L'AMBITIEUX BARTHÉLÉMY DIAS CREUSE SON SILLON
Le nouveau maire de Dakar incarne une génération de responsables politiques qui séduisent une partie de la jeunesse, excédée par l’usure des partis traditionnels et l’absence de perspectives dans le pays

Dans la salle des délibérations de l’hôtel de ville de Dakar, sous le lustre et les moulures, le préfet glisse l’écharpe aux couleurs du Sénégal autour de la taille de Barthélémy Dias, jeudi 17 février. Le moment n’est pas seulement solennel pour celui qui a remporté il y a trois semaines les élections locales dans la capitale sénégalaise. Il est aussi une belle revanche pour l’un des principaux opposants au président Macky Sall.
A 46 ans, Barthélémy Dias incarne une nouvelle génération politique qui a su mobiliser une jeunesse excédée par l’absence de perspectives et par l’usure des partis traditionnels. Khalifa Sall, très populaire ancien maire de Dakar, mais aussi Ousmane Sonko, nouveau maire de Ziguinchor et arrivé en troisième position à la présidentielle de 2019, en sont d’autres visages. Barthélémy Dias ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Ses premiers mots de maire sont pour celui qu’il décrit comme son mentor. « J’envisage de proposer au conseil municipal de conférer à M. Khalifa Ababacar Sall le statut de maire honoraire de la ville de Dakar », a-t-il déclaré sous les applaudissements de l’audience venue en masse.
Fils de fonctionnaires, il se définit lui-même comme un « pur produit du socialisme ». Son père, Jean-Paul Dias, a été conseiller technique à la présidence sous Léopold Sédar Senghor, ministre sous les régimes d’Abdou Diouf et d’Abdoulaye Wade, et aujourd’hui envoyé spécial du président Macky Sall. « Son père lui a transmis sa fibre politique et militante », observe Cheikh Khoureychi Ba, avocat et proche du chef de famille.
Sa carrière politique a démarré en 2000 en battant campagne pour l’ancien président Abdou Diouf depuis les Etats-Unis, où il avait déménagé dix ans plus tôt pour faire ses études. Les socialistes perdent l’élection mais il poursuit son engagement pour combattre le nouveau président, Abdoulaye Wade, du Parti démocratique sénégalais (PDS). Il rentre au pays en 2004. « Je suis revenu avec un esprit conquérant, combattant et persévérant », assure celui que la presse qualifie souvent d’« enfant terrible », « bouillonnant », « va-t-en guerre ».
Image tenace de cow-boy
Entré au Parti socialiste l’année suivante, il y gravit petit à petit les échelons jusqu’à devenir le secrétaire général du mouvement de la jeunesse. En 2009, âgé de 33 ans, il est élu maire de la commune dakaroise Mermoz-Sacré-Cœur. « A l’époque, le Parti socialiste, au pouvoir depuis l’indépendance, n’avait pas l’expérience de l’opposition. Barthélémy Dias a émergé en résistant au régime libéral d’Abdoulaye Wade », analyse Maurice Soudieck Dione, professeur agrégé de science politique à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis. « Il a montré que les jeunes peuvent mener le combat dans la rue », ajoute l’universitaire.
Le mot « combat » n’est pas usurpé. En décembre 2011, il est filmé devant sa mairie, un pistolet dans chaque main, blouson de cuir et larges lunettes de soleil sur le nez, tirant sur ceux qu’il accuse d’être des nervis du PDS, le parti d’Abdoulaye Wade, alors au pouvoir. L’un d’eux est tué par balle. « Ce jour-là, j’ai sauvé ma vie alors que le pouvoir voulait me liquider », se défend-il encore aujourd’hui. L’altercation se produit dans un contexte politique tendu : Abdoulaye Wade veut se présenter à un troisième mandat. La rue s’y oppose, en vain. Il sera finalement battu dans les urnes par Macky Sall.