LE JOUR DU PARDON
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Marcher dans les rues de Dakar, quel exploit ! Le piéton est totalement ignoré, écrasé par la hauteur des immeubles, par leurs balcons ventrus telle une femme au ventre si bas et prête à accoucher

Jour 60
#SilenceDuTemps - Depuis ma fenêtre côté poste de travail, j’ai une vue directe sur la cour arrière de la Société Générale. Je vois donc régulièrement un fourgon qui transporte des fonds, enfin j’imagine au vu des vigiles qui l’entourent. On pourrait penser que ce ballet de sacs d’argent se passe à l’abri des regards indiscrets, peut-être qu’ils ne chargent que du papier, genre des archives ? Bizarre !
J’imagine comme au cinéma des sous-sol lugubres, portes fortes dérobées, sans personne sinon les guetteurs, comme on voit lorsque qu’un casse se prépare, avec des scènes du genre celle du film « Ocean eleven » qui vous tiennent hors d’haleine.
Vous souvenez-vous du « casse » des années 60 dans cette même banque, des centaines de millions envolés ! et la presse disait : le cerveau, un Européen … À l’époque, c’était un événement dramatique, on n’avait jamais vu ça sinon … au cinéma !
Aujourd’hui, les « casses » avec intrusion j’entends, relève plus du larcin tant les sommes dérobées sont « dérisoires », dans ce monde on l’on conjugue en milliards sans sourciller.
Par contre nombreux sont les « détournements » en général opérés par les agents de banque et là ils rivalisent de génie et les sommes sont effectivement affolantes, très peu de banques en sont épargnées. Je me rappelle de cet employé qui se servait sur les centimes des clients, des millions aurait-il substitué !
Et puis de mon « mirador », je vois aussi l’autre partie de la banque, la nouvelle et je me rappelle que lorsque nous étions petits, elle était occupée à l’étage par un salon de thé avec son excellente pâtisserie, où nous allions dévorer les meilleures « croustades aux pommes » jamais dégustées ailleurs, au rez-de-chaussée par l’un des deux seuls et prestigieux magasins de fleurs à Dakar « La Roseraie » dont la propriétaire Mme Girard ressemblait aux roses qu’elle vendait, rondelette, un peu rousse, le teint « orangé ». Aujourd’hui, « la Roseraie » sévit de façon assez confidentielle dans une petite boutique en face de la mairie de Dakar, parce qu’en matière de fleurs il y a maintenant du choix.
En face de l’autre côté de la rue L. S. Senghor dans l’immeuble faisant l’angle avec Félix Faure, pas celui actuel dont la façade tout de verre bleu vêtue nous éblouit en renvoyant les rayons du soleil, une des nombreuses librairies qui existaient dans Dakar, « la papeterie Viale » un peu plus loin, sur le même trottoir un club de jazz « le Dadjé » où durant les années 80, le Xalam version 1ère nous a régalé. Plus loin, un cinéma, le Bataclan, portion de rue très culturelle, portion de vie … culturelle.
Aujourd’hui ce sont différentes banques qui se succèdent dans de hauts immeubles à la place des immeubles de 3 à 4 étages, en fait la bonne échelle de Dakar plateau en bonne relation avec son tracé des rues.
Marcher dans les rues de Dakar, quel exploit ! Le piéton est totalement ignoré, écrasé par la hauteur des immeubles, par leurs balcons ventrus telle une femme au ventre si bas et prête à accoucher, des trottoirs encombrés principalement par des parkings payants et organisés par la mairie de commune, des vendeurs ambulants …
Quel ambitieux et visionnaire « personnage » viendra libérer notre Dakar ?
Jour 61
Aujourd’hui c’est la Korité pour une (infime) partie des musulmans du Sénégal. C. aurait-il tenté qu’il n’y serait pas arrivé à influencer quelque partie que ce soit, c’est devenu maintenant une institution que de fêter 2 voire 3 fêtes de Korité ou Tabaski, donc Force C., no way !
Ça n’a pas toujours été ainsi. Ça pourrait, devrait changer quand même car au-delà du désordre c’est la question de la gouvernance qui se pose à ce doublon impactant directement sur l’économie. Alors s’il faut apprendre à vivre avec C., l’occasion était belle aussi de commencer à faire autrement.
Ici dans la maison, j’ai posé la question : c’est quel jour et j’attends toujours la réponse … Voir le père et le fils tous beaux vêtus rejoignant « l’Imam » de la famille Pape, celui-ci les guidant à sa mosquée de Ngor … Rituel reporté à l’année prochaine.
Alors puisque 2 fêtes … sans fête, je profite du « sukkeur’U koor » que la cousine Elie a déposé à Papi Viou pour improviser un petit déjeuner de Korité que je renouvelle demain avec du fromage fait maison – délicieux – des friands à la viande tout aussi délicieux et quelques gâteaux libanais aux amandes. J’adore manger salé le matin, je suis gâtée.
Et en prime lundi c’est férié ! C. aurait-il les moyens de nous mettre vraiment au travail ?
N’ayant aucune information sur la date de dé-confinement, je me permets de me fixer la mienne et donc aujourd’hui J 61 sera J -5, jeudi prochain 28 mai 2020 tout recommence… non pas comme avant j’espère.
Vous vous demandez pourquoi jeudi ? Parce que si les écoliers rentrent mardi 2 juin, il faudra bien leur permettre de quitter leurs contrées les plus lointaines pour arriver dans les villes où ils vont à l’école et tant pis si je me trompe, je décrète !
Ça me plaît bien d’entamer ainsi ce compte-à-rebours, bel objectif que je me promets d’atteindre avec sérénité.
L’ami Tidiane de la J 23, vous vous souvenez ! Celui qui était confiné à Toulouse à « l’insu de son plein gré », est de retour. Il nous avait régalé avec ses séries de « Formidable », nous promettant la boom du siècle après C.
Savez-vous comment se passe l’arrivée à Dakar ? Le grand bordel à AIDB !
Vol arrivée vers 14h 00 de Paris, personne sinon quelques gendarmes ou policiers pour contenir le mécontentement. Vers …21h 00, l’équipe du ministère vient les prendre en charge, direction confinement de 48 H et tests à Saly. Des faits relayés par la presse dakaroise, des familles avec enfants, des personnes âgées … des gens tout simplement, les problèmes ayant commencé depuis le départ de Paris, la mécanique ne semble pas vraiment huilée malgré tout ce que l’on entend officiellement. Ce n’est pas vraiment sérieux !
En tout cas bienvenue à Tidiane, hâte de te retrouver et sûr que la boom sera terrible !
J 62 et J-4 ou le Pardon
Hier soir, sortie sur la terrasse pour regarder Viou en train d’arroser son jardin suspendu, j’ai scruté le ciel, mais rien ; pourtant une si belle lumière enveloppait ce ciel de samedi, nous faisant penser que dame lune était bien là en fait, narguant uniquement … les Sénégalais, la coquine !
Tant pis, ma Korité sera lundi, alors ?
Ça ne sera que le 3ème jour du Pardon, on en a sûrement besoin ici ; ce mot si lourd mais qui finalement soulage une fois prononcé, non ? Et pour soutenir le Pardon, le « sukkeur’U koor » en amont (voir la J 61) et le « ndeweneul » en aval.
D’habitude les enfants sillonnent les quartiers, les rues… Vont-ils aujourd’hui aller de maison en maison comme à l’accoutumée ? C’est sympathique ce ballet de petits dans le quartier, « endimanchés » et lorsqu’on les reconnaît.
Mais aujourd’hui, plutôt dangereux ! Les pièces distribuées pour l’occasion, quel véhicule terrifiant passant de la mano a la mano … Certes il y aura des parents vigilants pour retenir leurs petits, mais tous les autres ? Et puis quand cela prend une certaine dimension c’est moins drôle, çà fait désordre.
Bien entendu depuis mon « mirador » vous imaginez que ce n’est point mon spectacle, qui par contre est d’habitude agréablement rythmé par le ballet de ces quelques fidèles dans leurs plus beaux habits qui passent dans les rues que j’ai dans mon viseur, m’annonçant la fin de la prière.
Ce matin pas un chat dans ces rues puisque la mosquée Carnot, la plus proche de la maison, est en chantier de réhabilitation et l’autre, la Zawiya El Hadj Malick Sy, pas très lointaine, point de prières aujourd’hui.
Ah lala C. change les rythmes socialisants à sa guise.
Nous par contre, notre « ndeweneul » des plus œcuméniques est arrivé, de la part de neveu et nièce chéris : du jambon de Bayonne, divers saucissons pur porc bien sûr, des saucisses … manquait que la bouteille de vin. Fromage et saumon, quand même … accompagnent notre colis. Ils nous connaissent bien ces deux-là. Moi j’adore ce Sénégal-là, alors le pardon aujourd’hui et toujours est suivi d’un grand merci.
« Les choses de la vie », hommage à Piccoli suivi d’une émission sur l’homme militant, engagé et grand acteur qu’il a été.
Je décroche, à demain alors …
Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.