TERREUR MARRON
EXCCLUSIF SENEPLUS - La peur semble s’installer au sein du pouvoir et la paranoïa s’est emparée de la police. Elle est devenue l’épée du parti au pouvoir, imposant la répression au lieu d’être au service exclusif des citoyens

Dans un éditorial daté du 30 septembre 2020, j’avais déclaré qu’Ousmane Sonko est l’homme politique à abattre. L’histoire du présumé viol qui l’éclabousse depuis le 5 février 2021 entre dans le projet d’anéantissement du leader de Pastef. Depuis que la plainte de la nommée Adji Sarr contre Ousmane Sonko a été révélée par le journal les Echos, le pays est en ébullition parce que secoué par une violence physique, psychologique et verbale qui nous rappelle les années incandescentes de 80-90 où Abdoulaye Wade mettait régulièrement sous tension, et à juste raison, le pays sous la dictature Diouf-Collin. Depuis qu’Ousmane Sonko est entré en politique pour entreprendre avec engagement le démantèlement tous azimuts d’un système de corruption et de répression solidement chevillé sur ses soixante ans, il n’a cessé d’être cloué au pilori, d’être voué aux gémonies par le régime de terreur mackyste.
Quand la gendarmerie a voulu convoquer irrégulièrement Ousmane Sonko sur ordre du procureur de la République à des fins d’audition, et que la soldatesque du ministre de l’Intérieur Antoine Diome a déclenché les hostilités sur de paisibles militants venus apporter un soutien moral à leur leader qui, la veille desdits événements, a invoqué son droit constitutionnel de résister en cas de tentative de kidnapping par la force publique, une bourrasque populaire s’est aussitôt déchaînée. La rage policière qui s’est déversée sur les manifestants souvent désarmés était incompréhensible. Les interdictions de rassemblement ordonnées par Diome ne pouvaient servir de justificatif pour charger violemment les militants de Pastef. Il s’en est suivi une vague d’arrestations ponctuée de tortures inhumaines dans un pays qui a ratifié toutes les Conventions contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Depuis ce jour, c’est la traque des militants du Pastef. La peur panique semble s’installer au sein du pouvoir et la paranoïa s’est emparée de la police. Au moindre soupçon, on est alpagué par les flics. Comble d’irrationalité ! Un professeur de philo officiant à Goudomp a été manu militari arrêté devant ses élèves estomaqués et apeurés et conduit à la gendarmerie. Quelle horrible image ces jeunes vont-ils se faire de cette institution qui suscite pourtant tant d’admiration et d’attraction chez la plupart d’entre eux ?
Des méthodes de répression dignes de la Tcheka ou de la Gestapo
On est arrivé aujourd’hui à se demander si cette frange de la police sénégalaise qui emploie des méthodes répressives contre toute personne qui manifeste une sympathie à Sonko n’est pas inspirée par la Gestapo, la police politique nazie de Göring ou la Tcheka russe, la police politique russe de Félix Dzerjinski, appelé « Félix de fer ». En décembre 1917, ce dernier proche de Lénine exposa, lors d’un Conseil des commissaires du peuple, son credo pour combattre les ennemis du nouveau régime bolchevick : « Ne croyez pas que je cherche des formes pour une justice révolutionnaire ; nous n'avons que faire de justice ! Aujourd’hui, nous sommes engagés dans un corps à corps, une lutte à la mort, jusqu'au bout ! Je propose, j’exige l’organisation d’une répression révolutionnaire des agents de la contre-révolution. » Ainsi naquit la Tcheka, cette redoutable police politique qui mit en place la « Terreur rouge » et massacra en cinq ans d’existence des milliers de personnes dont le seul tort était de ne pas partager l’idéologie du régime bolchevick ou d’être accusés de déviationnisme.
En Allemagne, des nazis au pouvoir en janvier 1933 mettent en place la Gestapo, une police politique éliminant, en dehors de tout cadre légal, tout opposant politique à la doctrine du 3e Reich. Certes, nous n’allons pousser le cynisme jusqu’à établir l’analogie entre la police de Diome et la Tcheka de Dzerjinski ou la Gestapo de Göring mais ses méthodes punitives et tortionnaires n’ont parfois rien, à envier aux machineries répressives dirigées par Dzerjinski et Göring. Des rafles de libres penseurs, d’activistes, de militants "pastefiens", de citoyens épris de paix et de justice qui nous font penser au Vel d’Hiv sont organisées quotidiennement. Et c’est une honte que de voir que la police sénégalaise, qui doit être au service des citoyens, être instrumentalisée par une camarilla de politiciens dont l’unique objectif est de se maintenant au pouvoir au mépris de tous droits démocratiques. Elle est devenue le bouclier et l’épée du parti au pouvoir imposant une « Terreur marron » au lieu d’être au service exclusif des citoyens.
La police sénégalaise ne doit pas être un instrument malléable et manipulable par n’importe quel régime en place quand on sait que la République est par essence l’émanation de la volonté de la majorité des citoyens. Son rôle n’est pas de verser dans la surenchère de la répression aveugle et de la violence irrationnelle commanditées, exercées sur des opposants qui ont le droit de jouir des libertés que leur offre la Loi fondamentale. La lutte pour les libertés enclenchée dans les années 60 et 80 n’a rien à envier à celle que les Sénégalais mènent aujourd’hui. Pourtant le virage de l’an 2000 qui a consacré la première alternance du Sénégal faisait espérer qu’on n’avancerait plus à reculons pour la conquête de certains droits démocratiques. Aujourd’hui, tout Sénégalais non détenteur de la carte beige-marron immunisante est en sursis.
Les images de violence qui défilent chaque soir sur les chaînes de télé ou sur les réseaux sociaux sont choquantes et exaspérantes. Le point d’orgue est atteint quand des femmes patriotes jouissant d’un droit constitutionnel de marcher et de s’exprimer sont arrêtées et jetées impitoyablement par des policiers et jetées comme des sacs de riz dans leur panier à salades. Cela fait compassion et rage quand on voit des agents de police casqués, gantés et bottés, fusils et grenades neutralisantes à la main, s’en prendre à de pauvres femmes sans défense dont le seul tort est de s’asseoir et d’entonner des slogans de soutien à leur leader. Où sont les gueulardes féministes corrompues qui ont pris fait et cause pour Adji Sarr dont le certificat de bonne vie et mœurs est fortement maculé par une vie dissolue ? Pour ces pseudo-féministes encartées au sein de l’APR et qui n’ont comme dieu Mammon, les femmes de Pastef arrêtées n’ont pas de dignité devant une marie-couche-toi-là. Penda Bâ, la nièce de Farba Ngom, qui avait insulté la communauté ethnique majoritaire du Sénégal, a été récompensée par des chèques consistants et un visa au Canada au lieu d’être traduit devant un tribunal. Voilà le Sénégal bifide de Macky Sall. Ses proches aux ors du pouvoir, ses opposants au feu du purgatoire.
Les polices politiques, instruments des régimes totalitaires
Les polices politiques sont omniprésentes dans les régimes autocratiques. Elles sont utilisées pour servir de béquilles au pouvoir en place au lieu de protéger l’Etat de droit. Et c’est de ce déni démocratique que se sustentent et grandissent les oppositions contre la brutalité du régime policier. Aussi est-il dangereux de faire croire que l’Etat ne serait rien sans sa fidèle machine de contrôle et de répression qu’est la police politique. Cette dernière n’a aucune une fonction, aucun rôle à jouer dans un régime démocratique où, par définition, le gouvernement est l’émanation de la volonté de la majorité des citoyens. Autrement dit, une police politique est indigne d’une République qui valorise les libertés. Aujourd’hui, la voie de la répression au détriment du respect des libertés que le ministre Diome semble privilégier mène à l’impasse. Il serait peut-être temps, pour la police sénégalaise de relire l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée. »
Être instituée pour l’avantage de tous les citoyens et non pour l’utilité d’un groupuscule de politiciens, telle est la mission de la police républicaine.