DES CANDIDATS FANTÔMES À L’ÉPREUVE DU DOOR MARTEAU
Compte tenu du parcours tortueux des uns et du profil non convaincant des autres, il est permis de subodorer que ces drôles de candidats sont mus par une volonté de chantage, de collecte de fonds et de racket « diplomatique »

Dans les starting-blocks de la présidentielle 2024, ils sont déjà plus de 150 candidats pour la course au Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor (ex-Roume). Au-delà de quelques sérieux prétendants, la majorité écrasante ne sont que des candidats fantômes, guignols et fantoches s’activant dans le chantage, la collecte de fonds et le racket « diplomatique » auprès de richissimes hommes d’affaires, mécènes, chefs d’Etat et de gouvernement étrangers. Après s’être enrichis, ils vont se retirer de la course ! En prenant toutefois le soin de négocier leur ralliement à des candidats mieux placés en échange de portefeuilles ministériels, marchés publics et autres avantages. Pour Dr Momar Thiam, expert en communication, on assiste à un « louma politique » où « bouchers » et éleveurs « téfankés » marchandent sur le dos du peuple électeur.
A cinq mois de la prochaine élection présidentielle, plus de 150 candidats ont déjà annoncé qu’ils seront dans les startingblocks pour la course vers le Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor. Mais entre l’intention de prendre part à la compétition, les échauffements sur la piste, la détonation du starter, la course elle-même et l’atteinte de la ligne d’arrivée, il y a toute une marge de micmacs financiers et de manœuvres politiques mais aussi de tortuosité et de ruses.
S’agissant de la prochaine présidentielle, s’il est vrai qu’ils sont très nombreux les candidats déclarés, il n’en reste pas moins que la majorité écrasante sont des candidats fantômes, guignols et fantoches. Compte tenu du parcours tortueux des uns et du profil non convaincant des autres, il est permis de subodorer que ces drôles de candidats sont mus par une volonté de chantage, de collecte de fonds et de racket « diplomatique ».
Car la loi sur le parrainage qui devait être un mal nécessaire car contribuant à assainir l’espace politique sénégalais n’a pas apporté grand-chose ! Au contraire, il a favorisé l’apparition de candidats fantômes ou virtuels cherchant à recueillir des parrains citoyens afin de les monnayer au plus offrant. De ce point de vue, la présidentielle 2024 donne l’impression d’une végétation infestée de candidats à l’image d’insectes, mange-mil, criquets et sauterelles qui s’adaptent à la diversité des régimes politiquement alimentaires ou des coalitions de rente viagère. Pour preuve, dès l’annonce du retrait des fiches de collecte des parrainages, les candidats-charançons de saison électorale ont repris du service. Sans doute, ils vont solliciter des audiences nocturnes auprès des membres influents de la taskforce du président sortant Macky Sall ou de son candidat désigné, le Premier ministre Amadou Ba. D’autres feront des voyages de racket chez de nombreux chefs d’Etat voisins, auprès de riches et discrets mécènes politiques, de souverains arabes, de bailleurs internationaux, de grands investisseurs ayant des intérêts au Sénégal ou désireux d’y faire des affaires pour solliciter leurs contributions aux campagnes électorales de ces candidats fantômes. A la clé, de drôles d’ordres de missions du genre : « Monsieur le Président, je suis candidat à la présidentielle de mon pays. Je suis l’espoir de toute une jeunesse dès lors que le potentiel candidat de l’opposition du nom de Ousmane Sonko est recalé. Comme l’attestent ces articles et coupures de journaux à l’appui de ma lettre, ma candidature est prise très au sérieux et risque de créer la surprise. D’ailleurs, si vous consultez la presse sénégalaise en ligne, vous verrez mes interviews et programmes de campagne. Monsieur le Président…
Son Excellence, Majesté face aux sollicitations populaires, je suis obligé de répondre positivement à l’appel de la Patrie et faire don de ma personne à mon pays. Je me vois donc contraint de battre campagne et solliciter les suffrages que les Sénégalais sont prêts à m’accorder pour que je sois candidat…
Hélas, vous n’ignorez pas que, dans nos pays, une campagne électorale demande beaucoup de moyens financiers et logistiques. Pire, dans le but d’écarter de sérieux candidats comme moi, les autorités exigent une caution de 30 millions cfa instaurant de ce fait une sorte de suffrage censitaire. D’où la démarche que j’entreprends auprès de vous… tout en vous assurant que tout geste que vous ferez à mon endroit ne sera pas oublié ! Comme vous le savez, mon pays regorge d’opportunités avec la prochaine exploitation — dès 2024 justement — de ressources pétrolières et gazières et des blocs restent à attribuer. » C’est un exemple de lettre que nos candidats « doorkatu marteau » peuvent bien adresser à d’éventuels bailleurs! Juste pour montrer comment ces sérials-racketteurs procèdent après avoir déclaré leur candidature par des quêtes voilées.
La traite des escrocs électoraux !
Des politologues interpellés estiment que ce désir d’extorsion de fonds justifie le nombre pléthorique de candidats à la prochaine présidentielle. De véritables « frappeurs de marteaux » ! Les plus rusés parmi ces margoulins, une fois assis sur un solide matelas financier, et sachant qu’ils n’ont aucune chance de gagner, voire d’avoir ne serait-ce qu’un pour cent de l’électorat, se désistent la veille du dépôt des candidatures ou alors cherchent par tous les moyens à se faire recaler. D’autres, plus fins, une fois les fonds rassemblés et sécurisés, battent « champagne » pour ne pas dire campagne aux côtés de sérieux candidats avec les rares membres de leur famille. Et à moindre frais ! Les apparences sont sauves vis-à-vis des généreux donateurs et le tour est joué ! Tiens, tiens…d’autres candidats fantômes, après avoir fait mousser leur candidature et rassemblé quelques foules moyennant finances, annoncent subitement, avant ou pendant la campagne, leur désistement au profit d’un candidat ayant des chances de gagner. Contre remboursement des frais déjà engagés lors de la collecte des parrainages !
Un vrai « Louma politique » selon Dr Momar Thiam
D’après Dr Momar Thiam, expert en communication politique et enseignant, « à ce rythme, on va atteindre le chiffre fatidique de 200 candidats déclarés. On a l’impression que cette présidentielle de 2024 est un « louma politique » c’est-à-dire un marché anarchique voire spontané où marchandent bouchers et éleveurs sur le dos des Sénégalais considérés comme de petits ruminants » déplore l’ancien conseiller en communication du Président Abdoulaye Wade avant de s’interroger « Pourquoi un « Louma politique » ? Parce que vous avez des candidats déclarés issus du pouvoir mais aussi des candidats fantômes ou fantaisistes, et des candidats standards qui se déclarent pour la bonne et simple raison qu’ils ont métier, la politique, alors que la politique est une mission, c’est un sacerdoce. Dès lors qu’ils font de la politique un métier, ils cherchent à avoir à travers la politique ce que l’on appelle des ressources additionnelles. Souvent, c’est des personnes qui ont peut-être un métier ou qui sont dans le secteur informel c’est-à-dire dans le business et qui, à travers la politique, vont chercher à s’immiscer dans l’espace public pour pouvoir y retirer des dividendes du genre : être ministre, être député, être directeur général d’une société nationale, ou chargé de mission dans l’espoir de s’enrichir. Ou, dans la plupart des cas, négocier et gagner des marchés. Car, au Sénégal comme partout ailleurs dans les pays africains, la politique est la voie la plus rapide pour faire fortune » explique Dr Momar Thiam. Notre spécialiste en communication politique se dit convaincu que la majorité écrasante des soi-disant candidats n’auront pas le nombre de parrainages requis. «A l’arrivée, ils ne seront que quelque dix candidats sérieux dans les starting-blocks pour la présidentielle 2024. Et donc ce qui va se passer, c’est que ces candidats fantômes, pour ne pas dire candidats de la dernière minute ou opportunistes, vont après monnayer leur présence dans des coalitions comme Benno Bokk Yakaar (Bby) ou celle de l’opposition ayant le plus de chances d’accéder au pouvoir en faisant comprendre qu’ils peuvent leur apporter des électeurs. Vraiment cela ressemble un peu à une supercherie qui n’honore pas la politique. Et si aujourd’hui on veut rendre à la politique ses lettres de noblesse, il doit avoir un système de filtre avec les parrainages. Parce que la caution et le parrainage n’ont pas permis de mettre hors d’état de nuit ces délinquants politiques composés d’hommes d’affaires va nu-pieds » se désole Dr Momar Thiam. Et notre expert en communication de dispenser un cours magistral sur la fonction présidentielle « désacralisée » avec ces drôles de postulants dont la plupart n’ont aucune compétence politique et intellectuelle pour être ne serait-ce que délégués de quartier, à plus forte raison président de la République ou même ministre. Mais quand il s’agit de faire du « door marteau », il y aura toujours de la place pour tout le monde au Sénégal !