernement, M. Diallo connaît une soudaine disgrâce en avril 2006, sur fond de luttes d'influence au sein d'un régime Conté finissant.
En 2007, il prend la tête d'un grand parti d'opposition, l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).
A la mort de Conté, en décembre 2008, comme la plupart des dirigeants politiques, il prend acte du putsch, sans s'y opposer, pour favoriser une transition apaisée.
Mais la désillusion s'installe vite et le chef de la junte, Moussa Dadis Camara, fait de M. Diallo une de ses cibles.
Le 28 septembre 2009, au moment du massacre de 157 opposants, dont de nombreux militants de l'UDFG, par des militaires au stade de Conakry, il est roué de coups, grièvement blessé, et hospitalisé à Paris.
- "Mandat cadeau" -
En 2010, il paraît en passe d'être élu président dès sa première candidature, avec 43,69 % des voix, loin devant Alpha Condé, l'ancien opposant historique, avec 18,25 % des suffrages.Mais au terme d'un interminable feuilleton, Alpha Condé est proclamé vainqueur du second tour, organisé quatre mois plus tard.
Sous pression, pourtant convaincu de "truquages" massifs, Cellou Dalein Diallo, reconnaît les résultats, pour éviter un bain de sang, selon lui."J'ai donné un mandat cadeau à Alpha Condé", résume-t-il aujourd'hui.
En 2015, il se présente "sans conviction" face à Alpha Condé, facilement réélu lors d'un scrutin entaché de fraudes, selon lui.
Il conclut alors une alliance électorale apparemment "contre-nature" avec Moussa Dadis Camara, inculpé peu après pour son rôle dans le massacre du stade de Conakry.
En 2019, l'UFDG participe activement à la mobilisation contre un éventuel troisième mandat d'Alpha Condé.
Malgré l'adoption en mars 2020, lors d'un referendum boycotté par l'opposition, d'une nouvelle Constitution, invoquée par le pouvoir pour légitimer une nouvelle candidature, Cellou Dalein Diallo se lance en septembre dans la course à l'élection présidentielle.
"L'UFDG a décidé de porter son combat contre le troisième mandat dans les urnes", explique-t-il.
Cette fois, la victoire ne peut plus lui échapper, en raison à la fois du "bilan catastrophique" d'Alpha Condé et d'une vigilance accrue des citoyens face aux risques de fraude, affirme-t-il.
Lui-même avoue en souriant avoir "accumulé beaucoup d'expérience, et surtout de volonté", en particulier celle, "beaucoup plus que par le passé, de gagner et de conserver sa victoire".
L’APR FAIT PART DE SES "REGRETS" APRÈS L’APPEL À LA VIOLENCE D’UN DE SES DÉPUTÉS
''L’APR se démarque de tout propos et de toute démarche aux antipodes de la ligne du parti clairement exprimée à maintes reprises par le président du parti et par nos différentes instances", a dit Seydou Gueye
L’Alliance pour la République (APR) a fait part mardi de ses "regrets", à la suite de la diffusion de propos considérés comme un appel à la violence, dont Aliou Dembourou Sow, l’un de ses députés, est présenté comme en étant l’auteur.
"Dans une déclaration largement diffusée sur les réseaux sociaux, notre camarade Aliou Dembourou Sow a tenu des propos inacceptables et inopportuns. L’Alliance pour la République tient à exprimer ses regrets", déclare le porte-parole de l’APR, Seydou Guèye, dans un communiqué reçu à l’APS.
"L’APR se démarque de tout propos et de toute démarche aux antipodes de la ligne du parti clairement exprimée à maintes reprises par le président du parti et par nos différentes instances", ajoute M. Guèye.
La formation politique dirigée par le président de la République "appelle [ses] responsables et militants à éviter les débats stériles et à rester mobilisés derrière (…) le président Sall, pour un Sénégal tourné vers l’émergence, avec une société solidaire".
Aliou Dembourou Sow est présenté comme l’auteur d’une invitation à utiliser des moyens violents pour défendre la candidature de Macky Sall à la prochaine élection présidentielle, au cas où ses adversaires voudraient l’empêcher de se présenter.
Les propos décriés auraient été tenus lors d’une rencontre avec des militants de l’APR dans son fief, Ranérou-Ferlo (nord), dont il dirige le conseil départemental.
LE SÉNÉGAL HONORÉ
Le professeur Serigne Magueye Gueye, titulaire de chirurgie / urologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et Chef de service Urologie à l’Hôpital Général Idrissa Pouye de Grand-Yoff, est le lauréat du Prix Albert Schweitzer, Edition 2020
Le professeur Serigne Magueye Gueye, titulaire de chirurgie / urologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et Chef de service Urologie à l’Hôpital Général Idrissa Pouye de Grand-Yoff, est le lauréat du Prix Albert Schweitzer, Edition 2020. Il devient ainsi le 13e récipiendaire de ce prestigieux prix et le premier en Afrique subsaharienne.
Le Prix Albert Schweitzer récompense un Urologue pour sa contribution remarquable à l’enseignement de l’urologie et à la formation des urologues, particulièrement dans les pays à ressources humaines en santé limitées notamment les pays en développement. Il a été institué en 2004 par la Société internationale d’Urologie (SIU, fondé en 1907) dont la mission est de permettre aux urologues de tous les pays, grâce à la coopération internationale en matière d’éducation et de recherche, d’appliquer les normes les plus élevées de soins urologiques à leurs patients. La SIU est une plateforme internationale majeure pour l'éducation urologique durable et des activités philanthropiques collaboratives visant à améliorer les soins urologiques avec plus de 10 000 membres de plus de 130 pays.
Dans le cadre de l’ONG Institut pour la Formation et la Recherche en Urologie et Santé Familiale qu’il a créée en 2004, il travaille dans le sens d’un accès universel aux soins chirurgicaux dans les zones les plus reculés du continent africain. Il est de tous les combats pour la restauration de la dignité des femmes atteintes de fistules ou victimes de mutilations génitales.
Professeur Serigne Magueye Gueye a été membre des plus importantes associations internationales et sociétés savantes luttant contre le Cancer. Il est actuellement Président du Collège Ouest Africain des Chirurgiens et initiateur du Centre de santé communautaire Aristide Mensah de Yeumbeul dont l’objectif est le rapprochement géographique et économique des soins.
UN TROISIEME MANDAT C'EST DIEU QUI LE DONNE
Pour Moussa Diop les propos du député Alioune Demberou Sow concernant le troisième mandat du président de la République sont incendiaires et dangereux.
Me Moussa Diop ex DG de la société de transport public Dakar Dem Dikk reparle du troisième mandat de Macky Sall. Pour Moussa Diop les propos du député Alioune Demberou Sow concernant le troisième mandat du président de la République sont incendiaires et dangereux.
'' Comment on peut inciter à la violence et à la haine pour une question de mandat présidentiel?. Le pouvoir c'est Dieu qui le donne donc je condamne fermement ces propos du député. J'ai confiance en la justice et je sais qu'elle fera son travail'' a soutenu Moussa Diop à sa sortie du tribunal de Dakar.
Il s’y était rendu dans le cadre du procès qui l’oppose à Barthélémy Diaz. Une occasion pour lui de s’attaquer au maire de Mermoz Sacré-Cœur, qui selon lui, fait de la diversion en trouvant toujours un moyen de faire renvoyer le procès.
OTAGES AU MALI, UN SUCCÈS DES JIHADISTES AU RETOMBÉES INCALCULABLES
Une certitude : c'est l'alliance jihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda qui sort victorieuse de l'échange au Mali de 200 détenus contre quatre otages. Au-delà, bien que les conséquences en soient encore difficiles à discerner
D'abord une certitude: c'est l'alliance jihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda qui sort victorieuse de l'échange au Mali de 200 détenus contre quatre otages.Au-delà, bien que les conséquences en soient encore difficiles à discerner, en voici quelques premiers enseignements :
Des photos diffusées depuis samedi, notamment par l'agence mauritanienne Al-Akhbar montrent l'accueil triomphal réservé par le chef touareg malien Iyad Ag Ghaly, qui dirige cette alliance, le "Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans" (GSIM), à plusieurs dizaines de détenus libérés.
Iyad Ag Ghaly, entouré de quelques vétérans du jihadisme au Sahel, les reçoit avec effusion et leur offre un plantureux banquet.Ces photos ont été prises près de la frontière algérienne vendredi, le lendemain de la libération des otages, a affirmé à l'AFP une personnalité de la région de Tessalit (nord-est).
- Combien de détenus ont été libérés et qui sont-ils ?
Sur un organe de communication d'Al-Qaïda, le GSIM se targue d'avoir obtenu en échange des otages - un dirigeant de l'opposition, Soumaïla Cissé, la Française Sophie Pétronin et deux Italiens - "la libération de 200 de ses membres détenus dans les prisons du régime malien".
Mais l'affiliation jihadiste de tous ces ex-détenus, dont le gouvernement n'a pas publiquement confirmé l'élargissement, n'est pas avérée.
Plusieurs listes de personnes libérables en vue de cet échange ont circulé, mais aucune n'a été officiellement publiée.
Si des responsables présumés de certains des attentats les plus meurtriers de ces dernières années au Mali, mais aussi en Côte d'Ivoire ou au Burkina Faso y figurent, beaucoup sont de simples suspects, parfois arrêtés lors de vastes coups de filet.
Des blocages sur la libération de certains prisonniers ont retardé le transfert des otages, a indiqué à l'AFP une source de la Direction générale de la sécurité d'Etat (DGSE) malienne, sans autre précision.
Pour Iyad Ag Ghaly, ces libérations vont "rééquilibrer un peu les forces en faveur de son organisation, qui dépend d'Al-Qaïda", a souligné lundi sur Radio France Internationale (RFI) Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, en particulier face au groupe affilié à l'Etat islamique (EI), désigné en janvier ennemi "prioritaire" de Paris au Sahel.
- Quels engagements ont été pris de part et d'autre?
Aucune des parties ne s'est exprimé sur ce point.
Mais les ex-détenus ne s'attendent certainement à bénéficier d'aucune forme d'immunité, a fortiori puisque la France, acteur militaire majeur sur le terrain, ne semble pas avoir participé directement aux négociations.
Le sort de plusieurs de leurs camarades relâchés dans des conditions similaires pourrait leur servir d'avertissement.
Ainsi, Aliou Mahamane Touré, condamné en août 2017 à dix ans de réclusion puis échangé en février 2019 avec 17 autres prisonniers contre un préfet et un journaliste maliens avait de nouveau été arrêté en novembre par la force française Barkhane.
Et en juillet 2015, l'armée française avait annoncé avoir tué Ali Ag Wadossène, organisateur présumé de l'enlèvement de deux Français et élargi avec trois autres jihadistes contre la libération en décembre 2014 d'un des deux otages, Serge Lazarevic.
"La façon dont les personnes libérées vont se réinsérer ou réintégrer les groupes armés dont elles sont originaires initialement va vraiment être un point absolument clé", résumait sur TV5 Monde Niagalé Bagayoko, présidente du Réseau africain du secteur de la sécurité (ASSN).
Quant au paiement d'une rançon évoqué par de multiples sources, comme toujours, ni le montant ni la réalité n'en sont établis.
- Quel crédit les dirigeants maliens peuvent-ils tirer de la libération des otages ?
Si les autorités de transition peuvent se prévaloir de la finalisation de ce dossier, le président Ibrahim Boubacar Keïta avait engagé les tractations pour la libération de Soumaïla Cissé, enlevé en mars, bien avant son renversement par un putsch le 18 août.
Tout juste arrivé à Bamako, M. Cissé a rapporté être allé, dès le lendemain de l'investiture du président de transition Bah Ndaw, et du vice-président, le colonel Assimi Goïta, le 25 septembre, enregistrer une vidéo à la demande de ses ravisseurs: "Le président a été efficace", a-t-il souligné le soir de sa libération.
Mais Bah Ndaw a de son côté salué "les efforts soutenus du président sortant pour obtenir la libération de ces frères et soeur". "Le pragmatisme de la Transition ainsi que sa décision de capitaliser les avancées dans la négociation ont fait le reste", a conclu M. Ndaw vendredi.
Au-delà de cet échange, de nombreux Maliens et spécialistes se demandent si les canaux de communication établis pour cette négociation pourraient désormais servir à relancer les contacts avec le groupe d'Iyad Ag Ghaly esquissés sous la présidence de M. Keïta.
SÉNÉGAL-MAURITANIE ANNULÉ
Le match amical Sénégal-Mauritanie prévu cet après-midi à Thiès a été annulé après la découverte de cas de Covid-19 au sein de la délégation mauritanienne
Dakar, 13 oct (APS) – Le match amical Sénégal-Mauritanie prévu cet après-midi à Thiès a été annulé après la découverte de cas de Covid-19 au sein de la délégation mauritanienne, a appris l’APS.
’’La fédération sénégalaise de football (FSF) a le regret d’annoncer l’annulation du match amical international devant opposer le Sénégal à la Mauritanie ce 13 octobre à Thiès après concertations entre les deux parties et la CAF’’, indique un communiqué reçu à l’APS.
La même source signale qu’’’à l’issue des tests Covid-19, conformément aux protocoles sanitaires de la FIFA et de la CAF, huit membres de la fédération mauritanienne de football ont été malheureusement reconnus positifs’’.
La FSF qui ‘’exprime toute sa solidarité’’ à la fédération mauritanienne ‘’souhaite prompt rétablissement aux personnes infectées’’.
VIDEO
POUR LE RETRAIT DE MACKY SALL DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les problèmes qui minent actuellement la justice sénégalaise sont étroitement liés aux faiblesses d'un pouvoir judiciaire assujetti aux desiderata du chef de l'Etat, selon notre éditorialiste, Serigne Saliou Guèye (wolof)
Serigne Saliou Gueye est catégorique : les problèmes qui minent actuellement la justice sénégalaise sont étroitement liés à un manque d'indépendance du pouvoir judiciaire. Selon l'éditorialiste de SenePlus, la Justice est de facto dirigée de main de maitre par l'exécutif à travers le Conseil supérieure de la magistrature. Il suggère le retrait du président de la République et du Garde des sceaux de cette instance.
PAS DE GAMOU CETTE ANNÉE
La famille d’El Hadj Malick Sy de Tivaouane a décidé de renoncer à la célébration en grande pompe du Mawlid, à cause de la pandémie du nouveau coronavirus
La famille d’El Hadj Malick Sy de Tivaouane a décidé de renoncer à la célébration en grande pompe du Mawlid communément appelé Gamou, cette année, à cause de la pandémie du nouveau coronavirus, a appris l’APS.
’’Tivaoune ne vas pas organiser le Gamou cette année’’ à cause de la pandémie du nouveau coronavirus, a déclaré, en wolof, Serigne Babacar Sy Abdou, membre de la famille Sy.
Selon lui, le Khalife général des tidianes Serigne Babacar Sy Mansour a pris cette décision sur la base des conseils des médecins et des recommandations de l’islam en cas de pandémie, ‘’après une large concertation au sein de la famille’’.
La maladie continue de se propager et les individus peuvent être infectés sans le savoir, a-t-il relevé, non sans rappeler la fermeture des mosquées depuis plusieurs mois.
Le Mawlid ou Gamou, prévu fin octobre, est un évènement religieux commémorant l’anniversaire de la naissance du Prophète de l’Islam Mohamed (PSL).
Au Sénégal, la ville de Tivouane, sous l’égide de la famille Sy, est un des principaux foyers de convergence des fidèles à cette occasion.
Selon le site Asfiyahi.Org, ’’le Khalife invite les fidèles à célébrer le Gamou dans l’intimité familiale (...) tout en insistant sur le respect des mesures de prévention, à la solidarité, l’entraide, et à la prière pour vaincre ce fléau’’.
’’Des programmes radio-télévisés et digitaux (réseaux sociaux) seront proposés aux Sénégalais et au monde entier pour leur permettre de vivre chez eux, la ferveur des Burds et du Gamou comme ils l’ont toujours vécu à Tivaouane’’, poursuit la même source.