UN DISCOURS PRÉSIDENTIEL PRIVILÉGIANT L’ÉCONOMIE EN DÉPIT DE LA MENACE SANITAIRE
Interrogé par « L’As » sur ces nouvelles mesures présidentielles, l’enseignant-Chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et analyste politique, Moussa Diaw, décortique le message du chef de l’état

C’est l’une des annonces fortes du message à la nation du Chef de l’état, hier. En effet, trois mois après l’instauration de l’état d’urgence et du couvre-feu pour faire face à la propagation de la pandémie de Covid-19 sur le territoire national, le président Macky sall a décidé de lever ces mesures pour relancer l’activité économique. Interrogé par « L’As » sur ces nouvelles mesures présidentielles, l’enseignant-Chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et analyste politique, Moussa Diaw, estime que la levée de ces mesures censées protégées les populations prouve, en ce moment, que les inquiétudes du Chef de l’état ne se trouvent plus au niveau sanitaire et social. Pour lui donc, prioritairement, c’est la relance économique.
Après un léger assouplissement des conditions de l’état d’urgence en mai dernier avec une réduction des horaires du couvre-feu, cette fois-ci, le président de la République a décidé pour de bon d’en finir avec l’état d’urgence.
En effet, Macky Sall a décidé de lever l’état d’urgence et le couvre-feu à partir d’aujourd’hui. Ce, dit-il, en tenant compte de la double nécessité vitale de lutter contre la maladie et de reprendre les activités productives. Mais, précise d’emblée l’analyste politique Moussa Diaw, la levée de l’Etat d’urgence et du couvre-feu, en ce moment où les cas de malades de la Covid-19 augmentent avec un nombre élevé de décès, brouille la compréhension des Sénégalais par rapport à la stratégie de lutte du gouvernement.
A son avis, le Président Sall a tout simplement privilégié la dimension économique, c’est-à-dire sauver l’économie malgré la menace sanitaire. Mieux, selon l’enseignant-chercheur à l’UGB, on a l’impression que ce sont les facteurs économiques qui dictent leurs lois au président de la République à savoir la croissance économique et autre. « Cette levée de l’état d’urgence et du couvre-feu prouve que les inquiétudes ne se trouvent plus au niveau sanitaire et social mais prioritairement à l’économie.
C’est la relance économique qui a pris le dessus sur les problèmes sanitaires et sociaux à savoir la courbe évolutive de la pandémie avec l’augmentation du nombre de décès », commente-t-il. Pour lui, avec l’augmentation du nombre de cas de personnes infectées à la Covid-19 et celui du nombre de décès, Macky Sall aurait dû mettre plus l’accent sur les questions sanitaires et sociales que de privilégier la dimension économique.
En outre, l’analyste politique se demande même si le Sénégal pourrait éviter la récession. D’autant que, note-t-il, même les pays développés sont aussi confrontés à cette réalité. « Il y a eu une récession au niveau des grandes puissances et je ne pense pas que les pays en développement comme le nôtre puissent échapper à cette récession, d’autant que leurs économies sont fragiles et très dépendantes de l’extérieur. On ne peut éviter la récession », fait-il savoir. D’ailleurs, dit-il, que tout le monde sache que nous sommes dans cette phase. Il faudra peut-être prendre des mesures pour éviter la propagation de la maladie et en même temps faire de sorte que l’économie puisse se tenir. Car, ajoute-t-il, il s’agit d’une situation mondiale et c’est incontournable.
LE PARADOXE D’UNE DECISION ET SES CONSEQUENCE
La levée de l’état d’urgence et du couvre-feu est juste paradoxale. Toujours, si l’on se fie à Moussa Diaw, cette décision est intervenue au moment où la population a des inquiétudes par rapport à la propagation de la pandémie, notamment au niveau communautaire. D’ailleurs, dit l’enseignant-chercheur, à un moment donné, on se demandait s’il n’y aurait pas un retour au confinement parce que ça devient inquiétant compte tenu de l’évolution de la Covid-19 et du nombre de décès par jour. Et, note-t-il, sur le plan stratégique, il y a un relâchement. « Ces nouvelles mesures posent problème. Elles risquent de nourrir les inquiétudes des populations par rapport à la maladie. En termes de communication, les populations vont se dire : comme on a levé les barrières qui devaient contribuer à faire face à la maladie, il n’y a plus de maladie », soutient Moussa Diaw.
A ce propos, conclut-il, alors que la maladie connaît toujours une évolution, plutôt que de tenir un discours qui va mobiliser les populations à plus de vigilance par rapport à la pandémie, nous avons eu droit à un discours relâchant.
Par ailleurs, l’enseignant-chercheur invite l’opposition à jouer pleinement son rôle. Parce que, poursuit-il, il y a urgence de repenser les politiques économiques, sociales et surtout il y a urgence de mettre l’accent sur le développement du système sanitaire.