APRÈS LA PERTE DE THIÈS, L'AVENIR D'IDRISSA SECK S'ÉCRIT EN POINTILLÉ
En ralliant la mouvance présidentielle, l’ancien Premier ministre devait entraîner sa ville dans son sillage. Mais son parti, Rewmi, a échoué aux locales, menaçant du même coup sa position au sein de la coalition au pouvoir

Quel sort le président Macky Sall réservera-t-il à Idrissa Seck ? Leur alliance sera-t-elle maintenue ou l’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade devra-t-il sortir de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY) ? Le moins que l’on puisse dire, à la lumière des résultats des élections locales du 23 janvier, c’est que l’avenir politique du leader du parti Rewmi est aujourd’hui incertain.
À Thiès, le fief d’Idrissa Seck, BBY a été sèchement défait par la coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi. Yankhoba Diattara, adoubé par Idrissa Seck comme tête de liste pour conquérir la mairie centrale de la cité du rail, n’a rien pu faire face à Babacar Diop. Les différents cadres de Rewmi n’ont pas non plus remporté les communes d’arrondissement de Thiès-ouest, est et nord. Un revers cinglant qui marque une perte d’influence de l’ancien Premier ministre et la fin de son hégémonie dans cette ville située à 70 km à l’est de Dakar.
Sur le terrain, le ministre de l’Économie numérique et coordonnateur local de Rewmi a dû faire face à plusieurs listes concurrentes dont celle de Talla Sylla, l’édile sortant de la ville à qui Idrissa Seck avait laissé la gestion de la mairie en 2014. Pour Ndiaga Sylla, expert électoral et frère du maire déchu, l’ancien chef du gouvernement « paie le prix de son rapprochement avec Macky Sall ». « Les électeurs n’ont pas digéré cette nouvelle alliance », affirme-t-il.
Effritement
Jamais Idrissa Seck n’avait perdu dans la région de Thiès, son bastion électoral depuis plus d’une vingtaine d’années. À partir de 2002, celui qui avait construit sa notoriété sous Wade avant d’entrer en disgrâce y avait remporté toutes les élections locales. Et lors de la présidentielle de 2019, Thiès lui avait fourni l’essentiel des suffrages exprimés en sa faveur.
Certes, Idrissa Seck avait terminé deuxième pour la troisième fois consécutive, avec seulement 20,51 % des voix, mais cela lui avait suffi pour confirmer son statut de chef de file de l’opposition alors que montait en puissance le phénomène Ousmane Sonko.
C’est donc à la surprise générale qu’en novembre 2020, Idrissa Seck décide de rejoindre la majorité. En échange, il se voit gratifié du poste de président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), l’une des principales institutions du pays. Et deux cadres de son parti entrent au gouvernement. « Les Sénégalais n’ont pas vraiment compris son choix de rallier la coalition présidentielle. Et, surtout, d’être nommé à la tête d’une institution qu’il avait toujours dénigrée et qu’il proposait de supprimer », rappelle Babacar Ndiaye, chargé de recherche au West Africa Think Tank (Wathi), basé à Dakar.
Au sein de Rewmi, cette alliance avec le pouvoir, jugée « contre-nature », ne fait pas l’unanimité. Elle entraîne même la défection de plusieurs cadres du parti, dont le député Déthié Fall, devenu finalement l’un des artisans de la victoire de Yewwi Askan Wi à Thiès.
L’entrée de Rewmi au gouvernement contribuera aussi à l’effritement d’une base politique déjà fragilisée par les départs, en 2017, de l’ancien député et président du mouvement Agir, Thierno Bocoum, et, en 2019, de l’ancien porte-parole du parti, Abdourahmane Diouf. « Il s’est renié », regrette un ancien partisan.