LA JUSTICE LÈVE LE VOILE SUR L'ENRICHISSEMENT ILLICITE
Moussa Diaw propose une lecture systémique des arrestations en cascade, y voyant "l'effondrement d'un système qui associait la famille et les copains de dirigeants politiques à la gestion financière, au fonctionnement de l'État et à leurs dérives"

(SenePlus) - Dans une analyse publiée lundi 7 octobre par le journaliste Abbas Asamaan dans les colonnes du quotidien français Le Monde, le politologue sénégalais Moussa Diaw livre une lecture systémique des vagues d'arrestations qui secouent depuis plusieurs semaines l'entourage de l'ancien président Macky Sall. Loin de n'y voir qu'une simple chasse aux sorcières comme le dénoncent les opposants, l'universitaire estime qu'il s'agit de la mise à nu d'un modèle de gouvernance devenu insoutenable.
"On assiste à l'effondrement d'un système qui associait la famille et les copains de dirigeants politiques à la gestion financière, au fonctionnement de l'État et à leurs dérives", analyse Moussa Diaw dans les colonnes du Monde. Cette formule résume à elle seule la thèse du politologue : ce ne sont pas de simples cas isolés de corruption qui sont mis au jour, mais bien les rouages d'une machine organisée où pouvoir politique et enrichissement personnel s'imbriquaient de manière structurelle.
Selon l'universitaire, "la justice sénégalaise lève peu à peu le voile sur ces opérations d'enrichissement illicite, et ce n'est que le début". Une affirmation qui suggère que les récentes interpellations – celle du fils de l'ancien Premier ministre Amadou Ba le 19 septembre, du chanteur Wally Seck le 25 septembre pour la vente d'une Rolls-Royce à Amadou Sall, ou encore de la famille du patron de presse Madiambal Diagne le 29 septembre – ne constituent que la partie émergée de l'iceberg.
Cette lecture trouve un écho contradictoire chez d'autres observateurs. William Bourdon, avocat français de Madiambal Diagne cité par Le Monde, dénonce une dérive autoritaire : "Les autorités sénégalaises ont franchi un seuil en s'en prenant aux familles. S'attaquer aux proches dévoie la procédure sur le chemin de la persécution politique."
Un ancien ministre anonyme, lui aussi cité dans l'article, va plus loin dans la critique : "Faute de résultats judiciaires, ils ont lancé une chasse aux sorcières. Ce pouvoir ne recule devant rien, ils lancent des représailles tous azimuts, y compris contre les parents et les enfants des anciens cadres dirigeants."
Les faits rapportés par Abbas Asamaan dans son article du Monde semblent donner du crédit à cette thèse. Le parquet financier évoque ainsi, concernant Amadou Sall, un "système financier complexe et structuré (...) avec des mouvements de fonds massifs et suspects" à travers une myriade de sociétés au Sénégal et en Côte d'Ivoire. Le fils de l'ancien président est présenté comme le "centre d'un dispositif", suggérant effectivement une organisation systématique plutôt que des actes isolés.
Le gouvernement d'Ousmane Sonko, élu sur une promesse de rupture avec les pratiques de l'ancien régime, se trouve désormais sous pression pour accélérer les enquêtes judiciaires, notamment sur les violences ayant fait des dizaines de morts entre 2021 et 2024 et sur la gestion des finances publiques sous Macky Sall.