LE SÉNÉGAL BUNKERISE SES FRONTIÈRES SUD-EST
"Le péril le plus subversif pour l’État sénégalais, c’est le grand nombre de djihadistes de multiples nationalités sur le sol du Mali. D’un point de vue prospectif, le chaos malien enverra des islamistes venus de Tchétchénie jusqu’aux abords de Bakel"

En réponse aux conséquences potentielles de la crise sécuritaire malienne, le Sénégal n’en finit pas de se barricader à l’aide d’infrastructures militaires, construites dans le cadre du programme GARSI financé par l’Union européenne.
La médiation –entreprise ce 23 juillet à Bamako par cinq chefs d’État (Nigeria, Côte d’Ivoire, Ghana, Niger et Sénégal) de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) auprès des protagonistes de la crise politique et sécuritaire qui frappe le Mali– porte en elle une autre question: le devenir de la zone frontalière entre le Sénégal et le Mali.
Celle-ci est l’objet d’une surveillance accrue de l’armée sénégalaise, encadrée par des experts militaires de l’Union européenne.
Entre mille feux de contagion djihadistes et autres menaces criminelles, le Sénégal blinde petit à petit sa frontière terrestre avec son voisin malien, longue de 480 kilomètres, au-delà de laquelle se dresse Kayes, une des régions du Nord-Mali où règne l’insécurité «criminelle» et djihadiste. À cet effet, la zone sud-est est devenue un véritable chantier de construction d’infrastructures militaires qui obéissent «à une vision stratégique et opérationnelle»: annihiler et/ou contenir les infiltrations de type criminel susceptibles de déstabiliser cette partie du pays.
«Les attaques des organisations extrémistes violentes, le trafic de drogue et d’êtres humains, la criminalité transfrontalière […] constituent des cercles de feu imbriqués qui menacent au quotidien le Sénégal», a déclaré Sidiki Kaba, le ministre sénégalais de la Défense, lors de la pose de la première pierre du camp militaire de Goudiry le 14 juillet dernier.
Me Sidiki Kaba, ministre sénégalais de la Défense, pose la première pierre du camp militaire de Goudiry.
Après avoir dit «niet» au G5-Sahel, le Sénégal n’a pas tardé à intégrer le Groupe d’action rapide – Surveillance et intervention au Sahel. Le GARSI est un projet multinational de l’Union européenne (UE) dont l’antenne sénégalaise est composée de 150 gendarmes sous coordination militaire française.
C’est sur son budget de 4,2 milliards de francs CFA (6,4 millions d’euros) que sera érigé le camp de Goudiry. Depuis octobre 2019, une caserne fonctionnelle a vu le jour à Kidira.
«Le péril le plus subversif pour l’État sénégalais, c’est le grand nombre de djihadistes de multiples nationalités sur le sol du Mali. D’un point de vue prospectif, le chaos malien enverra des islamistes venus de Tchétchénie jusqu’aux abords de Bakel [en territoire sénégalais]. Voilà qui donne un sens stratégique à l’implantation d’un camp militaire à Bakel», écrit le politologue sénégalais Babacar Justin Ndiaye dans une note reprise sur plusieurs sites d’information.