AND JËF, LA DÉCEPTION DANS LA GAUCHE RÉVOLUTIONNAIRE SÉNÉGALAISE (6/10)
EXCLUSIF SENEPLUS - Ci gis-gisu waa PAI, waa PIT ak waa LD/MPT, la tactique était celle-là contre le PS ‘’wër ko ndomb, jàpp ci ndigg li, yëkkati ko ba ci kaw, dóor ko ci suuf. Ci gis-gisu xaley Ànd Jëf ya woon, bëre bi dafay yéex, danga koy dóor direkt

Le 21 Septembre dernier, à la Maison de la Culture Douta Seck, l’ex Xarébi/ Ànd Jëf- Mouvement Révolutionnaire pour une Démocratie Nouvelle (MRDN) - la Gauche communiste sénégalaise d'obédience maoiste - mouvement qui est devenu maintenant Ànd Jëf Parti Africain pour la Démocratie et le Socialiste (Ànd Jëf/PADS), a organisé une Journée de Souvenirs dédiée à ses membres disparus. Prétexte pour le Feuilleton Managérial ‘’La Gauche sénégalaise, une histoire explicative’’, de revenir dans ce dernier jet sur le ‘’Ànd Jëf'’ du MRDN jusqu’au PADS, qui fut à la fois le potentiel et la promesse et qui est devenu la (grande) déception dans la Gauche révolutionnaire sénégalaise.
A y regarder de plus près, Ànd Jëf/PADS, qui fut le potentiel et la promesse de la Gauche, est devenu la grande déception dans la Gauche révolutionnaire sénégalaise. D'abord, dans la mouvance de Gauche (marxiste-léniniste) de manière générale. Ensuite, au sein de lui-même, And Jëf/PADS, de manière significative et illustrative.
D'abord, dans la mouvance de la Gauche marxiste-léniniste, de manière générale. Sur le terrain politique et contestataire du temps de la clandestinité tout comme sur le terrain de la légalité et du jeu démocratique, il y a une antériorité historique des partis PAI (1957), PIT (1981), LD/MPT (1981) sur Ànd Jëf (1992) qui déjà à partir de 1973, était dans la clandestinité quand le PAI, le PIT et la LD/MPT furent dans la clandestinité dès 1960…
Toutefois, que ce soit le PAI, le PIT, la LD/MPT et Ànd Jëf- la Gauche révolutionnaire, la Gauche marxiste-léniniste-, les objectifs étaient les mêmes et se croisaient au rond-point de l'anti-impérialisme, au carrefour du nationalisme et au terminus des forces démocratiques, patriotiques et révolutionnaires. Pour une société nouvelle, par l'éveil des consciences des masses rurales, paysannes, urbaines et des couches populaires.
Au PAI, au PIT et à la LD/MPT, le ‘’moteur de l’histoire’’ de leur lutte a été, fondamentalement, pour l’indépendance et contre le néo-colonialisme et l'oppression des masses pauvres (rurales et urbaines) et des classes populaires (les ouvriers). A Ànd Jëf, le ‘’moteur de l’histoire’’ de leur lutte a été, fondamentalement, contre l'hégémonie occidentale dans ‘’la zone des tempêtes’’, le Tiers-Monde (avec la guerre au Vietnam, Mouvement des Blacks Panthers, Sékou Touré, Julius Nyéréré, Thomas Sankara....) et contre le néocolonialisme et l'oppression des masses pauvres (rurales et urbaines) et des classes populaires (les ouvriers). Mais également, la lutte contre les féodalités religieuses et coutumières, contre la bourgeoisie politico-administrative et contre la bourgeoisie compradore.
Dans la Gauche marxiste-léniniste, les tactiques, les méthodes et les styles de lutte et d’actions, différent d'un camp à l'autre. Pour le PAI, le PIT et la LD/MPT, fondamentalement, à force de dialogue et de pression jusqu’à épuisement des facultés réciproques de conviction-surtout sur le code électoral et sur le Jeu politique-, il était possible d’arracher du Parti socialiste (un parti de Droite même si son nom sonne à Gauche), des conquêtes démocratiques. Pour Ànd Jëf, fondamentalement, et dans leur regard de fond, leurs camarades du PAI, du PIT et de la LD/MPT, sont des ‘’petits-bourgeois révolutionnaires’’, très modérés et très tempérés aux yeux des (jeunes) révolutionnaires d’And Jëf qui pour eux, le régime socialiste, néocolonial, anti-démocratique et de Droite, ne mérite que la subversion et le chaos pour lui arracher des libertés fondamentales. Pour les ‘’Grands’’ du PAI, du PIT et de la LD/MPT, les ‘’jeunes’’ d’Ànd Jëf, font fausse route et dansent plus vite que la musique, en ce sens que ce que la lutte pacifique et démocratique, dans la persévérance et si nécessaire en faisant des compromis au besoin, ne vous donnera pas, ce n'est pas la révolution violente et le chaos qui vous le donnera. Pour les ‘’Grands’’ du PAI, du PIT et de la LD/MPT, la tactique était celle-là contre le PS: que la Gauche devrait épouser une ligne de conduite de la fermeté sur les principes et de la souplesse sur l'accessoire, en encourageant les compromis dynamiques et en évitant les compromissions coupables. ''Maanaam ci gàttal daal, ci gis-gisu waa PAI, waa PIT ak waa LD/MPT, waa PS danga koy wër ndomb, jàpp ci ndigg li, yëkkati ko ba ci kaw, dóor ko ci suuf. Ci gis-gisu xaley Ànd Jëf ya woon, bu bëre bi yéex, danga koy dóor direkt, song ko, gal-gal ko, daan ko".
D’ailleurs, cette double incompréhension, de part et d’autre, sera l’un des facteurs bloquants pour une unité d’actions de la Gauche, pourtant tant souhaitée et tant démarchée par de bonnes volontés. Au point que le défunt camarade Sémou Pathé Gueye du PIT, parlait de ‘’terrorisme idéologique d’Ànd Jëf’’, sur les ondes de la radion Sud Fm….
Et comme la Gauche révolutionnaire est à l'image de cette partie du monde qui est le Proche-Orient, c’est-à-dire une ''terre de miracles'', c'est à la veille des années 2000, que Ànd Jëf, va changer complètement de cap, en renonçant à la subversion et au chaos et en optant pour le jeu électoral démocratique, convaincu que le PS pourrait être battu par et dans les urnes. And Jëf va appeler à un front unique de l'opposition contre le PS. Ce que finiront par accepter la LD/MPT (Ablaye Bathily), le PIT (Feu Amath Dansokho) et rejeter par la CDP Garab gui (Iba Der Thiam), l’URD (feu Djibo Ka), l’AFP (Moustapha Niass), le RTAS (Mademba Sock), le FSD/BJ (Ablaye Dièye), le PRS (Serigne Ousseynou Fall).
Ànd Jëf, entre erreur stratégique et faute politique
Au premier gouvernement de majorité présidentielle élargie, en 1991, le président Abdou Diouf, en bon ‘’Administrateur’’ et fin stratège, avait exigé dans le cadre de cette ouverture démocratique, que le PDS, le PIT et la LD/MPT (And Jëf avait décliné l’offre et refusé d'entrer dans le gouvernement socialiste), auraient chacun deux postes ministériels dont l'un est impérativement dévolu au Secrétaire général de chaque parti entrant et occupé par lui-même. Ce qui fut fait.
Avec l'alternance en 2000, quand il s'est agi de former le gouvernement, le président Ablaye Wade, n'en avait pas fait, ni mention ni priorité, de cette exigence du président Abdou Diouf en 1991 pour former son gouvernement d'ouverture. Et c'est là que Landing Savané et And Jëf vont commettre leur première erreur stratégique et faute politique. Et, en Politique, toute erreur et toute faute, se payent cash…..
Ainsi, Landing Savané, Secrétaire général d’Ànd Jëf (c’était aussi valable pour le PIT et la LD/MPT), n'aurait dû jamais accepter, himself, d'entrer dans le premier gouvernement du président Me Wade, mais de promouvoir ses cadres et de faire un repli stratégique, en regagnant son mirador du haut de sa sentinelle, pour faire le guet. Surtout le président Ablaye Wade avec qui ils (PIT, LD, And Jëf) ont désormais affaire, est un és-qualité, Maître en Politique. Première erreur stratégique et faute politique pour la Gauche sénégalaise et ses leaders.
La deuxième erreur stratégique et faute politique du PIT, de la LD et d’Ànd Jëf et de leurs leaders respectifs, c'est de ne pas avoir été solidaires avec Moustapha Niass alors Premier ministre, quand ce dernier fut chassé arbitrairement de la primature par le président Wade qui déjà en 2000, pensait à la prochaine élection présidentielle en 2007. C'était donc faire de cécité politique que de ne pas voir venir qu'après Moustapha Niass, ce sera au tour d’Abdoulaye Bathily (LD), d’Amath Dansokho (PIT) et de Landing Savané (AJ), de passer à l’échafaud de Me Wade. A moins que l'on commence à s'embourgeoiser et à se familiariser avec les douceurs du palais, avec un président Wade, si généreux et qui dégaine plus vite que son ombre.
Dans l’intervalle, le président Wade s'était rendu compte que l'expérience de l’Etat (gestion, organisation et méthodes), c’était Moustapha Niass, quand les idées et les stratégies, c'était les Landing, Bathily et Dansokho. Et voulant exister et occuper tout l'espace, tout son espace de Président de la République et Chef de l'Etat, ses alliés (Niasse, Landing, Bathily, Dansokho), sont devenus trop encombrants pour lui et pour un certain Idrissa Seck qui veut lui aussi briller au soleil. Et ce qui devait arriver arriva, avec la défenestration, un à un, de ses anciens alliés, sans qui, le président Wade ne serait jamais arrivé au pouvoir politique d'Etat.
Ànd Jëf et le ‘’copinautarisme’’
‘’Copinautarisme’’ est un néologisme formé entre ‘’copinage’’ et ‘’communautarisme’’. Beaucoup de révolutionnaires à And Jëf, pensent que leur parti ne profite qu'à un conglomérat de dix à quinze personnes, qui se partagent toujours les ‘’Cër’’ (la partie la plus dodue de la viande) et distribuent aux autres, les ‘’car’’ (les os et les côtelettes du mouton). Qui a parlé des 30 millions de FCFA que le président Wade a révélé avoir remis mensuellement pendant et sur sept ans (ce qui devrait faire un total 2 milliards 520 millions de FCFA), à Landing Savané et à Aj/Pads ? Sans rentrer dans des détails croustillants, ''ce qu'on peut retenir en définitive de cette participation de Aj/Pads à l'exercice du pouvoir, c'est qu'elle a révélé nombre de comportements malsains, de déviations opportunistes et de reniements qui ont enfoncé Aj/Pads dans une profonde crise d'identité et de perspectives qui l'a conduit à l'implosion que l'on sait''. Comme l’analyse si bien le camarade Bougouma Mbaye.
Beaucoup de révolutionnaires reprochent à Ànd Jëf/Pads, le manque de clairvoyance politique de sa direction maoïste, qui n'a pas aussi promu ses cadres, durant les sept années d'affilée que le parti a siégé au gouvernement. Tout le contraire de la LD/MPT (surtout au niveau du ministère de l'Environnement) et du PIT (au ministère de l'Habitat). Et surtout, après tant d'années passées au Ministère de l'Industrie et l'Artisanat, le camarade Landing Savané n'a laissé aucune trace en termes d'initiatives et d'actions d'envergure.
Quand on jette un coup d'oeil sur le rétroviseur, en voyant au nom de ce combat révolutionnaire pour une société nouvelle, au nom de Ànd Jëf, les morts d'hommes, les élans brisés, les vies détruites, les carrières compromises, les avenirs fauchés, les ménages volés en éclats, les familles disloquées, c'est avec peine que le mouvement révolutionnaire sénégalais voit Ànd Jëf aujourd'hui dévoyé du fait du reniement de certains de ses principaux dirigeants, perdre son âme et, avec elle, la mystique et l'espoir qu'il symbolisait dans la conscience collective de notre peuple et celle des progressistes africains.
Siré Sy, www.africaworldwidegroup.org
Merci au Département Traduction des Éditions Papyrus Afrique, pour la transcription du wolof.