LA CONTESTATION APELLE À DE NOUVELLES MANIFESTATIONS
Le Sénégal va au-devant de nouvelles journées à haut risque à partir de lundi. Le M2D, comprenant le Pastef et des organisations contestataires de la société civile a appelé "à descendre massivement dans les rues"

Le Sénégal va au-devant de nouvelles journées à haut risque à partir de lundi, un collectif formé après l'arrestation du principal opposant au pouvoir ayant appelé samedi à de nouvelles manifestations.
Après avoir connu pendant trois jours ses pires troubles depuis des années, le pays habituellement considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest, et sa capitale Dakar, ont connu une relative accalmie samedi, jour de relâche d'ordinaire.
Des actes de saccage et de pillage ont cependant continué à être rapportés, y compris contre des enseignes françaises.
La tension n'est pas retombée pour autant. Le collectif Mouvement de défense de la démocratie (M2D), comprenant le parti de l'opposant arrêté, des partis d'opposition et des organisations contestataires de la société civile a appelé à descendre massivement dans les rues à partir de lundi.
Le même jour, Ousmane Sonko, dont l'arrestation a mis le feu aux poudres mercredi, doit être présenté à un juge. La décision du magistrat de le relâcher ou de l'écrouer s'annonce lourde de conséquences.
Le collectif réclame la libération immédiate de tous les prisonniers politiques illégalement et arbitrairement détenus, le rétablissement du signal suspendu de deux chaînes de télévision accusées d'avoir diffusé en boucle des images des troubles, et une enquête sur ce qu'il appelle un complot du pouvoir.
Une arrestation qui ne passe pas
Le collectif, donnant lecture d'un communiqué dans les locaux du parti de M. Sonko, s'en est durement pris au président Macky Sall, qualifié d'apprenti dictateur. Il a perdu l'autorité morale pour rester président, a dit un des leaders du mouvement, Cheikh Tidiane Dieye. Il s'en est tenu à ces mots quand la presse lui a demandé si le collectif appelait les Sénégalais à réclamer la démission de M. Sall, président depuis 2012.
Le Sénégal est le théâtre depuis mercredi d'affrontements entre jeunes et forces de sécurité, de pillages et de saccages. L'arrestation de M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents pour celle de 2024, a provoqué la colère de ses partisans, mais aussi, disent de nombreux Sénégalais, porté à son comble l'exaspération accumulée par la dégradation, au moins depuis le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, des conditions de vie dans un pays déjà pauvre.
Quatre personnes ont été tuées, disent les autorités, chiffres difficilement vérifiables auprès d'autres sources, étant donné que prolifèrent les informations non vérifiées.
M. Sonko a été arrêté officiellement pour trouble à l'ordre public, alors qu'il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol portées contre lui par une employée d'un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos.
Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président pour l'écarter de la prochaine présidentielle.
Les manifestants croient au complot. Ils expriment individuellement l'usure des épreuves quotidiennes et la lassitude vis-à-vis du pouvoir. Un certain nombre montrent la France du doigt, premier partenaire commercial vu comme l'un des principaux soutiens étrangers de M. Sall.
Le gouvernement maintient le cap
Le Mouvement de défense de la démocratie a désigné les parrains étrangers à qui Macky Sall s'emploierait à faire plaisir.
Le président élu sur la promesse de mettre son pays sur la voie de l'émergence a démenti fin février avoir quoi que ce soit à voir avec les ennuis judiciaires de M. Sonko. Il a depuis gardé le silence, mais la pression augmente pour qu'il prenne la parole.
Samedi, c'est son ministre de l'Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, qui a tenu un langage vigoureux. Il a appelé au calme et fait miroiter la perspective d'un allègement du couvre-feu instauré contre la pandémie et qui pèse sur l'activité d'un grand nombre. Mais il a aussi dit que l'État emploierait tous les moyens nécessaires pour rétablir l'ordre.
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO) a appelé toutes les parties à la retenue et au calme. L'Union africaine a exprimé sa préoccupation et son attachement à une solution par la voie pacifique, le dialogue et dans le strict respect de l'ordre.