VIDEOÀ 92 ANS, PAUL BIYA INCARNE LE MAL AFRICAIN SELON MBEMBE
Après 43 ans de pouvoir, le bilan du président camerounais est "calamiteux" selon le philosophe. L'intellectuel camerounais appelle à une reconstruction "titanesque" pour sortir le pays de l'impasse gérontocratique

L'historien et philosophe camerounais Achille Mbembe a livré une analyse de la candidature de Paul Biya à un huitième mandat présidentiel au Cameroun, dénonçant plus largement le phénomène de gérontocratie qui frappe le continent africain.
"Il appartient à la catégorie du cinquième âge, c'est-à-dire de ceux qui ont entre 90 et 100 ans", a-t-il déclaré, précisant que Biya "appartient en fait à la population que l'on peut qualifier de gériatrique".
L'intellectuel souligne le paradoxe d'un dirigeant nonagénaire aux prises avec des "déficiences physiques" et des "restrictions souvent sévères pour les soins personnels" qui gouverne un pays dont 80% de la population est âgée de 18 à 35 ans.
Mbembe, qui s'est rendu récemment au Cameroun, dresse un tableau alarmant de l'état du pays : "Les poubelles, l'insalubrité publique, l'absence d'hygiène résument à peu près tout." Il qualifie le bilan de quatre décennies de pouvoir de "tout simplement calamiteux".
L'historien établit une distinction géographique marquée : alors que des pays comme le Bénin, le Sénégal ou le Kenya montrent des "progrès démocratiques", l'Afrique centrale reste le "cœur des ténèbres de la démocratie" où "tout s'est arrêté au début des années 90".
Pour sortir de cette impasse gérontocratique, Mbembe préconise une refonte complète des institutions. Sa feuille de route inclut la réécriture de la Constitution, l'établissement d'un véritable État de droit fédéral, la décentralisation du pouvoir vers les régions et même la construction d'une nouvelle capitale.
"Tout est à reconstruire, à commencer par les infrastructures morales et psychiques du pays", insiste-t-il, tout en reconnaissant que cette transformation nécessitera que "le peuple se réveille et prenne en main sa destinée".
Si l'intellectuel critique sévèrement les gérontocraties d'Afrique centrale, il ne cautionne pas pour autant l'émergence de régimes militaires en Afrique de l'Ouest. Il qualifie ces derniers de "régimes liberticides", citant les exemples du Mali, du Burkina Faso, du Niger et de la Guinée.