Des impacts négatifs seront causés par les travaux de construction de l’usine de dessalement de l’eau de mer aux Mamelles, qui vont démarrer dans le courant du second semestre. Et pour mieux réduire les dégâts qu’ils vont engendrer, des acteurs se sont réunis hier pour voir comment procéder.
Les travaux de construction de l’usine de dessalement de l’eau de mer aux Mamelles vont démarrer dans le courant du second semestre. Et beaucoup d’impacts négatifs seront causés. Des acteurs se sont ainsi rencontrés hier, afin de trouver des solutions. Le cadre d’échange et de partage était un prétexte pour impliquer davantage les services techniques de l’Etat dans la mise en œuvre de ce projet. La rencontre a été initiée également dans le but de mettre en place un cadre de collaboration des parties prenantes, de désigner des points focaux, etc. «La spécificité de ces travaux, les zones d’intervention étant pour l’essentiel des servitudes d’usage public, combinées aussi à la présence de nombreux réseaux appartenant à d’autres concessionnaires, commandent une approche concertée avec toutes les parties prenantes pour mieux circonscrire les gênes que pourrait engendrer leur mise en œuvre. La présente rencontre est apparue nécessaire pour la Sones pour cette raison», a expliqué le coordonnateur technique de la Société nationale des eaux du Sénégal, Abdoul Niang. L’usine de dessalement d’eau de mer aux Mamelles est d’une capacité de production de 50 mille m3 par jour dès 2021, extensible à 100 mille m3 par jour en 2026. Son coût global est évalué à 137 milliards de francs CFA. Le financement est assuré
par l’Agence de coopération internationale du Japon (Jica).
La durée des travaux est de 2 ans et demi.
El Hadj Ada Ndao, directeur du projet au niveau de la Sones, estime que les anciennes conduites de Dakar, devant être renouvelées «pour environ 442 km, ont presqu’au moins 50 ans et il y a lieu aujourd’hui, pour assurer une correcte alimentation en eau potable au niveau de Dakar, de procéder à leur renouvellement».Cette usine permettra, selon lui, d’avoir une nouvelle source de production d’eau dans la région de Dakar, de renforcer
l’eau potable, d’améliorer la pression du réseau de distribution de l’eau potable, ainsi que de réduire des pertes d’eau… Les collectivités locales n’ont pas assisté à la rencontre d’hier. Cette situation a provoqué l’ire de Modou Ndiaye, adjoint au gouverneur de Dakar. «Ce qu’il faut déplorer, c’est l’absence des collectivités locales. Je pense que le contexte est dû à la situation actuelle, mais ce n’est pas une excuse pour ces élus de ne pas
venir participer aux différentes activités que la gouvernance organise pour leur bénéfice exclusif», déplore-t-il. Il ajoute : «Comme vous le savez, la zone d’intervention de tout projet, c’est au niveau des collectivités territoriales. Si elles s’absentent à des séances de travail de cette nature, ça pose un problème.»
PAR YORO DIA
SOUVERAINETÉ ET PARRAINAGES EXTÉRIEURS
Après le Qatar, c’est la Guinée de Sékou Touré et de Condé qui veut être le régulateur et l’arbitre de nos divergences politiques - C’est une indignité nationale
Quand le vice-président du Conseil italien a reçu des gilets jaunes, la France qui, à juste titre, a estimé que le Rubicon avait été franchi a rappelé son ambassadeur. Un pays qui se respecte ne joue pas avec sa souveraineté. Théoriquement, rien ni personne ne doit être au-dessus de notre souveraineté. Malheureusement au Sénégal, les hommes politiques, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, sacrifient toujours la souveraineté à l’autel des calculs politiciens immédiats. Ce qui fait que nous avons beaucoup de politiciens et peu d’hommes d’Etat. La sacralité de la souveraineté est un réflexe chez un homme d’Etat, alors que chez le politicien, c’est le réflexe tactique pour gagner la prochaine élection. Après le Qatar, c’est la Guinée de Sékou Touré et de Condé qui veut être le régulateur et l’arbitre de nos divergences politiques. C’est une indignité nationale. Abdoulaye Wade n’a pas les forces politiques ou sociales pour empêcher la tenue de l’élection présidentielle ou imposer un report. «L’invasion d’un pays par un seul homme», comme disait Chateaubriand à propos de Napoléon de retour d’exil de l’île d’Elbe, était vouée à l’échec. Wade le sait très bien et il s’agrippe à la médiation de Condé pour ne pas perdre la face. Est-ce que ne pas perdre la face vaut la peine qu’il devienne un instrument de Alpha Condé dans sa croisade personnelle contre le Sénégal qui remonte à ses années d’étudiant à la Feanf (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France) comme l’ont montré la crise gambienne, quand il a servi de bouclier pour sauver Jammeh et lors de l’épidémie d’Ebola quand il a reproché au Sénégal d’avoir pris des mesures pour se protéger ? Si l’Emir du Qatar, Alpha Condé, la France se mêlent de notre vie politique, c’est la faute de notre classe politique dans son ensemble. Dans celle-ci, quand on est dans l’opposition, on transforme l’ambassade de France en mur des lamentations, en oubliant que l’ambassadeur n’est pas le gouverneur général Messmer, et quand on est au pouvoir, on est convaincu qu’on ne peut rien faire sans l’aval de Paris.
L’académicien Jean Christophe Ruffin m’a dit un jour la difficulté d’être ambassadeur de France dans une ex-colonie, en ces termes : «Quand la France parle, on crie à l’ingérence. Quand elle se tait, on crie à l’indifférence et à la complicité avec le pouvoir.» Depuis 2000, les faits démontrent que ce sont les Sénégalais qui ont le dernier mot et que la volonté des Sénégalais prime sur les parrainages extérieurs. En 2000, les Sénégalais ont préféré le «saut dans l’inconnu avec Wade», comme disait Foccart à Diouf, parrainé par la France. En 2012, Wade, malgré tous les parrains extérieurs pour son fils, sera emporté par l’ouragan populaire anti-dévolution monarchiste. «La France de Papa est morte et ceux qui ne l’ont pas compris mourront avec elle», disait De Gaulle aux partisans de l’Algérie française. Le Sénégal de Papa (rien ne se faisait sans l’aval de Paris) est mort en 2000, avec l’élection de Wade. Ceux qui ne l’auront pas compris mourront avec lui. Ce sont ceux qui ne l’ont pas compris qui courent après des audiences avec d’anciens Présidents français. Aujourd’hui, ce sont les millions de Sénégalais inscrits sur les listes qui ont le dernier mot, car vox populi vox dei.
Comme d’habitude, le débat a encore été très pauvre pendant la campagne et le piratage de la campagne par Wade n’en est pas l’unique cause. En réalité, le Sénégal vit une sorte de piétinement et de stagnation démocratique. En 2019, après deux alternances présidentielles, si à quelques jours de l’élection, la société civile fait de la médiation et qu’on demande aux marabouts de prier pour des élections calmes, cela veut dire que nous revenons en 1999, à la veille de première alternance. Ce qui constitue un bond en arrière de 20 ans. En 1999, jusqu’à 48 heures de l’élection, la société civile essayait d’arrondir les angles pour trouver un accord sur le fichier que l’opposition jugeait non fiable. En 2019, bis repetita, les mêmes hommes, Alioune Tine, Mazide Ndiaye, jouent la médiation entre la majorité et Wade pour des «élections apaisées». Rien que la présence d’observateurs de la Cedeao est un recul démocratique pour nous. Cependant, il y a une grande différence entre 1999 et 2019. En 1999, la tension était réelle, alors qu’en 2019, elle est artificielle. En 1999, l’opinion était convaincue qu’on pouvait truquer des élections et confisquer le pouvoir, alors qu’en 2019, elle est convaincue que c’est impossible. En 1999, l’alternance était un rêve, une vue de l’esprit, alors qu’en 2019, elle est une hypothèse.
A part les attaques ad hominem, les slogans, il n’y a pas eu de débats sérieux sur les grandes questions, comme comment régler le chaos urbain de Dakar, la seule capitale au monde sans trottoirs. Une ville de rêve devenue un enfer à cause du manque d’urbanité et du chaos. La devanture du Palais est le seul espace épargné par le chaos. Et jusqu’à quand, parce que le désert du chaos urbain ne cesse de gagner de l’espace ?
PAR ABDOULAYE SAKHO
PIQUES ET PROMESSES
Ce 17ème jour de campagne est marqué par les piques que le Président sortant a lancées à ses adversaires
Ce 17ème jour de campagne est marqué par les piques que le Président sortant a lancées à ses adversaires. A Rufisque, Macky Sall, vêtu d’un boubou blanc assorti d’un pantalon marron et une casquette à son effigie, dans un style très défensif, réplique à ses adversaires qui, selon lui, pensent que sa vision ne se limite qu’à Diamniadio. A Kayar, il demande en wolof à ses partisans de ne rien concéder à l’opposition. «Bou len may dara.» Issa Sall, tout de blanc vêtu, n’entend s’arrêter à Tivaouane. Le disciple de Serigne Moustapha Sy a rendu visite à Serigne Mountakha Mbacké, en compagnie de Serigne Mansour Sy Djamil, pour solliciter des prières et l’électorat mouride. Un autre mouride, Idrissa Seck, a été impressionné par l’accueil que lui ont réservé ses militants à Touba. Il affiche un sourire presque éternel, devant une marée orange qui scandait «Touba, nioko mom !». Le candidat de la Coalition Idy2019, tout de blanc vêtu comme à son habitude, a aussi défié, sans le dire, Modou Diagne Fada dans son fief, Darou Mousty.
Sonko, lui, rattrape son passage à Bignona. Il a livré un message d’ouverture, de tolérance, de cohabitation pacifique et donné «sa» Casamance en exemple de melting-pot. Alors que le doomou Ndar n’a pu cacher son émotion avec l’accueil que les Saint-Louisiens lui ont réservé. Dans sa ville natale, Madické, costume sombre, cravate bleue, déclare : «Saint Louis est la seule région de mon combat.»
LA MAUVAISE CAMPAGNE DE ISMAÏLA MADIOR FALL
«Des membres du parti au pouvoir ont aussi été condamnés, et d’autres épinglés par la Cour des comptes - Ils remboursent aujourd’hui les sommes en cause - Personne ne parle d’eux car ils ne sont pas candidats à la Présidentielle»
«Des membres du parti au pouvoir ont aussi été condamnés, et d’autres épinglés par la Cour des comptes. Ils remboursent aujourd’hui les sommes en cause. Personne ne parle d’eux car ils ne sont pas candidats à la Présidentielle.» C’est la révélation faite par Ismaïla Madior Fall dans un entretien accordé à Jeuneafrique.com.
Ce qui était connu jusqu’ici, c’est que ce sont seulement d’anciens responsables du régime libéral qui avaient été poursuivis. Pour la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), il n’y a que le dossier de Karim Wade et Cie et celui de Tahibou Ndiaye qui ont fait l’objet d’une condamnation. Pour d’autres délits, certains ont cautionné et d’autres ont été «lavés».
Ce que l’on sait, en revanche, c’est que des responsables du régime ont été cités dans des rapports des corps de contrôle, mais sans suite. Alors, le ministre de la Justice pense-t-il s’adresser à une autre cible que les Sénégalais eux-mêmes. Peut-être croit-il encore que c’est parce que Jeune Afrique n’est pas au fait de ce qui se passe dans notre pays ?
Pourtant, le journaliste l’a bien relancé pour qu’il cite un seul nom de ses prétendus «fauteurs». Mais, prétexte-t-il, «il est inutile de les vilipender». Mais personne ne lui demande de «vilipender» qui que ce soit.
En matière de gestion de la chose publique, il s’agit plutôt d’informer les citoyens. Pour cette raison, le ministre devrait, au nom de la transparence, clarifier ses propos.
Et encore, même s’il y avait certains d’entre eux qui seraient en train de rembourser, il y a trois interrogations à ce niveau : pourquoi devraient-ils rembourser, combien mais surtout qui sont-ils ? Bref, cela ressemblerait à une mauvaise campagne, surtout dans un contexte d’élection.
RENCONTRE MACKY SALL-LIGUE PRO, LES DIFFICULTES DES CLUBS AU MENU
La Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp) va renouveler ses doléances à l’endroit du Président sortant qui avait promis de porter le budget du sport sénégalais à 1%.
Le Président sortant Macky Sall reconduit la même démarche entreprise en 2012 en allant à la rencontre du monde sportif en pleine campagne. S’il s’était adressé à l’ensemble de la famille sportive, à travers le Cnoss, à la vieille du second tour qui l’avait conduit à la tête du pouvoir ; pour cette fois-ci, le candidat de Benno bokk yaakaar (Bby) a choisi l’option de recevoir les acteurs du football professionnel.
Cette rencontre se tiendra aujourd’hui à midi au Grand Théâtre et sera une occasion pour la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp) de renouveler ses doléances à l’endroit du Président sortant qui avait promis de porter le budget du sport sénégalais à 1%. Une promesse qui tarde à être concrétisée par Macky Sall qui fera face à un football professionnel dont les clubs évoluent dans un contexte très difficile.
«Les attentes des clubs sont énormes», tient à souligner le Dr Moussa Cissé, Secrétaire administratif de la Ligue Pro qui affiche son désaccord par rapport à l’opinion défendue qui consiste à dire «que les clubs sont des structures qui ne devraient bénéficier d’aucun appui de la part de l’Etat».
«Même en Europe, au départ du football professionnel, l’Etat a aidé les clubs. Nous n’avons pas dit que nous allons vivre aux dépens de l’Etat. Ce que nous voulons, c’est qu’il y ait un soutien dans cette phase promotionnelle. Dans tous les pays du monde, les Etats ont contribué à la promotion de leur football professionnel. Les clubs méritent d’être aidés, c’est eux qui créent des emplois, des entreprises. Il faut les soutenir», rétorque l’administratif de la Ligue Pro. Ce soutien de l’Etat, selon lui, «permettra à Ligue professionnelle et aux clubs d’acquérir leur autonomie financière».
Vivant «sous perfusion», les clubs professionnels «n’ont pu exister que grâce aux engagements des présidents de club durant ces dix ans d’existence de la Ligue Pro», à en à croire notre interlocuteur.
Une audience sollicitée bien avant la campagne présidentielle
Très remontés contre ceux qui taxent la Ligue Pro de «rouler pour le candidat Macky Sall» pour convaincre les acteurs du football, le Dr Moussa Cissé de replacer les choses dans leur véritable contexte. «On avait fait un cahier, un plaidoyer envoyé au président de la République bien avant la campagne. Certains de nos détracteurs pensent qu’on est en train de faire un meeting pour le président de la République. C’est complètement aberrant ! Le président de la République a son agenda et il a jugé opportun de recevoir le football professionnel. C’est lui qui a demandé à nous recevoir», précise-t-il.
EN CASAMANCE, UN RECOLLAGE ECONOMIQUE ENCORE FRAGILE
Le conflit indépendantiste, qui dure depuis 1982, a connu une accalmie ces dernières années. Plusieurs projets de désenclavement de la région du Sénégal ont pu être lancés.
lemonde |
Salma Niasse Ba |
Publication 20/02/2019
Au Club Méditerranée de Cap-Skirring, au cœur de la Casamance, les vacanciers posent leurs valises. A La Paillote, hôtel historique de Ziguinchor, les Français qui préfèrent le soleil Sénégalais à la neige du Vieux Continent enfilent leur maillot de bain. La « paix armée » qui s’est installée sous le mandat de Macky Sall, prévaut pour l’heure dans le conflit entre le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) et l’armée sénégalaise et a signé le retour des premiers touristes, dans cette région ravagée par la crise indépendantiste depuis 1982.
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Pourtant, à la veille de l’élection présidentielle du 24 février, la Casamance se sent l’éternelle oubliée. Avec son chômage endémique, cette région hier riche n’arrive pas encore à remonter la pente et attend beaucoup du prochain mandat. Les cinq candidats sont venus y tenir meeting et le président sortant, Macky Sall, prétendant à un second mandat, y a là comme ailleurs rappelé son bilan de « bâtisseur ».
Dans la station balnéaire du Cap – comme la surnomment les locaux –, les touristes filent à la plage à peine descendus de l’avion. Ici, l’atterrissage se fait désormais en douceur depuis que la piste de l’aéroport de Cap-Skirring a été allongée et refaite en 2012 pour accueillir les gros-porteurs et permettre la noria des deux dessertes quotidiennes assurées depuis Dakar par la compagnie nationale autant que des charters du Club Med en provenance de Paris.
« Zone d’intérêt national »
Décrétée « zone touristique spéciale d’intérêt national » par le président Macky Sall en 2015, la Casamance fait l’objet de tous les soins. Ici les hôtels ont été rénovés et les entreprises ont bénéficié d’un programme particulier pour se mettre aux standards internationaux.
Pour faire venir les touristes, l’Etat sénégalais a même fermé les yeux sur le principe de réciprocité des visas, en en exemptant les Français et les autres Européens jusque-là soumis à ce régime. En retour, le classement de la Casamance en « zone à risques » par le Quai d’Orsay, Berlin ou Londres jusqu’en 2016 a disparu des très scrutés conseils aux voyageurs des ministères des affaires étrangères. Et tout cela additionné a permis au tourisme de redémarrer. Trop doucement, au goût de certains. On est encore loin des 75 000 voyageurs comptabilisés avant le début du conflit, certes, mais les flux sont remontés à 25 000 en 2018 contre 22 000 six ans plus tôt, au creux de la vague.
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L’accent mis sur ce secteur est nouveau puisque le tourisme avait été un peu le parent pauvre sous les deux mandats du président Abdoulaye Wade (2000-2012). A Cap-Skirring, le mythique hôtel Savana porte encore les stigmates de cette période de grand oubli. Son poste de gardiennage aux murs roses est toujours là, debout, mais l’hôtel qui avait dû fermer en 2002 est depuis tombé en ruine. Comme les deux autres du groupe Sénégal Hôtel ou la majorité des campements villageois qui misaient sur l’essor d’un tourisme plus local, plus authentique.
« De belles promesses »
Si le secteur commence à reprendre des couleurs, certaines mesures prises sous le mandat de Macky Sall se font attendre sur le terrain. C’est le cas du statut fiscal spécial des entreprises touristiques installées à Ziguinchor, dont le décret a été promulgué en juillet 2015, sans que les hôteliers ne notent d’allègement alors qu’il devait les exonérer d’une partie des taxes pendant dix ans.
« Trouvez-moi une seule personne qui en ait bénéficié ! », défie un hôtelier français. « Je me demande si le chef de l’Etat est correctement informé, poursuit-il, interrogatif. En meeting en Casamance le 11 février, Macky Sall a annoncé que la défiscalisation a été votée, certes, mais a aussi promis une cuve à kérosène pour l’aéroport et du goudron à Diembering qui est déjà là ! », s’inquiète ce pionnier du tourisme au cap.
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Pour Marie-Elisabeth Sarr, gérante d’une résidence hôtelière, c’est moins à l’étage présidentiel que cela bloque qu’au-dessous, chez ceux qui doivent mettre en œuvre ces changements. « Au début du mandat, on avait de l’espoir parce qu’il y avait de belles promesses, mais la réalité est bien différente », regrette la jeune femme.
Ces professionnels dénoncent pêle-mêle le coût prohibitif des taxes aéroportuaires, la brièveté de la saison calée sur les six mois d’activité du Club Med, ou encore la quasi-absence de touristes autres que français, alors que la Gambie voisine attire cinq à six nationalités différentes.
« Une taxe pour nous protéger »
Et, si le tourisme ne s’estime pas suffisamment boosté, l’agriculture non plus. A 70 km du cap, dans la ville de Ziguinchor, la production de riz, d’arachide, de mangues ou d’anacarde pourrait être meilleure. Si l’arachide est repartie à la hausse depuis la renationalisation en 2016 de la Sonacos – la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal –, l’excédent en mangues et anacardes posent aujourd’hui le problème de la transformation. La Casamance vend trop de matières premières agricoles, en transforme trop peu alors que c’est là que se situe la marge économique potentielle.
Gérant d’une unité artisanale d’anacarde, Elimane Dramé a des fins de mois difficiles. « Il n’y a pas de mesures d’accompagnement pour nous, transformateurs, déplore-t-il. On subit les prix fixés par les Indiens puisqu’on représente moins de 1 % du secteur. L’Etat pourrait mettre en place une taxe à l’exportation qui nous protégerait, comme l’a fait la Côte d’Ivoire. » Et quand on lui parle de la Délégation à l’entrepreneuriat rapide (DER) mise en place par Macky Sall pour aider au financement de projets, il sourit franchement. Un des transformateurs qu’il héberge actuellement a vu son dossier validé par la DER. Mais à quoi bon puisque les financements de la banque agricole, CNCAS, ne suivent pas.
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Pour Nour Dine Bangoura, agent économique à l’Agence sénégalaise de promotion des expo rtations (Asepex), la priorité du premier mandat de M. Sall était d’identifier et de maîtriser la filière anacarde. La suite viendra après. « A partir de cette année, des projets pour aider à la formation vont être mis en place », promet-il. Pour la mangue, le processus a été plus rapide avec le lancement en 2014 du Projet d’amélioration et de compétitivité de la mangue sénégalaise (PACMS).
Retour du faste
Mais là encore, c’est insuffisant, ont envie de répondre les paysans locaux sur cette zone qui, avant le conflit, était considérée comme le poumon du Sénégal tant l’agriculture y était florissante. Bien qu’une fragile paix, sans accord, soit de retour, il est encore impossible de cultiver tous les champs tant qu’ils n’ont pas été déminés. Et ça, ça traîne plus que les changements climatiques, qui, eux, imposent à grande vitesse de nouvelles contraintes au secteur rizicole.
Le pont Farafenniqui enjambe le fleuve Gambie, inauguré en janvier 2019.
Le pont Farafenniqui enjambe le fleuve Gambie, inauguré en janvier 2019. EMILIE IOB / AFP
La salinisation des rizières a obligé à en assécher une partie ; des digues anti-sel ont été installées aussi. Mais tout ça n’a pas résolu les problèmes. L’acidification et l’ensablement ont fait baisser les bras à certains producteurs, même si « le Projet pôle de développement de la Casamance, mis en place par l’Etat, la Banque mondiale et d’autres partenaires nous aident à améliorer la production », reconnaît Malamine Sané, président de l’Association des jeunes agriculteurs de la Casamance.
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Agriculteurs ou professionnels du tourisme ont conscience des efforts accomplis. Ils savent que leur « président bâtisseur » a réussi à désenclaver cette région séparée du reste du Sénégal par la Gambie avec le pont Farafenni inauguré en grande pompe en janvier. Si tout cela semble encore trop peu, rien n’empêche la Casamance d’espérer le retour d’une économie prospère, celle de la période faste du tout début des années 1980 !
LES ACTEURS VISENT LE FOND VERT
Recherche de financements pour réduire les effets du climat
Des personnes-ressources en finance climat subissent depuis hier un renforcement de capacités pour mobiliser des fonds, afin de faire face aux effets du changement climatique. L’atelier vise surtout le Fonds vert climat pour les collectivités territoriales.
Les acteurs nationaux pour la réduction des effets du changement climatique, au niveau central comme local, disposent d’une connaissance très limitée des sources de financement, des intermédiaires et des procédures en vigueur, selon l’ONG Innovation, environnement et développement (Ied). Cette situation est encore plus alarmante pour les collectivités locales qui, dans le cadre de l’Acte 3 de la décentralisation, ont un rôle de plus en plus important dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques. Elles manquent souvent d’informations précises et à jour sur les sources de financement et de compétences nécessaires devant leur permettre de préparer des projets bancables. «L’accès aux financements climat pour les collectivités territoriales découlera à coup sûr d’une meilleure disponibilité et connaissance des informations, des dispositifs et critères d’accès aux fonds», renseigne l’Ied. Pourtant, les financements pour les pays en développement sont disponibles pour accompagner les collectivités territoriales à faire face aux impacts du changement climatique, d’après Madeleine Diouf de la direction de l’Environnement et des établissements classés. «Les financements multilatéraux comme le Fonds mondial pour l’environnement, le Fonds vert climat, les Fonds bilatéraux et les financements privés», a-t-elle listé à l’atelier de formation des personnes-ressources en finance climat hier, sont disponibles. Chacun de ces mécanismes dispose de procédures et de formulaires propres. Pour y accéder, les collectivités territoriales doivent élaborer des projets qui s’alignent avec les critères de financement de ces différentes sources. Pour ce faire, des acteurs territoriaux venus des 14 Agences régionales de développement (ARD) et d’autres acteurs subissent depuis hier, pour trois jours, une formation de renforcement de capacités. Cet atelier devrait leur permettre de mieux connaître les fonds, les modalités d’accès, les mécanismes de financement, les procédures de soumission, les types de projets éligibles, les structures d’encrage, mais aussi la meilleure façon de remplir les différents formulaires. Cependant, l’Ied Afrique qui a organisé la formation vise le Fonds vert climat, selon Mamadou Ndong Touré. Le conseiller technique au Projet décentralisation des fonds climat, mis en œuvre par l’Ied, indique par ailleurs que ce fonds existe au niveau international et que le Sénégal dispose d’une autorité nationale qu’est la direction de l’Environnement et des établissements classés. Il y a aussi des entités nationales de mise en œuvre comme le Centre de suivi écologique, la Fao, le Pam, entre autres, qui sont accréditées pour aider les acteurs à accéder à ce Fonds vert climat, lequel devrait permettre aux collectivités territoriales du pays d’accéder au Fonds climat pour leur permettre de mettre en œuvre des stratégies d’adaptation face aux effets du changement climatique.
LA DER/FJ A L'ECOUTE DE SES BENEFICIAIRES ET DES PARTENAIRES
La Délégation à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (Der/Fj) est à l’heure du bilan, après un an d’exercice. Selon le délégué général Papa Amadou Sarr, 183 mille 017 bénéficiaires ont été touchés. Cette rencontre a été aussi une tribune pour les directeurs de société et d’agence d’exposer leurs réalisations.
La Délégation à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (Der/Fj) était à l’écoute de ses bénéficiaires et des partenaires. Un concept novateur. L’idée était d’organiser un atelier participatif pour «réajuster» et mieux adresser la stratégie utilisée jusqu’ici, ensuite échanger et réfléchir sur les perspectives communes. A l’arrivée, le public a eu droit à une audition. Chaque directeur général d’une société ou d’une structure d’appui ou d’accompagnement est venu présenter son bilan. Le Port autonome de Dakar (Pad), le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis), l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (Adpme), entre autres. Chacun a défendu un bilan en mettant en avant les réalisations dans son secteur. Le ministre de l’Economie, des finances et du plan qui devait répondre aux questions des bénéficiaires et même des partenaires n’a pu répondre qu’à deux questions. Tout de même, Amadou Ba est revenu sur le bilan de Macky Sall durant les 7 ans de pouvoir. Il a d’abord rappelé le contexte dans lequel le Président Macky Sall a été élu avec, dit-il, «une situation économique peu favorable, une croissance économique de 1,7%, inférieure au poids démographique qui augmentait autour de 2,6%, un déficit budgétaire et un endettement non soutenable». Il fallait, estime Amadou Ba, restaurer les grands équilibres macro-économiques sans lesquels, note-t-il, «rien ne pouvait se faire». Mais en même temps, «nous avons commencé l’œuvre de construction, ce qui fait que la période 2012-2014 était très difficile», témoigne l’argentier de l’Etat. Mais à l’épreuve du pouvoir, avec son programme de Yoonou yokkuté, «Macky Sall s’est rendu compte que les besoins étaient encore plus importants. Et c’est pour y répondre qu’il a mis le Plan Sénégal émergent (Pse) qui est une vision qui transcende une génération», raconte-t-il. Le délégué général, Papa Amadou Sarr, a juste eu le temps de brosser sommairement les résultats de la Der/Fj après un an d’existence. Selon lui, les 30 milliards de budget ont permis de toucher 183 mille 017 bénéficiaires, avec des programmes structurants, des Petites et moyennes entreprises touchées et près de 70% de femmes bénéficiaires. Il a plaidé devant le ministre de l’Economie, des finances et du plan, pour avoir plus de ressources car, dit-il, la Der a reçu 300 mille demandes.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
SALIF SADIO, L’AUTRE MAQUIS
EXCLUSIF SENEPLUS - L’homme n’a pas changé - Son vœu initial est improbable, il lui reste une sortie digne de la scène, qu’il fera avec des facéties et de l’honneur, dans un mélange hélas tragique - INVENTAIRE DES IDOLES
Dans les ruelles poussiéreuses de Diouloulou, bourgade dynamique dans le ventre de la Casamance, on se souvient bien du petit Salif. Têtu et bagarreur, celui à qui on prête des talents en arts martiaux et qui en use au besoin pour jouer aux gros bras. Jamais le dernier à mener une fronde contre l’autorité, du genre à chahuter les aînés avec le culot qu’il faut, et une rigidité précocement militaire. Les vieux sages en parlent avec l’amertume de la nostalgie d’un temps heureux et la mélancolie d’une situation actuelle déchirante. Tout le monde connaît ainsi l’histoire du petit sur qui pleuvent commentaires et anecdotes bavardes. Qu’est-ce qui pouvait bien destiner un enfant, un jeune homme, certes velléitaire mais sans histoires, à épouser les bras d’un conflit armé jusqu’à en devenir l’icône, l’acteur ayant le mauvais rôle ? Salif Sadio était allé à l’école, il en est sorti en classe de troisième, frondeur précoce, pour rejoindre la rébellion en 84. Engagé primal et meneur convaincu, il ne fut ni excellent, ni médiocre, mais développa très rapidement un goût pour la défiance et une conscience de lutte que le sens de la camaraderie, la chaleur d’être ensemble, la proximité villageoise et la fièvre virile ont raffermi.
En Casamance, la cohabitation ethnique, dans l’arc qui va de la Gambie à la Guinée Bissau, est un fait social majeur. Baïnounks, habitants historiques, Joolas, Mandingues, Peulhs, Peepels, Balantes, Mancagnes, vivent en harmonie avec la seule providence de cette zone : une terre, mouillée abondamment l’hivernage, des entrailles desquelles naissent les ressources de vie. Sadio est à la fois un prénom et un patronyme. Prénom fréquent des enfants qui suivent des jumeaux et patronyme Balante qui va de l’axe du Pakao jusqu’aux abords de la basse Casamance. Plusieurs croyances anciennes s’y mêlent, avec en socle commun un animisme résistant, que ni le christianisme ni l’islam n’ont su désinstaller.
Il se dit souvent que les Joolas, ont été nommés ainsi par les Mandingues parce que c’est un peuple revanchard. Joo signifie se venger en effet en Mandinca. L’anecdote pourrait avoir du vrai. Mais le corps commun de toutes ces ethnies, c’est un certain goût pour le fait guerrier, le fait de résistance, que de huttes en cases, de langues différentes en idéaux communs, les individus cultivent. En Casamance, nombreuses sont les familles qui parlent plusieurs langues : la langue du voisin devient comme la seconde langue naturelle. Le travail agricole et les efforts communs ont créé comme une forme de famille, parfois en proie à des conflits usuriers, mais globalement dressée comme un seul homme face à l’ennemi.
C’est dans cette configuration que l’Histoire a fait pénétrer son venin de la division. Les causes du conflit ont été abondamment documentées, chez Jean-Claude Marut (voir son livre) notamment. Mais il reste à établir une sociologie fine et qualitative du ressenti des populations du Sud, sur les spoliations et les humiliations subies qui ont éternisé le conflit en ravivant la rancune. Cette fibre, très sensible mais aussi solide, d’une résistance dans toutes circonstances, pour recouvrer un idéal passé, est l’élément du conflit que les vœux de paix n’ont jamais interrogé. Tout ce que les accords ont esquivé, les émissaires, oublié, les conciliants du MFDC, minoré ; c’est ce sentiment irréductible chez encore une poignée de rebelles, dont l’indépendance est l’objectif ivre, point non négociale sur lequel s’articulent leurs luttes. Salif Sadio a toujours été leur pape, leur guide, parfois même le gourou qui, avec un quarteron de fidèles et un millier d’hommes dévoués, campe le rôle d’un Che Guevara tropical qui suscite de l’admiration, quand bien même on ne partage pas son combat.
Ce mythe Salif Sadio a été nourri par plusieurs faits épiques. Si le premier MFDC, des Emile Badiane, Assane Seck, dans les années 50, avait eu ce tropisme intellectuel qui survécut d’ailleurs jusque dans la réinvention du mouvement politique en mouvement rebelle, avec l’éclosion des figures comme Diamacoune, un conflit bénin a toujours fissuré le mouvement entre intellos et maquisards. Chacun avait bien son domaine et son rôle. Aux paperasses, à la bataille des idées, des influences, étaient affectés les lettrés et une partie de l’aile extérieure qui pourvoyait aussi aux ressources financières. Mais c’est dans le maquis que la réputation de combattant, l’étiquette de héros, le culte du résistant, se fabriquaient. Le prestige était ainsi inégalement réparti entre le ministère de la parole et le ministère de la guerre.
La guerre raflait tout. C’est elle qui avait donné aux forêts de Casamance une vie clandestine et un statut de maquis. C’est elle qui avait soudé, dans le martyre, les hommes des mêmes cases et des mêmes conditions, unis par une lutte qu’ils estimaient en défense de leur trésor, de leur cœur patrimonial. Et en seigneur de la guerre, c’est l’enfant rebelle de Diouloulou qui a raflé la mise. Très tôt il a gravi les échelons, développant une mystique religieuse terrifiante qui le conduisit même à l’opposition avec Léopold Sagna, l’autre grand chef historique du maquis, qui était lui catholique. Mais cette querelle religieuse, déclenchée par l’intégrisme naissant de Salif Sadio, sera tue rapidement.
On connaissait bien d’autres leaders militaires, Sidi Badji, Kamoughé Diatta, le souffrant César Atoute Badiate etc. Mais celui qui reste la terreur du Maquis, c’est bien Salif Sadio. En grandissant, tous ces prémisses précoces d’un leadership ont basculé dans une forme de totalitarisme guerrier. La légende prête à Salif Sadio plusieurs renaissances. Donné pour mort d’innombrables fois, il était toujours apparu, narquois et moqueur, jouant avec ses ennemis comme avec des enfants dans un jeu de cache-cache. Il avait développé, dans une portion réduite, une stratégie militaire redoutable, faite de retrait ponctuel, de dissémination et de dissimulation. Parfait pour les guet-apens, et les attaques surprises, Salif Sadio est le responsable des plus grosses pertes de l’armée sénégalaise en Casamance.
Il ajoutait à tout cela, une forme de tyrannie, insensible à la violence de la mort. Interdisant alcool, débauche, à ses troupes au nom du coran, il avait cette allure d’émir noir craint et redouté. Boucher impitoyable, il appliquait cette insensibilité jusque chez ses proches et partisans dont il se méfiait. Ce mélange de terreur, avec des plages d’humanité, ce sentiment de se battre pour une cause juste, le jusqu’au-boutisme de la lutte, auront fédéré contre lui une armée d’ennemis. Mais, curieusement, aussi une armée d’admirateurs. Il savait séduire avec sa réputation, que la légende locale avait tissé et fait prospérer, il avait su, dans le silence des nuits et des périodes d’accalmies, se construire un réseau, local et international, jusqu’en Gambie, surfant sur la fraternité des luttes pour l’indépendance dont le PAIGC sous-régional d’Amilcar Cabral avait été le chef d’œuvre.
Son niveau intellectuel modeste, un temps motif de complexe chez lui, s’est corrigé progressivement. Il a enrichi ses périodes de luttes de phases d’apprentissage, comme un autodidacte, conscient qu’il lui fallait, avec la disparition de Diamacoune, émerger non seulement comme chef mais aussi comme interlocuteur. C’est ce Salif Sadio new-look que les téléspectateurs ont découvert avec le ravissement des démineurs, affable et souriant, montant en épingle son geste comme un acte de bienveillance constructeur, et rappelant son désir de paix avec la componction ironique que savait employer l’abbé Diamacoune. Le faible écho du conflit, rentré en rétraction depuis quelques années, a montré l’étendue des fissures entre factions du MFDC, entre ralliements à la volonté de paix instiguée par le gouvernement, mais aussi résistance de faible intensité. Salif Sadio n’est toujours pas trahi. Il croit toujours à l’indépendance. Cette constance reste son honneur et son énergie vitale. Il lui reste des fidèles et des moyens de semer le trouble.
Les longs silences et les longues accalmies ont toujours été des moyens de se remplumer en forces diverses. L’homme n’a pas changé. Il se sait en position de force. Il soigne même son allure. Finie la figure de dur à cuire, de caïd post-adolescent, maintenant il faut offrir ce visage de père de famille, affable, en boubou, loin des treillis, une chéchia, et quelques bijoux mystiques à l’image de ce miroir minuscule qui orne son front. Il n’est plus majoritaire dans les échos d’une Casamance qui a opéré une mue depuis 30 ans et qui voit se mêler toutes les ethnies, dans une démographie nouvelle qui méconnait presque tout du conflit. La transmission de la fibre rebelle de famille en famille est en train d’être vaincue par le temps, même s’il reste des portions de territoires durs, toujours plus radicaux. Les moyens de nuisance ne sont pas les moyens de transformation, Salif Sadio le sait. Son vœu initial est improbable, il lui reste une sortie digne de la scène, qu’il fera avec des facéties et de l’honneur, dans un mélange hélas tragique.
Depuis peu, il se promène, à l’instar de Yaya Jammeh, dont il fut un visiteur du soir apprécié, avec un Coran. Il a connu une montée en religion encore plus forte récemment. Il l’impose à ses fidèles. Toujours à l’affût des transformations et des tendances qui peuvent lui être favorables, il regarde ce qui se fait dans le monde et s’adapte. C’est peut-être la plus grande crainte, que l’hydre rebelle ne rencontre par mégarde l’hydre Djihadiste, si habile à trouver des failles géopolitiques pour métastaser définitivement. Plusieurs sources ont indiqué des mouvements suspects, et souvent religieux, entre la Gambie, la Casamance et la Guinée. Territoires affectés durablement, ils sont dragués par des forces qui sous-couvert d’humanitaire font prospérer un lit religieux en douceur.
Au cœur de l’université Assane Seck de Ziguinchor, historique intellectuel du premier MFDC, les distributions d’une association iranienne se font au fond de la cour du bâtiment, et des nécessiteux s’y pressent dans un spectacle parfois déchirant. La plus grande crainte c’est que la jonction sous-régionale ne se fasse, entre des rebellions opportunistes qui se cherchent un ennemi commun. On se radicalise souvent davantage quand l’étau se resserre pour de bon et qu’on n’a plus d’issue. Ce que l’on sait de la vie de l’enfant de Diouloulou, c’est l’histoire d’un chef militaire prêt à tout. C’est un chef enfermé dans une illusion de grandeur que lui récite un carré de proches. C’est l’histoire, presque d’un autre Maquis, l’apprentissage de l’autorité, et de l’autoritarisme dans l’illusion d’une toute-puissance. C’est à surveiller, à minima.
Ps : Quelques anecdotes de ce portrait ont été recueillies auprès de mon oncle Ibrahima Gassama, observateur de ce conflit qu’il a couvert comme journaliste.
En marge du 32e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine qui s’est tenu à Addis-Abeba les 10 et 11 février derniers, l’ambassadeur du Sénégal en Ethiopie, par ailleurs Représentant permanent du Sénégal auprès de l’Union africaine, son Excellence Baye Moctar Diop, a bien voulu nous accorder un entretien. Dans cette interview, il revient sur les temps forts du sommet, la nouvelle dynamique de l’UA pour prendre en charge les questions de développement de l’Afrique, la question de la zone de libre-échange continentale souhaitée par l’institution continentale et la participation du Sénégal aux travaux, entre autres.
Le 32ème sommet des chefs d’Etat de l’UA vient de prendre fin sous le thème consacré aux déplacements internes des personnes. Qu’est-ce qu’on peut retenir au sortir de ces deux jours d’échanges ? C’était un sommet très riche en évènements, en activités à la fois statutaires et parallèles. Parmi les nombreuses activités qui ont été tenues lors du sommet, on peut retenir le lancement officiel du thème de l’année pour 2019, les rapports attendus chaque année, notamment celui portant sur les réformes institutionnelles de l’institution avec, cette année, un accent particulier sur le financement de l’Union africaine et l’adoption d’un nouveau barème des contributions des Etats membres assorti d’un fonds pour la paix de l’UA. Autre temps fort du sommet, le rapport sur la zone de libre échange continentale de l’Union africaine qui fait partie des programmes phare de l’agenda 2063 de l’Union. Avec le lancement du thème de l’année, ces deux rapports ont été très attendus et fait l’objet de débats approfondis. Au titre des évènements parallèles, il y a eu un sommet Co-organisé conjointement par le président de la conférence, c’est-à-dire le président de la République du Rwanda, et la Commission de l’Union africaine et qui portait sur les financements de la santé en Afrique. Voilà, entre autres activités, ce que nous pouvons retenir comme programmes phare du 32e sommet qui vient de s’achever à Addis-Abeba. Quel est l’enjeu pour l’UA de venir à bout du phénomène des personnes déplacées internes ? Le thème de cette année qui porte sur les réfugiés, les rapatriés, les déplacés en Afrique est d’une importance capitale, car il traite d’un problème épineux qui se pose avec acuité. Il renseigne sur une situation humanitaire des plus alarmantes dans le monde. En effet, il faut rappeler que sur les 68 millions de réfugiés, de personnes déplacées internes que compte le monde, le 1/3 se trouve en Afrique. A cela s’ajoute un nombre important de demandeurs d’asile, de réfugiés et d’apatrides. Il y a 720 mille apatrides dénombrés sur le sol africain. Voilà en quelques mots la situation humanitaire difficile de l’Afrique et qui appelle une prise en charge au plus haut niveau des Etats membres de l’Union africaine. En consacrant ce thème aux personnes déplacées, l’Union vise à renforcer son plaidoyer en faveur des couches vulnérables de la population africaine, de la ratification des deux principaux instruments juridiques de l’UA, consacrées à ces derniers. Il s’agit de la convention de 1969 de l’ancienne Ou a sur les réfugiés et celle de 2009 de l’Union africaine pour la protection et l’aide aux déplacés internes en Afrique. La promotion du thème de cette année est confiée au président de la République de Guinée Equatoriale, Son Excellence Théodore Obiang Nguema Mbazogo. Il est à ce titre chargé de porter le plaidoyer et de prêcher la bonne parole de l’Union africaine partout où besoin sera sur les instances multilatérales, notamment au niveau des Nations unies, pour une meilleure prise en charge de la question. Avec lui, d’autres activités seront menées comme la promotion de la ratification des deux conventions qui sont consacrées à ces personnes vulnérables. Entre autres activités, on peut retenir l’organisation de 6 réunions de consultation sous régionales avec les communautés économiques régionales telles que la CDEAO, la SADC etc. Il est également prévu, mais c’est à confirmer, un sommet humanitaire sur les réfugiés, les personnes déplacées et les rapatriés vers la fin de l’année. Il y a également le plaidoyer en faveur de l’intégration de ces instruments juridiques dans l’ordonnancement juridique interne des Etats membres. De même, il est prévu une exposition itinérante consacrée aux mêmes cibles de façon à attirer l’attention des populations locales sur la situation difficile que vivent les réfugiés, rapatriés et personnes déplacées internes. Au total, beaucoup d’activités vont rythmer le programme de promotion du thème de l’année 2019. La convention de Kampala de 2009 traitait de ces questions. Est-ce que le choix du thème a été pertinent si l’on sait qu’il y a déjà une convention qui s’en charge et qui n’arrive pas à être mise en œuvre par l’UA ? C’est vrai. C’est un point très important que vous venez de souligner. Mais une chose est d’adopter des instruments juridiques au niveau régional et une autre est de les ratifier. La ratification est faite par les Parlements nationaux et chaque Etat membre décide souverainement de quand et comment il compte les ratifier. Ensuite, après la ratification, il y a une autre étape qui consiste à adapter la législation interne à cet instrument juridique de portée continentale. Il y a plusieurs étapes qui doivent rythmer le programme de promotion, de ratification et de domestication de ces instruments juridiques. Le thème vient donc pour secouer un peu la sensibilité des Etats membres et les sensibiliser davantage sur la situation des personnes concernées. C’est aussi une façon d’inviter les Etats membres à davantage accorder leur attention à cette question qui se pose avec acuité sur le continent. Sous ce rapport, je pense que le choix du thème de l’année est pertinent et vise des objectifs spécifiques qui, à terme, bénéficieront à toutes les populations africaines. Cela va permettre une meilleure coordination à l’échelle du continent et accroître la solidarité en faveur de ces personnes en situation difficile, car il faut rappeler que le phénomène des déplacés internes est une source d’insécurité grandissante qui menace la sécurité intérieure et la stabilité de nos Etats. Des voix s’élèvent contre le choix du Président égyptien, Abdel Fatah Al-Sissi, à la tête de l’UA, qu’on pense utilisera son nouveau statut pour renforcer son leadership au niveau mondial au détriment des objectifs et priorités de l’UA (…) Je voudrais juste dire à ce propos qu’au niveau de l’Union africaine, les décisions sont prises par consensus et rien ne s’impose. Aucun Etat membre ne peut imposer son point de vue aux autres. Tout se discute, se débat jusqu’à ce que le consensus l’emporte sur les positions figées des uns et des autres. Par conséquent, quel que soit le président qui arrive à la tête de la conférence, il devra s’appuyer sur un mandat fort des Etats membres. Je ne pense pas que le président de la conférence qui qu’il soit puisse engager l’Union africaine sur une question dont il n’a pas reçu au préalable l’habilitation des Etats membres. C’est pour rassurer les uns et les autres sur ces aspects précis. Cependant, le président de l’Union africaine sera le portevoix, le porte-parole de l’Afrique pendant une année au cours de laquelle il a la lourde tâche de représenter toute l’Afrique à différentes rencontres sur le plan international (G7, G20, aux Nations unies, à l’Union européenne), bref auprès de tous les partenaires de l’Afrique. Toutefois, il veillera particulièrement à ce que le message qu’il va délivrer au nom de l’Afrique puisse être rassembleur, un message dans lequel tous les Etats membres se reconnaîtront. Je pense que le Président égyptien est bien conscient de sa mission et de son rôle en tant que président de l’Union africaine pendant un an. Je rappelle ensuite que ce n’est pas la première fois que l’Egypte préside la conférence de l’Union africaine. L’Egypte est un grand pays d’Afrique et nous devons lui faire confiance et l’accompagner dans ses nouvelles tâches pour le bien de tous. Il y a une différence entre le président de l’UA sortant, Paul Kagamé, et l’entrant, Abdel Fatah Al-Sissi, pour lequel la question de la sécurité apparaît comme primordiale (…). Le travail déjà entamé et les projets en cours de l’UA ne vont-ils pas souffrir ? En abordant cette question, vous faites allusion au programme de l’UA «Faire taire les armes d’ici 2020». Cela peut paraître assez juste comme délai. Néanmoins pour moi, l’essentiel est d’afficher son ambition, de rapprocher les délais pour faire en sorte que l’objectif puisse être atteint dans le court/moyen terme. Il ne sert à rien d’allonger les délais si on peut atteindre le même objectif dans un temps raisonnable. Le programme s’appuie sur l’amnistie générale. Il y a chaque année une journée consacrée à l’amnistie et où tous les groupes armés sont invités à déposer les armes. Sous ce rapport, le programme ne demande pas beaucoup d’efforts. On n’a pas besoin d’un long délai pour ça. Si la sécurité fait partie des objectifs de l’Egypte, c’est à juste titre parce qu’il ne faudrait pas ignorer les difficultés que nous avons sur le plan de la paix et de la sécurité. La paix et la sécurité resteront pour toujours une priorité pour l’Afrique. Et ce, tant que nous n’aurons pas réussi à vaincre les crises et les conflits qui sévissent un peu partout en Afrique. Ce n’est donc que justice si l’Egypte ambitionne de faire de la sécurité l’une de ses priorités. Par ailleurs, je signale que sur le document que j’ai lu, et si on en juge par la déclaration du Président Al-Sissi qu’il a faite lors du sommet, ses priorités portent bien évidemment sur la sécurité, mais aussi sur la culture, la poursuite du programme de réformes institutionnelles de l’Union africaine ; bref, il ne s’aurait y avoir de rupture entre ce que faisait le Président Kagamé et le Président Abdel Fatah Al-Sissi. Le programme n’appartient pas au président de la conférence. C’est un programme de l’Union africaine, donc des 55 Etats membres. Quelle a été la participation du Sénégal lors du 32e sommet ? On a noté une bonne participation du Sénégal, malgré l’absence du président de la République, Macky Sall, qui a été très remarquée. Pour être honnête avec vous, son ombre a plané sur les travaux du sommet. Il suffit d’en juger d’abord par le nombre impressionnant de demandes de rencontre bilatérale que nous avons enregistré au niveau de l’ambassade et par le nombre d’invitations à participer comme panéliste ou orateur principal à des évènements parallèles qui lui sont adressés. Il faut noter que le Président Macky Sall est particulièrement apprécié à Addis Abeba pour ses points de vue pertinents, riches en enseignements et équilibrés, le tout exprimé dans un style plein de sagesse, de modération et d’humilité qui ne heurte personne. Il est également apprécié pour son leadership international incontestable qui fait de lui un interlocuteur crédible et respecté par les leaders du G7 et du G20. Il est aussi respecté par les Etats membres de l’UA qui sont unanimes à reconnaître que depuis la création du Nepad au début des années 2000, l’Afrique n’a jamais eu un porte-parole sur les questions de partenariat de la trempe du Président Macky Sall. Il a mené avec succès le plaidoyer de l’Afrique sur des sujets d’une importance stratégique pour le développement économique et social du continent. C’est le cas pour le développement des infrastructures, l’énergie, l’agriculture, l’industrialisation, la lutte contre les flux financiers illicites et la gouvernance des ressources naturelles. Il va sans dire qu’avoir un leader comme lui à une rencontre de cette portée apporte une plus-value aux débats, rehausse le prestige des personnalités rencontrées et renforce la légitimité des décisions issues des réunions. En termes de bilan de notre participation aux travaux du sommet, je peux dire qu’en l’absence du Président Macky Sall, la délégation sénégalaise, conduite par Mme Gnounka Diouf, ministre-conseiller du président de la République, a pris part aux réunions statutaires et fait entendre la voix du Sénégal. Elle a notamment partagé son point de vue et son expérience sur les différentes thématiques qui ont été abordées en particulier sur le thème de l’année où sa déclaration a insisté sur la nécessité de respecter les droits fondamentaux des personnes déplacées, des réfugiés, entre autres. Elle est également intervenue au nom du chef de l’Etat sur la réforme de l’Union africaine, notamment sur la question spécifique qui touche la transformation du Nepad en agence de développement de l’Union africaine. A ce niveau, il faut dire que c’est le Sénégal, à travers le Président Macky Sall qui préside le comité d’orientation des chefs d’Etat et du Nepad. Elle a fait aussi une déclaration sur l’Etat de la gouvernance en Afrique dans le cadre du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep) où nous avons partagé nos expériences en matière de lutte contre la corruption et de gestion des ressources naturelles. L’état de la paix et de la sécurité en Afrique intéresse tout le monde. Là aussi, nous sommes intervenus pour saluer les progrès enregistrés récemment en Centrafrique et au niveau de la Corne de l’Afrique, et apporter notre solidarités aux pays qui sont encore touchés par les crises ou les conflits, surtout ceux qui font face au terrorisme et à l’extrémisme violent comme au Sahel. Nous sommes également intervenus sur la question de la migration à la suite de la présentation d’un rapport sur l’opérationnalisation de l’Observatoire africain des phénomènes migratoires. C’était une participation active et comme d’habitude très appréciée avec des déclarations riches qui s’appuient sur notre expérience avec la simple volonté de partager ce que nous sommes en train de faire de mieux au Sénégal. L’un des autres enjeux de l’UA est l’établissement de la zone de libre-échange continentale. Où en est la situation ? La zone de libre-échange continentale africaine fait partie des projets phare de l’Union Africaine inscrite dans l’agenda 2063. L’accord portant établissement d’une zone de libre-échange à l’échelle du continent a été signé en mars 2018 à Kigali. A ce jour, moins d’un an après sa signature, l’accord a enregistré 17 ratifications dont celle du Sénégal. Je rappelle qu’il en faut 22 pour que l’accord puisse entrer en vigueur. Le Sénégal l’a ratifié le 23 janvier dernier après un processus interne de concertation avec toutes les parties prenantes. L’ensemble des parties intéressées et concernées par l’accord a été mobilisé dans le cadre d’une concertation nationale, de façon à bâtir un consensus fort sur la nécessité pour le Sénégal de ratifier l’accord. Le processus a inspiré l’Union africaine qui a envoyé à Dakar une mission du département en charge de l’industrie et du commerce pour s’inspirer de notre expérience. Il est prévu en juillet à Niamey, au Niger, un sommet extraordinaire sur un jour pour procéder au lancement officiel de la zone de libre-échange continentale. La ZLECAF est un programme qui a beaucoup d’opportunités et qui vise entre autres à unir un marché de 1,2 milliard de consommateurs, représentant près de 4 000 milliards du Pib. Les prévisions les plus optimistes tablent sur une croissance du commerce intra-africain de 52,3%. Actuellement, il faut le souligner, le commerce intra-africain ne représente que 10% des échanges réalisés sur le continent. Pourtant, dans des zones comme l’Union européenne, en Asie ou encore en Amérique du nord, le commerce intra régional est respectivement de 70%, 52% et 50% des échanges. Avec des prévisions de 52% du développement du commerce intra-africain, vous pouvez imaginer, les attentes sont assez fortes… Naturellement, c’est une situation qui va engendrer des pertes en termes de droit de douane, mais les opportunités sont de loin plus importantes que les faiblesses. Le Sénégal s’y prépare parce qu’il s’agit de bien préparer nos commerçants et notre industrie locale à l’arrivée de nouveaux produits. Il faut également les préparer à saisir toutes les opportunités qu’offre l’ouverture de notre marché. D’ailleurs, je pense que des études ont déjà été réalisées à ce sujet et les prévisions sont optimistes. Le Sénégal tirera, j’en suis convaincu, grand profit de l’ouverture de son marché aux autres produits africains.