«ÇA PEUT ETRE UNE BRECHE DANGEREUSE POUVANT SAPER NOTRE INTEGRITE TERRITORIALE»
Spécialiste en décentralisation et Directeur de l’ONG 3D, Moundiaye Cissé a accepté de se prononcer sur le débat autour du «statut spécial» soulevé dernièrement par la présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT)

Spécialiste en décentralisation et Directeur de l’ONG 3D, Moundiaye Cissé a accepté de se prononcer sur le débat autour du «statut spécial» soulevé dernièrement par la présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT). Membre actif de la société civile sénégalaise, Monsieur Cissé a soulevé un certain nombre de risques, si éventuellement cette proposition est appliquée, parmi lesquels une possibilité de saper à l’intégrité territoriale du pays.
Lors de sa première session de l’année, le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), par le biais de sa présidente Aminata Mbengue Ndiaye, a posé le débat sur le «statut particulier» de Dakar. Entre autres raisons invoquées, corriger les déséquilibres constatés entre les communes urbaines et celles rurales mais également se conformer à ce qui se fait dans des villes-capitales politiques et économiques comme Yaoundé, Yamoussoukro, Douala, Lagos qui disposent aujourd’hui d’un statut particulier à la hauteur de leur taille et à la dimension de leurs ambitions.
Interpellé sur la question, le Directeur de l’ONG 3 D a indiqué d’emblée que c’est une piste de réflexion intéressante au regard des problèmes vécues au niveau des capitales africaines, mais elle comporte plusieurs risques comme celui d’être perçu comme une réforme électoraliste. Mais également d’être une brèche dangereuse pouvant saper notre intégrité territoriale à cause des velléités de susciter des émules.
A en croire Moundiaye Cissé, doter Dakar d’un statut spécial pourrait amener d’autres collectivités territoriales spécifiques à demander un statut spécial. «Si on donne un statut spécial à Dakar, Touba pourrait demander un statut spécial et des régions comme Ziguinchor aussi. Et cela pourrait être donc une brèche très dangereuse pour la stabilité et la cohésion sociale et pour la République également », explique-t-il.
Ensuite, Monsieur Cissé estime que toutes les réformes envisagées concernant aussi bien le processus électoral que les élections locales devraient être posées au niveau du dialogue politique. Cela étant, il pense que si le débat devrait se poser, il devrait se faire sur la table du dialogue politique.
Poursuivant, le spécialiste en Décentralisation et Directeur de l’ONG 3 D fait soutient qu’instituer un statut spécial à Dakar en nommant son maire serait du point de vue de la loi une violation de l’article 102 de la Constitution qui dit que les collectivités territoriales s’administrent librement par des Assemblées élues. En plus, il affirme que ce serait un recul de plusieurs années d’autant que la loi de 1996 a supprimé la tutelle des collectivités territoriales. Moundiaye Cissé affirme dans la foulée que le fait de nommer le maire de Dakar serait ôter aux citoyens dakarois un droit fondamental, celui de choisir, d’élire leur maire. «Ce serait une rupture d’égalité des citoyens par rapport à cette question. Les citoyens des autres Communes ont le droit de choisir leurs maires et les citoyens de Dakar n’auront pas ce droit », précise-t-il.
CALCULS POLITICIENS !
A la question de savoir s’il y a des calculs politiciens derrière ? Monsieur Cissé répond par l’affirmative. «Pourquoi, d’un seul coup, on veut que le maire de Dakar soit nommé », s’interroge-t-il. A l’en croire, le maire de la ville ne doit pas forcément être du même bord politique que le président de la République. «Je crois qu’on doit dépasser les questions de personnes, de partis ; de même que les logiques électoralistes. Il ne faudrait pas qu’on fasse des reformes électoralistes parce que c’est des reformes qui nous poursuivent », dit-il.
Pour preuve, il rappelle les réformes de 1996 créant les Communes d’arrondissement. «C’était sur des bases électoralistes. Une ville comme Rufisque n’avait pas besoin de trois Communes d’arrondissement. Idem pour une ville comme Guédiawaye ou Dakar », regrette-t-il. Avant de préconiser que les réformes soient faites pour l’avenir comme cela a été le cas pour le mode d’élection des maires au suffrage universel direct. Interpellé sur le fait de vouloir se conformer à ce qui se fait actuellement dans d’autres pays africains afin de faire évoluer la capitale et de réaliser certaines de ses ambitions, le Directeur de l’ONG 3 D déclare que ces arguments ne tiennent pas. Surtout que, ajoute-t-il, l’Etat peut intervenir partout même s’il y a des compétences transférées aux collectivités territoriales. «L’Etat peut faire tout ce qu’il veut dans son territoire. L’Etat n’a pas de frontières dans son territoire », a-t-il terminé à ce propos.