PASTEF ATTEND LE GOUVERNEMENT DE PIED FERME
Le parti ne compte nullement se plier à la décision du ministère de l’Intérieur leur interdisant de recevoir des fonds provenant de la diaspora

Les «Patriotes» ne comptent nullement se plier à la décision du ministère de l’Intérieur leur interdisant de recevoir des fonds provenant de la diaspora. Ils disent attendre de pied ferme les autorités qui menacent de dissoudre leur formation au cas où ils refuseraient de se conformer.
Les politiciens débutent bien l’année 2021. Cette fois-ci, le régime de Macky Sall attaque frontalement le plus virulent de ses adversaires, en l’occurrence Ousmane Sonko. La mouvance présidentielle n’a pas supporté que les «Patriotes» lancent une levée de fonds destinée à financer la tournée nationale de leur leader qui incarne aujourd’hui l’opposition radicale sénégalaise. Pour freiner l’élan des «Patriotes», le ministre de l’Intérieur a brandi la loi n°89- 36 du 12 octobre 1989 pour interdire à Pastef de recevoir tout argent provenant de l’étranger. Or, d’aucuns s’accordent à dire qu’Ousmane Sonko a un bon contingent de souteneurs dans la diaspora. Furieux contre cette décision, les partisans d’Ousmane Sonko refusent de se conformer.
Selon l’administrateur de Pastef, rien que le fait de sortir un communiqué tard dans la soirée samedi dernier laisse entrevoir que le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique a agi sur commande. «C’est vraiment regrettable qu’un ministre, magistrat de surcroît, soit incapable de lire une loi. (…) On les attend de pied ferme. S’il faut dissoudre un parti, il faudra commencer par l’Alliance pour la République (APR) », a prévenu Birame Soulèye Diop. Ecœuré par cette sortie d’Antoine Félix Diome, il rappelle que Macky Sall a bénéficié des fonds de la diaspora lors de la campagne présidentielle de 2012 et que cette même diaspora avait contribué pour réunir la caution de Macky Sall lors du dernier scrutin présidentiel. «Pendant tout ce temps, où était Antoine Félix Diome », soutient-il. Il estime ainsi que si on peut accepter que des militants de l’APR de la diaspora donne de l’argent à l’APR, rien ne peut justifier qu’on interdise les trois, quatre voire cinq euros des partisans de Pastef.
Avant d’ajouter qu’aujourd’hui, la diaspora est la 15ème région du Sénégal. «Les Sénégalais de la diaspora ont des députés et ils contribuent à la marche du pays plus même que les bailleurs de fonds », a relevé Birame Soulèye Diop. Un autre partisan d’Ousmane Sonko, en l’occurrence Guy Marius Sagna, a tout simplement rappelé au chef de l’Etat Macky Sall que si le Président Wade avait à l’époque agi de la sorte, il n’aurait jamais battu campagne pour devenir aujourd’hui président de la République. D’autres acteurs politiques comme Thierno Bocoum ont aussi réagi à la décision du gouvernement. «Faudrait-il remplacer l’adage ‘’nul n’est censé ignorer la loi’’ par le concept ‘’le ministre de l’Intérieur vous lira la loi’’ », s’est interrogé le leader du mouvement AGIR. Une manière de s’indigner de cette décision. Selon lui, il n’y a aucun lien de causalité entre les dispositions formulées par le ministère de l’Intérieur et la campagne de levée de fonds organisée par Pastef. Thierno Bocoum pense que les «Patriotes» respectent la loi dans la mesure où ils font appel à leurs adhérents et autres sympathisants.
NDIAGA SYLLA : «IL Y A LIEU DE REVOIR CETTE LOI DES LORS QUE DES SENEGALAIS RESIDENTS A L’EXTERIEUR PARTICIPENT AUX ELECTIONS NATIONALES»
En outre, l’expert électoral Ndiaga Sylla estime de prime abord qu’il est vrai que la dernière modification de la loi n°81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, intervenue en 1989, interdit tout financement provenant de l’étranger en application des dispositions de son article unique qui dispose : «(...)la dissolution intervient également dans le cas où un parti a reçu directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal (...).» Mais force est d’admettre, dit-il, que cette disposition n’est nullement respectée par les formations politiques au Sénégal. Il en va de même de l’obligation du dépôt annuellement des états financiers par chaque parti politique, laisse entrevoir Ndiaga Sylla. Mais il affirme que par-delà la motivation légitime de veiller à la préservation de la souveraineté nationale, il y a lieu de revoir cette disposition dès lors qu’à partir de l’adoption du Code électoral consensuel de 1992, les Sénégalais résidant à l’extérieur participent aux élections nationales. Au surplus, ajoute-t-il, ces compatriotes élisent des députés dédiés à la diaspora en vertu de la loi constitutionnelle issue du référendum de 2016. «En plus, le concept “subsides étrangers“ désigne la source ou le détenteur des fonds », détaille Ndiaga Sylla.
Poursuivant, il relève qu’à ce sujet, l’on pourrait saisir l’esprit énoncé à l’exposé des motifs de la loi qui bannit“ le financement par des subsides reçus de l’étranger” et ne laisse subsister aucune équivoque. «En tout état de cause, la loi, adoptée dans le contexte de l’instauration du multipartisme intégral, reste encore en vigueur bien qu’elle soit devenue désuète. Par conséquent, toute formation politique devrait s’y conformer », a conclu Monsieur Sylla.