LE DERNIER COUP DE POKER D'IDRISSA SECK
Silencieux depuis sa défaite à la présidentielle de 2019, l’opposant a fini par rallier Macky Sall, son éternel rival. Une stratégie qui pourrait lui coûter cher… ou lui rapporter gros

« Enfin, les masques sont tombés ! » Dans les rangs de l’ancienne coalition d’Idrissa Seck, il souffle comme un air de soulagement à présent que c’est officiel : le patron du parti Rewmi a rejoint la majorité présidentielle. Après avoir affronté Macky Sall dans les urnes en février 2019, fort du soutien d’une grande partie de l’opposition derrière sa bannière « Idy 2019 », et finalement défait pour la troisième fois consécutive et dès le premier tour, le voilà qui rejoint le camp de son adversaire. Par la grande porte.
Le 1er novembre, Idrissa Seck, 61 ans, a remplacé l’ancienne Première ministre Aminata Touré à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Dix jours plus tard, il a choisi la Journée nationale des forces armées pour rendre public son nouveau compagnonnage.
Seck redevient donc l’allié de Macky Sall au terme d’un long parcours. Il a en effet été tour à tour : son supérieur au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS), où ils militaient ensemble aux côtés d’Abdoulaye Wade ; son frère blessé, lorsque Macky Sall lui a succédé à la primature en 2004 ; son soutien au second tour de la présidentielle de 2012 et son adversaire à celle de 2019.
Comme beaucoup s’y s’attendaient, Rewmi s’est rallié à la majorité présidentielle. À la faveur du remaniement du 1er novembre, deux de ses cadres sont devenus ministres : Aly Saleh Diop (Élevage) et Yankhoba Diattara (Économie numérique).
Il n’empêche : la nomination d’Idrissa Seck au Cese a fait l’effet d’une douche froide chez certains de ses alliés d’hier, qui ne s’imaginaient pas qu’il irait en personne rejoindre la majorité. N’avait-il pas juré ne jamais accepter un poste offert par Macky Sall ? Et quel poste ! Il est désormais à la tête d’une institution qui pèse plus de 7 milliards de francs CFA et que, comble de l’ironie, il disait vouloir supprimer dans son dernier programme de campagne.
« Idy » et ses contradictions
« Idy » n’est pourtant pas à une contradiction ou à un revirement près. « Qu’il ait placé deux ministres au gouvernement, c’est une chose. Mais qu’il ait accepté un tel poste, pour quelqu’un qui voulait être président… » lâche, un brin amer, l’un de ses anciens camarades. « Dans la perspective de 2024, il a tout intérêt à faire partie de ceux qui gouvernent. Mais il joue gros, s’il espère être adoubé pour la prochaine présidentielle. »
Idrissa Seck, dauphin de Macky Sall en 2024 ? L’idée reste très hypothétique. « Ce qui importe, ce sont les compétences. Seck a l’expérience de l’État », rétorque El Hadj Hamidou Kassé, conseiller du président, qui dit avoir « bon espoir que ce compagnonnage soit stratégique et durable ».
De l’avis de plusieurs observateurs, Macky Sall lorgne surtout le pays mouride, qui lui résiste obstinément et qui lui préfère Idrissa Seck. En 2019, le « candidat talibé » avait en effet obtenu d’excellents scores dans la région de Diourbel. Car Touba n’a jamais pardonné à Macky Sall certains actes jugés hostiles à la communauté mouride, dont la ville sainte est le berceau. Pourrait-elle être apprivoisée ?