«LES GENS PEINENT A AVOIR LA DEPENSE QUOTIDIENNE DANS CE PAYS»
Se disant un des jeunes membres fondateurs du parti, au pouvoir l’APR, Lass Badiane, conseiller municipal à la commune de Grand Yoff, est connu pour son franc-parler qui le fait sortir du lot des politiciens adeptes de la langue de bois.

Se disant un des jeunes membres fondateurs du parti, au pouvoir l’APR, Lass Badiane, conseiller municipal à la commune de Grand Yoff, est connu pour son franc-parler qui le fait sortir du lot des politiciens adeptes de la langue de bois. Dans cet entretien accordé au Témoin, ce jeune entrepreneur aborde les sujets brûlants de l’actualité notamment le tollé suscité par les rapports de la Cour des comptes ainsi que le rapatriement des Sénégalais coincés en Chine par le coronavirus. Sur la problématique du chômage, il dit avoir pu mesurer les difficultés que rencontrent les jeunes pour trouver de l’emploi.
Le TEMOIN : L’actualité reste dominée par le tollé suite à la publication de trois rapports de la Cour des comptes dans lesquels plusieurs pontes du pouvoir son épinglés pour des pratiques de gabegie dans la gestion des deniers publics. Quelle lecture faites-vous de ces scandales ?
Lass BADIANE - C’est vrai que nous avons tous noté, à travers ces rapports, des manquements dans la gestion des ressources publiques. Cependant, il faut aussi admettre que le président de la République, dans sa volonté d’instaurer la bonne gouvernance, a restructuré ce corps de contrôle en y ajoutant des chambres comme celle qui s’occupe de la discipline financière et une autre chargée de vérifier la gestion des collectivités territoriales. Dans la même logique, il a réactivé aussi la CREI (Cour de répression de l’enrichissement illicite), la CENTIF (Cellule nationale de traitement de l’information financière) ainsi que l’Armp (Agence de régulation des marchés publics) qui sont toutes des organes qui jouent pleinement leur rôle dans le cadre de l’assainissement de la gestion des finances publiques. Cela dit, en ce qui concerne les rapports publiés par la Cour des comptes, il est important de savoir que la plupart des manquements signalés sont des fautes d’ordre administratif. C’est pourquoi il faut faire très attention à certaines informations véhiculées par des opposants.
Pourtant sur votre page Facebook, vous avez souligné que le président de la République, dans sa volonté d’instaurer la bonne gouvernance, va saisir la justice pour éventuellement sanctionner tous les gens épinglés par ce rapport. Et paradoxalement, aujourd’hui on parle de la mise en place d’une commission qui va se pencher sur les dits rapports. Est-ce cohérent avec les règles dans un Etat de droit où il revient à la justice d’établir la culpabilité où l’innocence de tout citoyen ?
C’est vrai. Les directeurs de sociétés publiques où parapubliques à qui le chef de l’Etat a donné des responsabilités ont le devoir de gérer les deniers publics de manière saine. Parce que le président de la République ne peut pas prôner une gouvernance sobre et vertueuse et que l’impunité demeure dans le pays. Il y va de la confiance que les Sénégalais accordent au président Macky Sall mais aussi de l’avenir du pays. Par ailleurs, la plupart des Sénégalais pensent que tant que la justice pénale ne se saisit pas d’un dossier, il n’y aura pas de sanctions. Ce qui n’est pas le cas dans la mesure où il y a d’autres sanctions administratives qui peuvent être infligées à des dirigeants fautifs dans l’exercice de leurs fonctions. Donc la mise en place d’une commission peut être aussi une alternative pour se pencher sur les rapports produits par les organes de contrôle. D’autant plus que la Cour des comptes formule des recommandations mais ne propose pas des sanctions. Et sur la base de ces recommandations, des enquêtes sont faites qui ne vont pas forcément prouver que tel ou tel directeur est un délinquant financier.
Dans le domaine sanitaire, la polémique relative au rapatriement de nos compatriotes établis à Wuhan, l’épicentre du coronavirus, fait rage. Le président Macky Sall a clamé l’impuissance de l’Etat à pouvoir rapatrier les étudiants sénégalais se trouvant dans cette ville. Un tel aveu est glaçant non ?
Le président de la République n’a pas dit que l’Etat est impuissant face à cette situation. Il n’a fait qu’agir de manière responsable en disant la vérité aux Sénégalais. Quand le président dit que nous n’avons pas les moyens, il ne fait pas allusion aux moyens financiers. Car cet aspect seul ne règle pas le problème. Pour preuve, la Chine avec tous ses moyens financiers, et bien qu’elle a pu construire un hôpital en dix jours seulement, n’arrive toujours pas à freiner cette épidémie de coronavirus. Donc le problème est très complexe. Et nos concitoyens qui sont là-bas, personne ne sait s’ils sont contaminés ou pas. D’ailleurs, le chef de l’Etat Macky Sall a fait savoir qu’ils font l’objet d’une attention particulière de la part des autorités sénégalaises. Il y a la carte de la diplomatie qui est en train d’être jouée pour trouver une solution. Et vous savez que les questions diplomatiques ne riment pas avec le tintamarre.
Lass ! Récemment dans une missive ouverte intitulée ‘Deuk bi mettina’, vous faisiez état de la persistance du chômage pour alerter le président Macky Sall sur la morosité du climat socioéconomique dans le pays. Est-ce à dire que vous-même reconnaissez que le chef de l’Etat n’a pas tenu ses promesses de création d’emplois?
Vous savez, moi, je suis un républicain dans l’âme. Je fais partie des jeunes membres fondateurs de l’APR. Et quand je vois qu’il y a des personnes qu’il a responsabilisées et qui, malgré sa volonté de faire bouger les lignes, sont incapables de traduire sa vision en pratique, je les dénonce. Quand ça marche, j’applaudis des deux mains mais quand ca ne marche pas, j’use de ma plume ou de ma voix pour dire tout haut ce que les populations ressentent. Parce qu’il faut le rappeler, le président Macky Sall a été élu et réélu sur la base d’un programme dans lequel la question de l’emploi des jeunes occupe une place déterminante. Or, moi, je vis dans la banlieue et je me déplace souvent à l’intérieur du pays dans le cadre de mes activités professionnelles. De là, j’ai pu mesurer les difficultés que rencontrent les jeunes pour trouver de l’emploi. Les gens peinent à avoir la dépense quotidienne. Par conséquent, étant une voix autorisée dans le parti au pouvoir, quand je vois des choses qui ne marchent pas j’alerte afin que des mesures idoines puissent être prises afin de redresser ce qui ne va pas.
D’aucuns estiment que, par cette posture, vous jouez dans le chantage pour vous faire remarquer afin d’être servi en contrepartie. Dites-nous d’où vient ce regard critique que vous portez sur la gestion des affaires du pays ?
Ceux qui me connaissent bien savent que je crois à la vision du président Macky Sall. Je l’accompagne depuis 2008 et je n’ai jamais cherché à bénéficier d’aucun poste de nomination. D’ailleurs, la dernière fois que j’ai rencontré le président, je lui ai dit que je le soutiens sans condition. Je ne fais pas partie d’un groupe ou d’un lobby. Je ne connais la maison d’aucun responsable ni d’un ministre. Donc, ce que les gens disent ne m’ébranle pas.