LA COUR SUPRÊME MAINTIENT L'INTERDICTION DE RAPATRIEMENT DES MORTS DU CORONAVIRUS
Un collectif contestait devant la Cour la décision des autorités de proscrire le retour de ces corps jusqu'à nouvel ordre par crainte de contamination

Un collectif de Sénégalais avait saisi, à travers un pool d’avocats, la Cour suprême pour contester la décision de l’Etat du Sénégal d’interdire le rapatriement des corps de citoyens sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger.
La Cour suprême a rejeté, jeudi, la requête portant annulation de la décision d’interdiction du rapatriement des dépouilles de personnes décédées du coronavirus. Un jugement qui va dans le sens défendu par les avocats de l’Etat du Sénégal.
Au cours de sa plaidoirie, l’agent judiciaire de l’Etat avait évoqué une situation d’exception donc des mesures exceptionnelles s’imposaient pour justifier l’interdiction du rapatriement des corps de Sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger. Il avait poursuivi en revenant sur une décision prise sur la base des recommandations du Comité national des épidémies. L’avocat général reconnaissait, lui, qu’il s’agit, certes, d’une décision douloureuse pour les familles mais l’Etat a voulu prendre des précautions proportionnelles à l’ampleur de la pandémie. Ils demandent à la chambre de ne pas céder à la requête de la partie adverse de lever l’interdiction du rapatriement des corps de Sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger.
La décision de la Cour suprême va à l’encontre donc de la demande de l’association qui avait pris les services d’un pool d’avocats pour contester la mesure prise par l’Etat du Sénégal.
Dans leur requête, les avocats jugeaient illégale la décision de l’Etat sénégalais car elle porte atteinte à « la liberté religieuse, culturelle et de conscience ». Le pool d’avocats avait également mis l’accent sur le fait que la mesure ne figure pas parmi les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour lutter contre la propagation de l’épidémie à coronavirus. Enfin ils avaient indexé une mesure discriminatoire car elle crée deux types de citoyens de sénégalais: ceux qui ont le droit d’être inhumé au Sénégal et ceux qui n’en ont pas le droit à cause d’une maladie.
Avec cette décision de la Cour suprême, il n’est donc toujours pas permis le rapatriement de corps de Sénégalais décédés au coronavirus à l’étranger. Ce qui désole Me Assane Dioma Ndiaye, membre du pool d’avocats.
Me Assane Dioma Ndiaye : » Là, on nous renvoie à l’incertitude »
« J’avoue que nous ne comprenons pas la démarche du juge. Parce qu’il dit d’une part il y’a urgence, qu’il y’a atteinte à une liberté fondamentale mais il dit qu’on ne peut pas dire que cette atteinte est illégitime parce que, dit-il toujours, il y’a un risque probable, un risque plausible. Il dit qu’il y’a un controverse la nature de contagiosité du corps de la personne décédée, les scientifiques ne sont pas unanimes là-dessus. En fait, le juge renvoie les parties dos à dos. Parce qu’aujourd’hui on aurait souhaité que cette contradiction soit purgée et qu’on retrouve une nation unie, soudée. Si on nous avait opposé des arguments scientifiques, des arguments sanitaires, je pense que nos clients, la diaspora serait prête à accepter cette décision. Mais là, on nous renvoie à l’incertitude. On nous dit que le juge administratif ne peut pas apprécier un risque. Or même en état d’urgence, le juge administratif conserve son pouvoir d’appréciation. C’est un recours in concreto. Il s’agit d’apprécier concrètement si un rapatriement peut causer un dommage anormal et spécial. Et là, il faut nécessairement un avis de l’organisation mondiale de la santé. Il faut qu’on nous démontre que malgré tout le protocole funéraire, malgré tout ce que l’on a dit emballement, désinfection des corps et autres il faudrait qu’on nous démontra malgré tout cela un risque subsisterait. Mais quand on nous dit qu’on ne peut pas trancher et qu’au moins il faut admettre un risque plausible on est dans ce qu’on appelle une motivation hypothétique et dubitative. Alors que nous savons que cela n’est pas possible en droit.
Nous craignons hélas que ceci ne mette encore de l’huile sur des rancœurs, des frustrations. On aurait souhaité que même si les mesures n’étaient pas ordonnées que la décision soit de nature à apaiser, à convaincre même ceux qui avaient la pleine intention de faire venir leurs corps. Nous sommes d’accord oui au droit à la santé, nous sommes d’accord au droit à la santé mais si nous devons sacrifier des libertés fondamentales comme la liberté religieuse funéraire il faut qu’on nous démontra que l’exercice de cette liberté serait de nature à porter atteinte au droit de la santé. Or, nous avons démontré qu’en aucun cas si le protocole funéraire est appliqué strictement il y’a aucun risque pour les populations sénégalaises. Autre chose, on nous dit que l’enterrement des Sénégalais décédés au Sénégal ne présentent pas les mêmes risques que l’enterrement des Sénégalais décédés à l’étranger. On ne comprend pas cela. Franchement, on n’est sans voix face à une telle décision ».