POLITIQUE D’AUSTERITÉ
Il est quand même étonnant que l’Etat continue à octroyer entre 250.000 et 500.000 aux fonctionnaires alors que tous les services administratifs disposent de lignes téléphoniques et bénéficient de la gratuité de l’internet

Les émeutes de la faim tant redoutées se sont finalement produites au Sénégal. Elles ont été déclenchées suite à une vulgaire et sordide affaire d’accusation de viol supposé par une jeune dame, Adji Raby Sarr, masseuse dans un salon contre le leader de l’opposition sénégalaise non moins député à l’Assemblée Nationale, Ousmane Sonko. Des images presque surréalistes attestent que l’arrestation de ce dernier n’est que l’élément déclencheur d’un ras-le-bol généralisé et une situation devenue intenable par la plupart des sénégalais qui cherchaient la queue du diable pour la tirer.
La paupérisation avait atteint un point tel qu’une petite étincelle allait mettre le feu aux poudres. Malheureusement, les autorités n’avaient pas senti l’odeur nauséabonde qui se dégageait des quartiers populeux où la promiscuité tenace poussait certains jeunes à passer la nuit à la belle étoile, laissant ainsi, la place à certains de leurs frères et sœurs, étudiants, élèves ou travailleurs, dormir tranquillement avant de revenir occuper les mêmes lits à la levée du soleil. Mais à quelque chose malheur est bon. Visiblement le Chef de l’Etat semble avoir décrypté le message de son peuple. En témoigne son discours très responsable prononcé aux lendemains des manifestations inédites qui se sont déroulées sur presque l’étendue du territoire.
Le Président Macky Sall a non seulement écouté mais aussi, entendu et surtout, compris que «sa population est fatiguée». Il desserre l’étau en levant l’état de catastrophe sanitaire. Il appartient désormais aux Sénégalais de faire preuve de responsabilité en respectant les gestes barrières, en portant les masques et en se levant régulièrement les mains. Parce que comme le disait Albert Camus, «un homme, ça s’empêche».
L’autre conséquence majeure des émeutes, c’est la politique d’austérité engagée dans le cadre de la rationalisation des dépenses publiques et de la réduction des charges de fonctionnement de l’Etat. Ce qui selon le ministre des finances et du budget a permis d’économiser plus de 50 milliards de francs CFA par an à partir de la seule suppression d’acquisition de véhicules administratifs, ainsi que celle de la convention à usage d’habitation et celle de la ligne téléphonique.
Justement restons sur ce dernier avantage accordé aux agents. Il est quand même étonnant que l’Etat continue à octroyer entre 250.000 et 500.000 aux fonctionnaires alors que tous les services administratifs disposent de lignes téléphoniques et bénéficient de la gratuité de l’internet. Mieux, avec la multiplication des opérateurs de téléphonie mobile, une certaine concurrence a fini par s’installer au grand bonheur des consommateurs. Ce qui fait dire à un haut fonctionnaire que «90 % du crédit alloué est utilisé hors service».
Pourtant la facture téléphonique de l’Etat était de 22 milliards de F CFA en 2019. Elle est passée à 2,5 milliards en 2020, soit une économie annuelle de 18,5 milliards. Nous estimons que l’Etat peut encore mieux faire. D’ailleurs il n’agirait pas d’une politique d’austérité mais de celle qu’on pourrait enfin assimiler à une «gouvernance sombre et vertueuse».