L’ASSEMBLEE EST ALLEE BEAUCOUP TROP LOIN
A en croire le député, « pour des choses aussi sérieuses que la mise en place d’un comité ad hoc ayant pour objet la levée de l’immunité parlementaire d’un député, il n’y a pas besoin de se précipiter»

La commission ad hoc mise en place le 15 février s’est réunie hier pour statuer sur la levée de l’immunité parlementaire du leader du Pastef accusé de viols présumés et de menaces de mort. Choisi pour représenter les non-alignés dans cette commission, Cheikh Bamba Dièye juge que l’Assemblée est allée beaucoup trop vite dans cette affaire et qu’il ne fera pas partie de ceux qui vont livrer Ousmane Sonko à Macky Sall.
«Si tout juge à travers une seule lettre peut faire lever l’immunité parlementaire d’un député, autant aller dans la Constitution et effacer l’immunité parlementaire, parce qu’elle ne nous sert plus à rien.» Ces propos ont été tenus par Cheikh Bamba Dièye qui a quitté hier la plénière sans attendre les résultats de la commission ad hoc. De l’avis du député des non-inscrits, «l’Assemblée est allée beaucoup trop vite et beaucoup trop loin» dans cette affaire. D’autant qu’elle a décidé sur la base d’une simple lettre envoyée par le ministre de la Justice relayant la volonté du juge d’instruction de lever l’immunité parlementaire d’une personne X. En plus de la violation de son règlement intérieur, notamment l’article 75 qui fait prévaloir des motions préjudiciables jusqu’à la clôture des débats. A en croire le député, « pour des choses aussi sérieuses que la mise en place d’un comité ad hoc ayant pour objet la levée de l’immunité parlementaire d’un député, il n’y a pas besoin de se précipiter». Parce qu’il y va de l’honorabilité, de la dignité et de l’avenir de cet acteur politique, a-t-il martelé. «On doit être patient, nous donner toutes les libertés pour qu’à la fin, ce qui sortira de l’Assemblée nationale ne puisse être frappé d’aucune forme de contorsion ou de violation du règlement intérieur et des règles de droits que nous avons», a fait savoir le leader du FSD/BJ. Il rappelle que si le but est simplement de faire la lumière sur cette affaire-là, il faudrait que les défenseurs du député incriminé, ainsi que ceux qui sont dans la possibilité de lever son immunité parlementaire aient de la patience. Quitte même parfois à aller au-delà des accusations, «parce qu’il s’agit de l’avenir de quelqu’un sur qui pèse la volonté de centaines de milliers de sénégalais, nonobstant le fait qu’on entre dans le fond du dossier», estime l’édile de Saint-Louis.
Ainsi, il demande à ses collègues d’être extrêmement pointilleux pour la démarche et les attitudes à adopter, sinon « elle ne ferait que conforter la thèse du complot et donner aux uns et aux autres les raisons de douter sérieusement de la volonté de mettre la lumière ». Car, poursuit-il, il est inacceptable que «les institutions qui doivent s’orienter les uns par rapport aux autres puissent dénaturer profondément les positions de l’Assemblée nationale et être simplement une pièce de résonance aussi bien de l’Exécutif que de la volonté d’un juge d’instruction».
Pour Cheikh Bamba Dièye, il est question d’un député qui a été couvert par l’immunité parlementaire, laquelle parle d’inviolabilité. De ce point de vue, le parlementaire affirme que l’immunité a d’abord pour objectif de protéger le député contre l’Exécutif et ensuite contre le pouvoir judiciaire. Or dans ce cas précis, révèle le député des non-inscrits, le juge d’instruction n’a même pas pris le temps d’entendre la plaignante, encore moins les témoins, « mais s’est simplement contenté d’un procès verbal sur la base de rapport avec son procureur sur lequel on parle d’un X à déterminer alors que la dame Ndèye Khady Diagne a été nommément identifiée avec pour motif de la poursuivre pour proxénétisme etc.».
Jugeant que l’Assemblée nationale doit «laisser le juge faire son boulot et ne pas dire à sa place qu’Ousmane Sonko est coupable», Cheikh Bamba Dièye soutient qu’il n’est pas sérieux d’aller chercher sur les 165 députés qui constituent l’Assemblée un certain X. D’autant que, dit-il : « nous sommes là pour veiller à la régularité de la démarche et dès l’instant qu’il y a une once de doute sur cette affaire-là, nous devons nous opposer à la levée de l’immunité parlementaire».
De l’avis du président du FDB/BJ, avant même que la procédure de levée de l’immunité parlementaire ne soit terminée, le préjudice sur Ousmane Sonko est irrémédiable. Parce qu’il ne fait aucun doute qu’Ousmane Sonko est un adversaire irréductible de Macky Sall, et que « si on enlève son immunité et qu’on le laisse entre les mains du procureur sous la direction du ministre de la justice, son sort est déjà tout tracé», conclut le parlementaire.