Ils ont en commun d’avoir été des footballeurs de grand talent et de n’avoir jamais disputé une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations (Can). Pour une raison ou pour une autre. Nous vous proposons d’aller à la rencontre de cette belle brochette de joueurs qui auraient certainement fait bonne figure dans cette compétition si courue. Aujourd’hui Diène Faye.
Certains diront que c’est l’un des plus gros « oublis » du football sénégalais. D’autres, plus intransigeants, parleront de « la plus grosse injustice » du foot national en relation avec la Can. Bruno Metsu, le coach qui avait conduit les « Lions » en finale de la Can 2002 et en quarts de finale du Mondial de la même année, lui, avait préféré plaider coupable de … n’avoir pas été informé que le Sénégal disposait d’un tel attaquant. C’était en 2003, alors qu’il était l’entraîneur d’Al Aïn aux Émirats arabes unis. Lors d’un match de championnat contre Al Wahda, le Français avait tellement été frappé par la performance du Sénégalais (dont un but inscrit sur coup franc des 35 mètres) qu’il l’a abordé au coup de sifflet final. « Il a commencé à me parler en anglais et je lui ai dit que j’étais Sénégalais. Il n’en revenait pas. Il m’a juré qu’il n’avait jamais entendu parler de moi. Sinon, il m’aurait sélectionné et j’aurais certainement été titulaire avec les Lions », raconte aujourd’hui Diène Faye. Mieux, « Metsu qui, par la suite, passait régulièrement me voir chez moi, m’a dit qu’il allait rectifier un tort, une erreur. Pour se racheter, il a appelé Robert Budzinski et c’est comme ça que j’ai été recruté par Nantes. À 33 ans, passer directement d’un club des Eau au Fc Nantes, il faut dire que ce n’est pas courant ».
Retraité des terrains depuis plusieurs années, Diène Faye n’en revient toujours pas que malgré ses folles statistiques et son parcours, il n’ait jamais été retenu pour disputer une phase finale de Can. C’était mal parti pour lui dès la Can 92 au Sénégal, puisque même meilleur buteur du championnat (23 réalisations), il n’avait même pas été présélectionné. « C’est certainement parce que je jouais au Stade de Mbour. Si j’étais au Jaraaf ou à la JA, ce serait une autre affaire », se désole-t-il. Il s’était consolé en se disant qu’avec les Sénéfs (Sénégalais de France, comme l’on appelait alors des expatriés), c’était peut-être compréhensible. Encore que…
Deux ans plus tard, lorsque le Sénégal avait été repêché pour remplacer l’Algérie à la Can en Tunisie, Diène Faye qui était passé entre-temps à l’As Douanes, avait encore été oublié malgré ses 22 buts qui en avaient fait le meilleur artificier local. « Ce n’est qu’alors que l’équipe était à Tanger, au Maroc, pour sa préparation finale que l’on a pensé à moi. Mais, en concertation avec mon président de club Babacar Diop, j’avais refusé d’y aller. Car, c’était juste pour la forme, les choix avaient été faits. La preuve, aucun des joueurs appelés à rejoindre Tanger dont Akel Issam, Matar Wade Ndoye ou Seyni Diatta n’avait finalement été retenu », explique-t-il.
Respect de Yekini, Abdoulaye Traoré
Borduré lorsqu’il évoluait au pays, Diène Faye l’a encore plus été quand il a migré dans les pays du golfe. « De 1995 à 2001, j’ai toujours été meilleur buteur du championnat d’Arabie saoudite. Avec le club de Hilal, j’ai remporté 3 fois la Coupe d’Asie et une fois la super coupe d’Asie ». C’est peut-être parce qu’il était trop pris sur le front asiatique avec son club, qu’il n’avait pas pu se libérer pour venir faire la préparation en direction de la Can 2000. À son grand regret. Mais il avait gagné le respect de grands footballeurs africains qui évoluaient avec lui en Arabie saoudite : Yekini, Sam Abouo, Amokachi, Abdoulaye Traoré, Amunike ! Tous avaient du mal à comprendre pourquoi le Sénégal ne faisait pas appel à ses services. « Tous ces gens avaient disputé au moins une Can et certains même une Coupe du monde. Et pourtant, j’étais plus performant qu’eux en clubs. C’est surtout cela qui me fait le plus mal ».
L’argument du faible niveau du championnat saoudien brandi pour expliquer le black-out, en 1994 notamment, sur les Sénégalais qui y évoluaient Diène Faye le balaie d’un revers de la main. « Au contraire, c’est bien plus exigeant de jouer là-bas. On est obligé d’être performant et au top tout le temps. Sinon, les présidents n’hésitaient pas à résilier ton contrat ». En plus, le Mbourois se prévaut d’avoir réussi une performance qui aurait une bonne place dans le Guinness des records : « par deux fois, j’ai été meilleur buteur du championnat d’Arabie saoudite et de celui du Qatar, la même année ». En fait au terme des 7 mois de championnat saoudien, il était recruté comme « pigiste » pour 3 à 4 mois dans l’émirat voisin (au club de Saad Wakra) où il rattrapait et dépassait tous les buteurs.
Malgré tout, l’écho de ses performances ne parvenait toujours pas aux oreilles des décideurs du foot sénégalais. Même, d’après Diène Faye, les « Lions » ont terminé leur participation au Mondial par un crochet en Arabie saoudite, il s’était trouvé des mordus du ballon rond pour demander pourquoi, lui n’était pas du lot. Mais son président d’alors, lui avait donné un lot de consolation : « il m’avait offert la même somme d’argent que les « Lions » qui avaient participé au Mondial avaient reçue ». Ce n’était cependant pas une question d’argent. Il ne comprendra jamais le sort qui lui a ainsi été fait.
La prédiction de Weah…
Alors qu’il évoluait à Wahda aux Émirats arabes unis, Diène Faye révèle s’être lié d’amitié avec le Libérien George Weah qui était alors à Al Jazira. « On jouait au basket ensemble tous les lundis. Et il avait pour habitude de me dire qu’il voulait être un jour président du Liberia et qu’il était sûr qu’il le deviendrait ». Ce qu’il est devenu depuis le 22 janvier 2018.
LA COUR SUPRÊME MAINTIENT L'INTERDICTION DE RAPATRIEMENT DES MORTS DU CORONAVIRUS
Un collectif contestait devant la Cour la décision des autorités de proscrire le retour de ces corps jusqu'à nouvel ordre par crainte de contamination
Un collectif de Sénégalais avait saisi, à travers un pool d’avocats, la Cour suprême pour contester la décision de l’Etat du Sénégal d’interdire le rapatriement des corps de citoyens sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger.
La Cour suprême a rejeté, jeudi, la requête portant annulation de la décision d’interdiction du rapatriement des dépouilles de personnes décédées du coronavirus. Un jugement qui va dans le sens défendu par les avocats de l’Etat du Sénégal.
Au cours de sa plaidoirie, l’agent judiciaire de l’Etat avait évoqué une situation d’exception donc des mesures exceptionnelles s’imposaient pour justifier l’interdiction du rapatriement des corps de Sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger. Il avait poursuivi en revenant sur une décision prise sur la base des recommandations du Comité national des épidémies. L’avocat général reconnaissait, lui, qu’il s’agit, certes, d’une décision douloureuse pour les familles mais l’Etat a voulu prendre des précautions proportionnelles à l’ampleur de la pandémie. Ils demandent à la chambre de ne pas céder à la requête de la partie adverse de lever l’interdiction du rapatriement des corps de Sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger.
La décision de la Cour suprême va à l’encontre donc de la demande de l’association qui avait pris les services d’un pool d’avocats pour contester la mesure prise par l’Etat du Sénégal.
Dans leur requête, les avocats jugeaient illégale la décision de l’Etat sénégalais car elle porte atteinte à « la liberté religieuse, culturelle et de conscience ». Le pool d’avocats avait également mis l’accent sur le fait que la mesure ne figure pas parmi les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour lutter contre la propagation de l’épidémie à coronavirus. Enfin ils avaient indexé une mesure discriminatoire car elle crée deux types de citoyens de sénégalais: ceux qui ont le droit d’être inhumé au Sénégal et ceux qui n’en ont pas le droit à cause d’une maladie.
Avec cette décision de la Cour suprême, il n’est donc toujours pas permis le rapatriement de corps de Sénégalais décédés au coronavirus à l’étranger. Ce qui désole Me Assane Dioma Ndiaye, membre du pool d’avocats.
Me Assane Dioma Ndiaye : » Là, on nous renvoie à l’incertitude »
« J’avoue que nous ne comprenons pas la démarche du juge. Parce qu’il dit d’une part il y’a urgence, qu’il y’a atteinte à une liberté fondamentale mais il dit qu’on ne peut pas dire que cette atteinte est illégitime parce que, dit-il toujours, il y’a un risque probable, un risque plausible. Il dit qu’il y’a un controverse la nature de contagiosité du corps de la personne décédée, les scientifiques ne sont pas unanimes là-dessus. En fait, le juge renvoie les parties dos à dos. Parce qu’aujourd’hui on aurait souhaité que cette contradiction soit purgée et qu’on retrouve une nation unie, soudée. Si on nous avait opposé des arguments scientifiques, des arguments sanitaires, je pense que nos clients, la diaspora serait prête à accepter cette décision. Mais là, on nous renvoie à l’incertitude. On nous dit que le juge administratif ne peut pas apprécier un risque. Or même en état d’urgence, le juge administratif conserve son pouvoir d’appréciation. C’est un recours in concreto. Il s’agit d’apprécier concrètement si un rapatriement peut causer un dommage anormal et spécial. Et là, il faut nécessairement un avis de l’organisation mondiale de la santé. Il faut qu’on nous démontre que malgré tout le protocole funéraire, malgré tout ce que l’on a dit emballement, désinfection des corps et autres il faudrait qu’on nous démontra malgré tout cela un risque subsisterait. Mais quand on nous dit qu’on ne peut pas trancher et qu’au moins il faut admettre un risque plausible on est dans ce qu’on appelle une motivation hypothétique et dubitative. Alors que nous savons que cela n’est pas possible en droit.
Nous craignons hélas que ceci ne mette encore de l’huile sur des rancœurs, des frustrations. On aurait souhaité que même si les mesures n’étaient pas ordonnées que la décision soit de nature à apaiser, à convaincre même ceux qui avaient la pleine intention de faire venir leurs corps. Nous sommes d’accord oui au droit à la santé, nous sommes d’accord au droit à la santé mais si nous devons sacrifier des libertés fondamentales comme la liberté religieuse funéraire il faut qu’on nous démontra que l’exercice de cette liberté serait de nature à porter atteinte au droit de la santé. Or, nous avons démontré qu’en aucun cas si le protocole funéraire est appliqué strictement il y’a aucun risque pour les populations sénégalaises. Autre chose, on nous dit que l’enterrement des Sénégalais décédés au Sénégal ne présentent pas les mêmes risques que l’enterrement des Sénégalais décédés à l’étranger. On ne comprend pas cela. Franchement, on n’est sans voix face à une telle décision ».
SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX EN AFRIQUE, LES VACCINS DE LA COLÈRE
Alors que la communauté scientifique est engagée dans un contre-la-montre pour élaborer des traitements contre le covid-19, en Afrique la défiance envers les vaccins occidentaux s'affiche de plus en plus sur les réseaux sociaux
Alors que la communauté scientifique est engagée dans un contre-la-montre pour élaborer des traitements contre le nouveau coronavirus, en Afrique la défiance envers les vaccins occidentaux s'affiche sur les réseaux sociaux, puisant dans le souvenir des scandales médicaux qui ont jalonné l'histoire du continent.
Un logo montrant une seringue dans un cercle rouge barré du slogan "pas de test de vaccin en Afrique", un dessin d'une femme noire brandissant une machette sous la gorge d'un médecin blanc muni d'une seringue, des hashtags #nonauvaccinenafrique, #pasdetestdevaccinenafrique, #lAfriquenestpasunlaboratoire, #jenesuispasuncobaye...
Depuis plusieurs semaines, les réseaux sociaux africains grouillent de publications mettant en garde contre des vaccins "empoisonnés" qui seraient secrètement testés ou injectés sur le continent.
Début avril, des publications virales en Afrique de l'Ouest affirmaient que sept enfants étaient morts au Sénégal après avoir reçu "le vaccin de Bill Gates".Une vérification de l'AFP a montré que cette rumeur avait pour origine...une blague d'un marchand de cosmétiques dans la banlieue de Dakar.
Dans une autre vidéo partagée des dizaines de milliers de fois en Côte d'Ivoire également vérifiée par l'AFP, une femme se présentant comme une infirmière affirmait, elle, que les centres de dépistage allaient servir à vacciner la population à son insu par voie nasale.
Or, il n'existe pas de vaccin contre le coronavirus.Si une centaine de projets sont actuellement menés à travers le monde, dont une dizaine en phase d'essais cliniques, aucun ne devrait aboutir avant plusieurs mois.
- "Raciste et condescendant" -
Ces fausses affirmations ont connu un écho tout particulier après une discussion entre deux médecins le 1er avril à la télévision française, qui a suscité l'indignation dans de nombreux pays.
Evoquant l'intérêt de tester le vaccin anti-tuberculose BCG contre le coronavirus, l'un d'entre eux demandait notamment si "on ne pourrait pas faire ces tests en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation".
Après certains pays d'Europe et d'Australie, l'Afrique du Sud a lancé lundi des tests analogues, menés sur 500 soignants.
Le continent africain est pour l'instant un des moins sévèrement touchés par la pandémie, avec 2.007 décès pour 51.569 cas officiellement recensés au 7 mai, selon un comptage réalisé par l'AFP à partir de données officielles.
"Il y a une longue histoire de défiance envers les vaccins en Afrique", explique Keymanthri Moodley, directeur du Centre pour l'éthique et le droit de la médecine à l'université de Stellenbosch (Afrique du Sud), en soulignant "l'impact énorme" de cette séquence télévisée.
"Ces gens font des annonces importantes, comme si nous n'avions pas voix au chapitre.C'est comme si on revenait à l'époque coloniale.Personnellement, je trouve cela raciste et condescendant", a déclaré à l'AFP l'ancienne ministre kényane de la Justice, Martha Karua.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), régulièrement mise en cause dans ces publications où elle est accusée d'être le bras armé des puissances occidentales et de l'industrie pharmaceutique, assure que l'Afrique n'est pas un terrain d'expérimentations hasardeuses.
"Je veux vraiment rassurer les gens que les essais cliniques en cours actuellement sur le continent respectent les standards internationaux et suivent les mêmes protocoles que dans les autres pays développés", a déclaré à l'AFP le responsable du programme d'immunisation et de développement des vaccins pour l'OMS en Afrique, Richard Mihigo.
- "Docteur-La-Mort"-
Mais ces déclarations ont ravivé le souvenir de scandales médicaux qui ont marqué le continent jusque dans l'histoire récente.
Dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, le sinistre "Docteur-La-Mort" Wouter Basson, qui dirigeait dans les années 1980 et au début des années 1990 le programme gouvernemental d'armement chimique et biologique, avait ainsi travaillé sur un projet -qui n'a pas abouti - de stérilisation des femmes noires par des substances qui devaient être injectées par les vaccins.
Au Nigeria, au tournant des années 2000, le géant pharmaceutique Pfizer a, lui, versé 75 millions de dollars en échange de l'arrêt de poursuites judiciaires, après des accusations d'essais d'un médicament contre la méningite menés à l'insu de la population en 1996.
La firme américaine assure avoir obtenu l'accord verbal des familles, ce que nient ces dernières qui affirment que le médicament, le Trovan, serait responsable du décès d'au moins onze enfants et de dommages physiologiques pour 189 autres.
Les révélations de plusieurs cas de médicaments anti-VIH frauduleux un peu partout sur le continent ont également "alimenté un fort ressentiment contre les hommes politiques et certains scientifiques", ajoute Keymanthri Moodley.
- Solutions locales -
"Plutôt que de balayer ces craintes en les qualifiant de +fausses rumeurs+ ou un +connaissances erronées+, elles devraient être écoutées et reconnues", estime Sara Cooper, chercheuse au Conseil de recherche médicale sud-africain.
Selon elle, des recherches menées par des scientifiques africains plutôt que des programmes étrangers "pourraient permettre de reconstruire une confiance collective et de réduire l'opposition".
Les remèdes locaux anti-coronavirus basés sur des plantes de la pharmacopée traditionnelle connaissent un grand succès, même si leur efficacité n'a pas été scientifiquement prouvée, à l'instar de la tisane à base d'artemisia lancée fin avril par le président malgache Andry Rajoelina.
Mais l'histoire a aussi montré l'utilité des vaccins, tempère Richard Mihigo: "Les gens savent que les épidémies arrivent quand il n'y a pas d'immunisation.On l'a vu avec la rougeole.Ils participent massivement aux campagnes de vaccination, ils en connaissent les bénéfices".
par Mamba Souaré et Victoria Peter
ET SI L'AFRIQUE S’ÉMANCIPAIT ENFIN DE "L'AIDE" ?
Les changements structurels qu'impose la crise liée au Covid-19 représentent une fenêtre d'opportunité pour nous essayer à un modèle de société différent, davantage collaboratif, solidaire, mais surtout développé en Afrique et pour l'Afrique
Le Point Afrique |
Mamba Souaré, Victoria Peter |
Publication 07/05/2020
Plus rien ne sera comme avant, et peut-être était-il temps ? Le virus qui fait « trembler » la planète ne reconnaît ni les frontières ni les jeux de puissance que notre monde a bâtis des décennies durant. La crise que nous traversons redistribue les « rôles » et ouvre à certains territoires, en particulier l'Afrique, l'opportunité de s'émanciper de modèles de coopération obsolètes. Une chose est sûre, pour dépasser nos défis communs, la coopération entre le « Nord » et l'Afrique se doit d'évoluer. Malheureusement, cette situation exceptionnelle ne semble pas engendrer une réflexion fondamentalement nouvelle dans les méthodes mises en œuvre. Les gouvernements africains francophones par exemple ont encore tendance à répéter les anciens schémas. D'autre part, les campagnes des Nations unies et de la Banque mondiale pour collecter les 100 milliards dont l'Afrique aura besoin pour surmonter la crise paraissent condamnées d'avance[1].
Du côté des « grandes puissances », malgré les appels de la France et de l'Allemagne à soutenir l'Afrique dans la lutte contre le Covid-19 lors du sommet virtuel du G20, aucune stratégie n'est véritablement amorcée. En réalité, ce nouveau départ ne pourra se faire sans la prise en compte des sociétés civiles africaines qui, sur le continent encore plus qu'ailleurs, complètent l'action des pouvoirs publics et participent pleinement à la vie de la cité.
Prendre en compte les sociétés civiles africaines
Regardons la réalité en face, l'aide au développement n'a pas réellement prouvé son efficacité par le passé. Il est peu probable que cette crise y change quoi que ce soit si on ne se décide pas à faire autrement. Éducation, transports, santé, les acteurs de l'aide sont coutumiers des « programmes d'urgence » et autres méthodes miracle. Mais, faute de prise en compte et d'implication des parties prenantes, ces projets échouent, comme en atteste la situation des systèmes sanitaires africains, soutenus ou carrément mis à mal à coups de « plans d'ajustement structurel » et de « plans de développement sanitaire » depuis les années 1980.
Ce n'est pas une raison, au contraire, pour se laisser aller à la fatalité. Car les signes d'espoir d'une prise en charge par les citoyens, entreprises, associations et publics impactés se multiplient. À travers le continent, des structures privées, parapubliques ou associatives, se mobilisent et s'organisent pour faire face aux défis du quotidien et désormais aux conséquences de la crise sanitaire. C'est à leur service que les moyens financiers et humains des bailleurs de fonds, des mécènes, des entreprises, doivent être consacrés. Car qui mieux que la société civile elle-même pour identifier ses besoins et participer à la redéfinition de son environnement ? Nous proposons d'inviter ces organisations à prendre part aux discussions, à faire remonter les réalités de leurs « expérimentations » pour ne plus leur proposer des solutions « clés en main », mais bien construire à leurs côtés : coconstruire, tout simplement.
Saisir la fenêtre d'opportunité ouverte par cette crise
Les changements structurels qu'impose la crise liée au Covid-19 représentent une fenêtre d'opportunité pour nous essayer à un modèle de société différent, davantage collaboratif, solidaire, mais surtout développé en Afrique et pour l'Afrique. Les Ivoiriens, Ougandais, Sud-Africains, Algériens… n'attendent pas le vote des programmes à New York ou à Washington pour agir. On observe depuis quelques années des dynamiques panafricaines qui se construisent sur les fondamentaux des cultures africaines tels que la communauté et la solidarité, depuis trop longtemps éclipsés par des modèles importés de l'Occident.
Ces traditions se transposent désormais facilement du virtuel au réel grâce aux réseaux sociaux et à l'Internet mobile, très largement répandus sur le continent. Grâce aux groupes Facebook et aux discussions WhatsApp, les associations, entrepreneurs et représentants de communauté peuvent compléter l'action publique et faire entendre leur voix pour préparer la réponse à la crise sanitaire, lutter contre les fake news, coconstruire des solutions de sensibilisation (voir par exemple cette vidéo diffusée dans toutes les langues du Sénégal), sonder les populations et parfois même mettre en œuvre des projets tests, etc.
Une force d'innovation locale à encourager
L'ingéniosité caractérise les initiatives qui émergent pour répondre aux défis sanitaire, alimentaire, social et économique. À ce titre, Sô-Dôkôtôrô, qui met en relation patients et médecins au Mali ou encore le FabLab d'Abobo à Abidjan (le Baby Lab) qui produit des visières de protection contre le virus grâce à une imprimante 3D, sont de bons exemples. Ces mobilisations ont besoin de relais humains et financiers pour continuer à servir leur communauté, gagner en compétence et déployer leurs modèles.
Plus que jamais cette situation inédite doit être mise au service de l'action concrète et contribuer à renforcer les capacités de mise en œuvre des « leaders communautaires ». Au travers de programmes numériques de formation « à l'initiative » comme ceux de la Fondation Skoll ou d'afriktivistes (qui forme aux nouvelles compétences digitales et au journalisme), pour commencer. Pour permettre à ces mobilisations de grandir et perdurer, il sera nécessaire de compléter ces formations par des mises en relation, en ligne et sur le terrain. Makesense Africa en a déjà pris le parti et relie sa communauté de citoyens engagés, d'entrepreneurs qui innovent pour la société, d'associations et d'ONG locales avec des personnes et structures qui ont des moyens humains techniques et financiers pour les aider.
Et si on se prenait à rêver d'un monde post-coronavirus, dans lequel l'aide au développement ne serait plus cette injonction venue d'en haut, mais une véritable coopération globalisée impliquant largement les citoyens qu'elle est censée aider ?
[1] Chiffre avancé par la Commission économique des nations unies pour l'Afrique.
LA RÉUSSITE POUR MOI EST UNE SUCCESSION D’ÉCHECS RÉPÉTÉS
L’ancien entraîneur des Lions du basket est en confinement en France. Abdourahmane Ndiaye «Adidas» s’est confié dans une interview avec la Ligue féminine de basketball
L’ancien entraîneur des Lions du basket est en confinement en France. Abdourahmane Ndiaye «Adidas» s’est confié dans une interview avec la Ligue féminine de basketball (Lfb)
Comment vas-tu Abdou ?
Je vais bien, je suis à Aix-enProvence auprès de ma famille. Je me ressource ici dans cette période difficile.
Que deviens-tu ?
Après Villeneuve d’Ascq (en 2012), j’ai entraîné les garçons de Lille pendant deux ans (Pro B). Ça s’est mal terminé mais bon le métier est difficile, rien n’est permanent sauf le changement. Je garde toujours le positif dans les difficultés que je vis. Puis j’ai observé une période de repos après ces longues années de coaching. Je suis retourné au Sénégal pour y entraîner l’Equipe nationale masculine (en 2017).
Sur une échelle de 1 à 10, à quel niveau suis-tu encore le championnat de Ligue féminine ? 7/10 : ma période en Ligue féminine m’a laissé beaucoup de bons souvenirs, sur le plan humain et sportif. J’en garde beaucoup d’amis que ce soit des présidents, des entraîneurs, des joueuses. La grandeur de notre métier, ce sont les relations humaines. Je suis encore le basket féminin à travers Lfb Tv ; il y a une bonne évolution avec des équipes qui ont émergé comme Lyon, Montpellier, Roche Vendée. Le championnat est toujours très relevé et reconnu.
Quel est ton plus beau souvenir de carrière ?
Je me rends compte qu’il n’y a pas d’autre luxe que les relations humaines. Il y a eu un lien affectif avec les joueuses que j’ai entraînées mais aussi celles que je n’ai pas entraînées. D’un point de vue sportif, il y a la montée avec Limoges en première division, mon passage à Aix avec la Coupe de France en 2000 et l’Euro-coupe en 2003, la médaille d’argent à l’Euro des 20 ans avec l’Equipe de France et mes titres d’entraîneur de l’année. Puis il y a cette distinction de la Ligue féminine lors de l’Open Lfb 2016 avec mon ami Philippe Legname. Ça a été très important pour moi ; la reconnaissance fait partie des valeurs qui me gouvernent.
Et le moins bon ?
Je garde toujours les choses positives au milieu des difficultés, des déceptions, des vexations. On dit souvent, en tant qu’entraîneur, que c’est un métier composé des gens qui sont virés ou qui vont l’être. J’ai vécu un moment difficile avec Villeneuve d’Ascq, après huit ans là-bas. Mais j’en garde un souvenir extraordinaire et notamment le titre en 2017 remporté par mon ancien assistant (Fred Dusart), même si je n’y étais plus.
C’est peut-être ce qu’on retient après des moments de rupture mais ça fait partie de la vie. La réussite, pour moi, est une succession d’échecs rectifiés. Mon passage dans le milieu féminin m’a énormément apporté, j’ai dû apprendre et ça m’a permis de devenir ce que je suis aujourd’hui.
UN MODÈLE S’ÉRIGE EN EXEMPLE
A Sagatta Nguet, les populations, la mairie ainsi que les Forces de l’ordre se sont donné la main pour barrer la route au coronavirus.
La lutte contre le Covid-19 est un combat de tous. A Sagatta Nguet, les populations, la mairie ainsi que les Forces de l’ordre se sont donné la main pour barrer la route au coronavirus.
C’est un exemple de lutte contre le coronavirus. A Sagatta Gueth, une commune du département de Kébémer, sous la houlette de la mairie, les populations et la gendarmerie ont uni leurs forces pour barrer la route au Covid-19.
La mairie, qui a fermé le marché hebdomadaire dès l’apparition des premiers cas de Covid19, a distribué 4 mille masques aux 18 mille habitants de la commune. C’est la première étape d’un plan de 8 axes.
Selon un communiqué détaillant la stratégie, les élèves en classe d’examen sont suivis avec la collaboration des enseignants, soutient le maire de Sagata Gueth, Elhadji Amar Lô Gaydel dans un communiqué. M. Lô souligne que des vivres ont été distribués aux 35 écoles coraniques éparpillées dans les 72 villages que compte la commune. Un don d’un million Cfa a été fait au Force-Covid19.
La gendarmerie a, pour sa part, veillé au respect scrupuleux du couvre-feu et la fermeture du marché hebdomadaire. «En attendant l’arrivée de l’appui de l’Etat du Sénégal aux populations de la commune qui constitue plus de 2200 ménages dont 909 ont été sélectionnés dans le cadre de l’aide «Force Covid-19», les autorités municipales ont décidé de suivre et observer le mouvement de la distribution de l’aide en toute équité, transparence et efficience afin de combler le vide et ajuster les manquements», informe le communiqué du maire de Sagata Gueth.
ET SI L’ARTEMISIA ETAIT LE PRINCIPAL ESPOIR
L’artemisia, plante aux airs de fougère issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise, connaît un succès grandissant sur le continent malgré la polémique qui l’entoure.
Il a été démontré que l’artemisia soigne le palu aussi efficacement que la chloroquine. Si la chloroquine soigne le coronavirus, l’artemisia aussi. Alors, pourquoi ne pas utiliser au Sénégal l’artemisia, une plante aux multiples bienfaits ?
L’artemisia, plante aux airs de fougère issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise, connaît un succès grandissant sur le continent malgré la polémique qui l’entoure. En cinq ans à peine, plusieurs Maisons de l’artemisia se sont créées dans 18 pays d’Afrique dont le Sénégal. L’association, qui promeut l’utilisation de la plante, indique sur son site internet que « l’artemisia annua ou afra soigne et prévient le paludisme ». Ses vertus son connues par tous les Africains. En effet, cette plante cultivée notamment au Sénégal, à Thiès plus précisément, est présentée par ses adeptes comme une solution miracle au paludisme en Afrique. La Maison de l’Artemisia et sa communauté de soutiens scientifiques ont d’ailleurs souhaité rassurer l’Académie Nationale de Médecine sur le sérieux de leur démarche scientifique. « Comme les Académiciens de médecine l’ont signalé avec justesse, l’OMS constate que la stratégie actuelle contre le paludisme a atteint un plafond, et ne permet plus de faire reculer ce fléau qui demeure la maladie la plus meurtrière du monde. Si les moustiquaires et les traitements à base d’ACT ont fort heureusement toujours une efficacité contre le paludisme, il est urgent de trouver des stratégies complémentaires, de refuser de se résigner au statu quo d’une maladie qui tue chaque année près de 500.000 personnes, et de contrer l’afflux très important de médicaments falsifiés en Afrique. Notre association, la Maison de l’Artemisia, s’est fixée pour mission d’accélérer la recherche pour déterminer scientifiquement si la tisane d’Artemisia permet de guérir le paludisme, et sous quelles conditions. Cette thérapeutique locale et peu onéreuse sera une réponse parfaite aux difficultés d’accès aux traitements en Afrique, dès lors que son efficacité sera définitivement démontrée. Mais les malades africains n’ont pas le luxe d’attendre et recourent déjà massivement à la tisane d’Artemisia », soutient tout ce monde. La Maison de l’Artemisia dit intervenir aussi pour diffuser auprès des agriculteurs locaux les meilleures pratiques pour cultiver et commercialiser la plante selon une charte et un label communs de qualité. A en croire ses dirigeants, plusieurs études cliniques et expérimentations auraient déjà démontré l’efficacité de cette plante, ou a minima son potentiel prometteur. Les deux espèces d’Artemisia étudiées (Artemisia Afra et Artemisia Annua) contiendraient au moins 17 principes actifs efficaces contre le paludisme, au-delà même de l’Artémisinine qui est aujourd’hui la base des traitements et avait fait l’objet d’un prix Nobel de médecine en 2015.
Prix Nobel de médecine en 2015…
Des professeurs, infectiologues, chimistes, agronomes, en France, aux Etats-Unis et bien sûr en Afrique engagent de nouvelles recherches. Lucile Cornet-Vernet, fondatrice de la Maison de l’Artemisia, écrit ceci : « Nous, Maison de l’Artemisia, appelons l’ensemble de la communauté médicale et scientifique, des pays du Nord et des pays du Sud, à mener d’urgence toutes les recherches qui permettront d’établir si la tisane d’Artemisia est bien efficace contre le paludisme, sur le fondement d’études cliniques irréprochables. Toutes les deux minutes, un enfant meurt du paludisme. Si un espoir crédible existe de lutter contre cette maladie, à faible coût et accessible partout en Afrique, nous ne pouvons plus perdre une seconde. » La Maison de l’Artemisia est une association à but non lucratif, qui vise à étudier l’Artemisia, plante traditionnelle de la médecine chinoise présentant des propriétés en matière de lutte contre le paludisme, à l’usage exclusif des populations de pays en développement ne disposant pas d’alternative. Présente dans près de 20 pays en Afrique, elle intervient aussi pour organiser un réseau de cultures et de distribution labélisé, à but non lucratif, géré par les populations locales.
L’Artemisia, utilisée en Chine pour lutter contre la Covid-19…
mars 2020, la Maison de l’Artemisia a révélé que l’Artemisia annua (Qing Hao), plante médicinale, a été largement utilisée en Chine pour combattre le Covid-19. Elle martèle que la plante a été administrée selon le protocole officiel de la Médecine Traditionnelle Chinoise, uniquement dans les cas d’atteintes pulmonaires modérées à sévères, en association avec un traitement conventionnel. Une étude de l’OMS indiquait, selon la Maison de l’Artemisia, que la plante avait été efficace en traitement complémentaire pendant l’épidémie de SRAS de 2003. Nature Plants, une revue scientifique britannique, publie mi-mars 2020 un plaidoyer pour l’usage des plantes médicinales, dont l’Artemisia annua, en 1ère ligne de défense contre le Covid-19 : « Dans une situation d’urgence comme l’épidémie de COVID-19, alors que les médicaments ordinaires mettent du temps à passer les essais cliniques, les médicaments à base de plantes et les produits naturels facilement disponibles et dont l’innocuité est prouvée peuvent permettre de gagner du temps en tant que première ligne de défense » écrit-elle.
La Maison de l’Artemisia appelle les autorités sanitaires à lancer d’urgence un grand essai clinique
Lucile Cornet-Vernet, fondatrice de la Maison de l’Artemisia, se le demande : « Comment les systèmes de santé les plus fragiles pourraient-ils s’en sortir quand nous Européens n’arrivons même pas à avoir suffisamment de masques ou de respirateurs artificiels ? La situation en Afrique est encore plus préoccupante que la nôtre. L’Artemisia annua, qui pousse en Afrique, est une opportunité historique pour aider les populations les plus fragiles. C’est à nous, Pays du Nord, de faire cette étude, maintenant que nous avons les cas cliniques et toutes les infrastructures nécessaires pour permettre demain aux populations les plus fragiles du Sud de disposer d’un traitement accessible. » Il est sans doute arrivé le moment d’essayer la médecine traditionnelle africaine qui a toujours été un remède pour des maladies inguérissables par les occidentaux (hémorroïdes, maladies des gênes... et même pour un déboitement ou une cassure d’os). Faut-il toujours que nous, Africains, comptions aveuglément sur les occidentaux ? Secouons-nous et croyons à nos valeurs et notre élite. Cette plante, l’artemisia, a fait ses preuves contre malaria. Hélas, l’OMS refuse de l’adopter pour sans doute préserver les intérêts de lobbies pharmaceutiques…
par Bado Ndoye
FAUT-IL LAISSER LE VIRUS CIRCULER ?
Tant que les tests massifs - qu’il faut saluer - ne seront pas complétés par une politique rigoureuse de confinement généralisé de tout le pays, le virus continuera à se propager. Si nous voulons éviter le syndrome anglais, c’est maintenant ou jamais
Au regard de la façon dont cette pandémie du covid-19 nous met à l’épreuve, il est possible d’y voir comme un test de résilience. Chaque pays y va de sa stratégie, en fonction des moyens dont il dispose, de son expérience des grandes épidémies et de l’intelligence de ses dirigeants. Le cas des anglais est de ce point de vue révélateur de ce qu’il ne faudrait pas faire. Pendant que le virus tuait des milliers de personnes en Chine et que toute la planète se préparait au pire, le Premier ministre Boris Johnson pensait, lui, qu’il n’y avait pas péril en la demeure. La solution, simple selon lui et quelques-uns de ses conseillers, consistait à laisser circuler le virus et pénétrer la population le plus profondément possible. Beaucoup de personnes mourront, c’est certain – environ 250 000 victimes selon les estimations des épidémiologistes anglais - mais à un moment donné les gens qui auront survécu développeront suffisamment d’anticorps, ce qui mettra un terme à la propagation du virus. C’est la fameuse théorie de « l’immunité de troupeau » (« herd immunity » en anglais) ou immunité collective. Ce que la théorie ne dit pas c’est qui va mourir. Dans la tête de Boris Johnson c’était pourtant très clair : ce sont les pauvres et tous ceux qui n’ont ni assurance maladie ni protection sociale, bref tous ceux qui n’ont pas les moyens de se soigner. Les quelques jours perdus en tergiversations, le temps que ses conseillers lui font changer d’avis, le mal était fait. Lui-même a contracté le virus et a développé une forme sévère, alors qu’il se croyait en sécurité au Ten Downing street. Aujourd’hui l’Angleterre est le pays qui recense le plus de morts en Europe, en partie à cause de cette doctrine, un avatar darwinien de la lutte pour la survie selon lequel seuls les plus aptes survivront.
La stratégie adoptée par le Sénégal est-elle sensiblement différente de ce que Boris Johnson prévoyait pour son pays ? Trois grandes mesures ont été prises pour rompre la chaîne de transmission du virus : l’interdiction des rassemblements, largement respectée, le couvre-feu dont l’efficacité est très limitée vu que l’écrasante majorité ses sénégalais ne sort pas le soir et l’interdiction de circuler d’une région à une autre. Pour le reste on compte sur l’application des gestes-barrières, c’est-à-dire sur l’autodiscipline des sénégalais. Autant dire sur une chimère. Qu’est-ce qui est fait pour limiter les déplacements à l’intérieur de chaque région et à l’intérieur de chaque ville ? Tant que les tests massifs - qu’il faut saluer - ne seront pas complétés par une politique rigoureuse de confinement généralisé de tout le pays, le virus continuera à se propager. Nous sommes sur une courbe ascendante, et il faut être d’une grande naïveté pour croire qu’elle va s’infléchir toute seule. Seules des décisions d’une grande ampleur permettront de l’aplatir et de soulager les hôpitaux. Le Professeur Seydi et ses collaborateurs, sans doute parce qu’ils n’ont pas voulu outrepasser leurs prérogatives, l’ont pourtant demandé, mais à mots tellement couverts que l’on se demande si les autorités ont capté le message.
Nous franchirons dans quelques jours le cap des 1000 malades, et déjà on ne compte plus le nombre d’agents des personnels soignants en quarantaine à travers le pays. Il est indécent de continuer à leur demander de toujours faire des miracles. Qui ne voit que nos structures hospitalières, déjà au bord de l’effondrement parce que fragilisées par des décennies de politique de coupes budgétaires ne supporteront pas le choc ? C’est ce scénario catastrophe d’hôpitaux débordés dont on a vu les effets désastreux en Italie et en Espagne qu’il faut éviter à tout prix ! La résilience des Africains que l’on a tant vanté ces jours-ci a des limites. Certes, le confinement est une décision difficile à assumer politiquement, dans un pays où la majorité des gens vit au jour le jour. Mais à quoi était censé répondre ce formidable élan de solidarité nationale de mobilisation de fonds – 1000 milliards – si ce n’est pour soutenir les sénégalais qui allaient être durement frappés par les rigueurs du confinement ? On le sait, le propre des situations d’urgence, c’est qu’il n’y a pas de solutions toutes faites. Il faut faire preuve de hardiesse et d’inventivité, mais avec la certitude que chaque mauvaise décision, ou chaque décision qui n’aura pas été prise au moment opportun se traduira fatalement pas des pertes en vies humaines. Si nous voulons éviter le syndrome anglais c’est maintenant ou jamais.
89 PRODUITS MIS SUR LE MARCHE GRACE AU SOUTIEN DE L’OMS
L’OMS affirme que des autorisations de mise sur le marché de 89 produits issus de la pharmacopée traditionnelle ont été délivrées dans 14 pays africains, grâce au soutien qu’elle a apporté à des essais cliniques.
L’OMS affirme que des autorisations de mise sur le marché de 89 produits issus de la pharmacopée traditionnelle ont été délivrées dans 14 pays africains, grâce au soutien qu’elle a apporté à des essais cliniques.
Les produits en question répondent aux normes d’homologation internationales et nationales établies, précise l’organisation dans un communiqué de son bureau Afrique. «Quarante-trois de ces produits ont été inscrits sur les listes nationales de médicaments essentiels. Ces produits font désormais partie de l’arsenal qui permet de traiter les patients atteints d’un large éventail de maladies comprenant le paludisme, les infections opportunistes liées au VIH, le diabète, la drépanocytose et l’hypertension», indique le communiqué.
L’OMS souligne que grâce à son appui, «la quasi-totalité des pays de la Région africaine se sont dotés de politiques nationales dans le domaine de la médecine traditionnelle». Elle indique qu’au cours des deux dernières décennies, elle a «collaboré avec les pays pour assurer un développement sûr et efficace de la médecine traditionnelle en Afrique, en fournissant des ressources financières et un appui technique à cet effet».
Les gouvernements africains, par l’intermédiaire de leurs ministres de la santé, ont adopté au cours de la cinquantième session du Comité régional de l’OMS pour l’Afrique tenue en 2000, une résolution sur la médecine traditionnelle. Dans cette résolution, les états Membres étaient invités à générer des données factuelles sur la sécurité, l’efficacité et la qualité de la médecine traditionnelle. Les pays étaient aussi invités à effectuer des recherches pertinentes et à demander aux autorités nationales de réglementation pharmaceutique à approuver les médicaments conformément aux normes internationales, qui préconisent notamment que le produit suive un protocole de recherche strict et soit soumis à des tests, ainsi qu’à des essais cliniques.
par Mohamed Taméga
L'HORREUR DE L'IMPOSTURE DANS LE DÉBAT PUBLIC
Quel autre nom est celui d'Adama Gaye quand il reproche à Souleymane Bachir Diagne d'avoir salué le "leadership" de Macky Sall parmi les présidents africains ? Notre espace public de pensée et de débats a besoin de normes
Je vais me mêler de cette « affaire » Adama Gaye - Souleymane Bachir Diagne. Diagne, comme tous ceux qui font métier de produire de la pensée, philosophique notamment, sait que ses interventions, à l'instar de toute philosophie, ont pour vocation de critiquer, pour destin d'être critiquées, voire contestées, à leur tour.
D'abord, un petit détour, par un tracé des lignes de front, idées et débats actuels au Sénégal. Il se passe quelque chose de très intéressant au Sénégal, à quoi Souleymane Bachir Diagne a certainement beaucoup contribué, que l'on peut apprécier, quel que soit son bord idéologique, philosophique ou politique, la reconstruction d'un espace public de pensée. Celui-ci se constitue autour de diverses identités politiques et philosophiques : de cette pensée de gauche, universaliste, socialiste et enracinée dans un panafricanisme ouvert et progressiste, incarnée à mon sens par l’essayiste Hamidou Anne et par mon ami Babacar Diop, le leader du FDS, entre autres. À ce bouillon d'approches transdisciplinaires que sont les Ateliers de la pensée, où l'on retrouve à la fois les fondements de la doctrine senghorienne et bergsonienne de l'intériorité vitale, et le geste critique proprement foucaldien de restauration d'une subjectivité débarrassée des gangues liberticides d'entités sociales, politiques et institutionnelles, des directives des institutions de Bretons-Woods à la prétention normative de prescriptions existentielles exogènes, geste assez fréquent chez Felwine Sarr et Achille Mbembe.
D'un autre bord de cet espace se tiennent quelques militants d'un étonnant procès populaire régulièrement instruit contre Senghor, et pour Cheikh Anta Diop. Et puis, un courant politique intrinsèquement d'extrême droite dont la figure dirigeante est Ousmane Sonko. Si le mot d'ordre fondamental de cette sphère politique est qu'il faut dégager l'actuelle classe politique, Ousmane Sonko aime dire à qui veut l'entendre qu'il n'est pas de gauche. Autrement dit, qu'il ferait la même politique que ceux qu'il combat aujourd'hui, mais sans leurs travers moraux. Pour la suite des pièces de ses coordonnées politiques, s'il en faut encore, son goût prononcé et revendiqué pour les sciences de l'optimisation fiscale plaide en sa faveur en ce qui concerne la crédibilité de l'alternative qu'il pourrait constituer et son sens de la justice fiscale et du progrès social. Ceux de Sonko et de l'égyptologue, anti-marxiste substantiel, anti-universaliste sans le savoir, Cheikh Anta Diop, se rejoignent sur une chose, assez étrange : ne rien affirmer de vrai, de commun à tous, pas grand-chose, sinon qu'il faut remplacer la constitution du Sénégal par les thèses du dernier. Mais, passons. Abandonnons-les à leur misère politique, à leur mélasse philosophique, leur destin réactionnaire.
Face à eux, Souleymane Bachir Bachir Diagne. Il déplie avec une rigueur très lucide et intransigeante, le principe philosophique Bergsonien de l'identité de l'Être et du changement, c'est-à-dire leur consubstantialité inextricable, contre les sirènes des identités carcérales, se constituant comme dispositif de résistance au passé colonial et à ses reliquats, et le fanatisme islamique. J'ai personnellement beaucoup de désaccords, beaucoup de choses à dire sur ce que je pense être l'angle mort, l'oubli générique, la "bévue, la présence-absence du dehors à l'intérieur, ou, pour emprunter le mot d'Althusser "la question non posée des réponses" que contiennent certains textes de Souleymane Bachir Diagne, Felwine Sarr et leurs amis à la pensée. Mais, ce n'est pas le sujet ici. Nous avons quand même un espace public de pensée et de débats. Il commence à vivre. Qu'il vive longtemps ! Par ailleurs, il a besoin de normes. Normes indispensables pour notre démocratie, si formelle soit-elle par endroits. Il en est une qui découle d'une exigence démocratique consistant dans la recherche en commun de la vérité, sous les auspices de laquelle seront tenues la vie publique, ses querelles et controverses intellectuelles : un devoir collectif et individuel de nous battre pour tenir éloignée de nous l'horreur du règne des imposteurs. Car quel autre nom est celui d'Adama Gaye ? Quand il reproche à Souleymane Bachir Diagne d'avoir salué le "leadership" de Macky Sall parmi les chefs d''État africain ? Il ne conteste pas la valeur du vocable comme catégorie politique, mais son attribution à Macky Sall. On le sait, le concept de leadership est polysémique. Il compte de nombreuses variations, aussi problématiques les unes que les autres. On aurait apprécié qu'Adama Gaye nous dise dans son long article à laquelle des acceptions de ce mot-concept il lie ses convictions politiques à lui. Le propre de l'imposture dans un débat est de travestir les mots de l'adversaire, d'en faire une arme contre lui et une ressource pour alimenter son propre vide, dont elle fait commerce. Pour ne pas laisser dire qu'elle mystifie et qu'elle ment.