L’ÉTAT DU SENEGAL DANS LE... MACKY DU NON-DROIT
Le refus inexplicable et illégal de la DGE de se conformer à une décision de justice constitue une tache indélébile sur la crédibilité de l’Etat de droit

Un illustre penseur, l’académicien Alain Peyrefitte en l’occurrence, disait que quand une autorité est lointaine, inexplicable et qu’elle se dérobe au dialogue, elle laisse la place à une autre attitude. Et le refus inexplicable et illégal de la Direction générale des élections (DGE) de se conformer à une décision de justice en recevant aux heures normales de service mais surtout de donner au mandataire du chef de file de l’opposition ses fiches de parrainage, comme ce dernier y a droit, constitue une tache indélébile sur la crédibilité de l’Etat de droit. Des taches qui s’amoncellent sous le magistère du président Macky Sall, dont la dernière adresse publique à la Nation portait justement sur sa ferme volonté de faire respecter les décisions de justice ! Mais, à l’analyse, le régime du président Macky Sall, dont le dernier gouvernement contient pourtant au moins cinq juristes, ne respecte que les décisions de justice qui lui sont favorables. Pour ce qui est des rarissimes autres décisions qui lui sont défavorables, elles n’ont qu’une seule destination : la poubelle !
Entrave à l’exécution d’une décision de justice
Après leur éclatante victoire obtenue la semaine dernière devant le tribunal d’instance de Ziguinchor relativement à l’annulation de la radiation de l’homme politique Ousmane Sonko des listes électorales, les avocats du chef de file de l’opposition, munis de l’ordonnance N° 01/2023 du 12 octobre 2023 du juge Sabassy Faye et accompagnés pour la circonstance d’un huissier de justice, Me Weindé Dieng en l’occurrence, pour la signification de ladite ordonnance, et aussi du mandataire de leur client, le député Ayib Daffé, se sont rendus hier à la Direction générale des élections (DGE) pour prendre possession des fameuses fiches de parrainage auxquelles tous les candidats à la présidentielle ont légitimement droit. Surprise ! Les conseils de l’opposant sénégalais le mieux placé pour remporter le prochain scrutin présidentiel prévu le 25 février prochain, sont éconduits et empêchés d’accéder aux locaux de la DGE. “Le Directeur Général des Élections a pris prétexte qu’il ne pouvait les recevoir aujourd’hui, sans aucun motif et les a fait éconduire tous les deux, aux heures de service, se rendant ainsi auteur d’une entrave à l’exécution d’une décision de justice, à l’exercice de la fonction d’huissier de justice et d’une voie de fait”, ont constaté la mort dans l’âme, dans un communiqué rendu public, les conseils de l’opposant embastillé.
Et de poursuivre : “Or, l’article L 47 alinéa 4 du Code électoral prévoit que les décisions de justice rendues et transmises à l’autorité compétente ou au service de gestion du fichier électoral, seront immédiatement prises en compte et traitées dans le sens prescrit, nonobstant la clôture de la période de révision et du traitement des mouvements».
L’Etat du Sénégal coutumier des faits
Cette posture de la Direction générale des élections qui foule au pied l’Etat de droit n’est cependant pas un fait isolé sous le magistère du président Macky Sall. Déjà, au lendemain de la décision du juge Sabassy Faye, président du tribunal d’instance de Ziguinchor, l’Agent judiciaire de l’Etat s’était tristementsignalé par un communiqué danslequel il indiquait sa volonté de ne point se conformer à cette décision de justice ! Une justice pourtant rendue au nom du peuple sénégalais et pour le peuple et qui, pour une fois, a été unanimement saluée un peu partout. Si on remonte plus loin, on se rappelle aussi des décisions prises par la Cour de justice de la CEDEAO et que l’Etat du Sénégal, pourtant membre de l’organisation communautaire et signataire de ses conventions, a refusé d’exécuter. En 2013, le 22 février de cette année-là plus exactement, la CEDEAO avait invalidé l’interdiction de sortie signifiée à certains pontes de l’ancien régime libéral pour “défaut de base légale”.
Étaient concernés par cette interdiction, le fils du président Abdoulaye Wade et ministre d’alors du Ciel et de la Terre, Karim Wade, Me Madické Niang, ancien ministre des Mines puis de la Justice et aussi des Affaires étrangères, Ousmane Ngom ancien ministre de l’Intérieur, Oumar Sarr, Samuel Sarr et Tahibou Ndiaye ancien directeur du Cadastre entre autres. Pour jeter cette décision à la poubelle, le régime du président Macky Sall avait estimé que cette Cour n’est pas compétente pour connaître de cette affaire et ne peut lui donner des injonctions. Également, en 2015, le Comité des droits de l’homme de l’ONU exigeait le réexamen de la déclaration de culpabilité et de condamnation de Karim Wade conformément aux dispositions de l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Sénégal, dans ce cas aussi, s’était fendu d’un communiqué dans lequel il soutenait qu’aucun organe international ne peut annuler un arrêt de la CREI…qui est pourtant une juridiction d’exception ! Il en est ainsi de l’affaire Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, dont la Cour de justice de la CEDEAO a qualifié le 28 juin 2018 la détention d’arbitraire en ce sens que ses droits, notamment à bénéficier de l’assistance d’un conseil, à la présomption d’innocence et à un procès équitable ont été allègrement violés tout au long de la procédure depuis son incarcération le 07 mars 2017 dans le cadre de l’affaire de la caisse d’avance. L’Etat du Sénégal avait été condamné à payer 35 millions de francs CFA à Sall et à ses co-prévenus pour les préjudices subis. L’ordonnance de la juridiction communautaire n’a jamais été respectée. Et la liste des refus par l’Etat du Sénégal sous le magistère du président Macky Sall d’exécuter des décisions de justice est loin d’être exhaustive.
En définitive, la conclusion est dans le post viral sur les réseaux sociaux d’un ténor du barreau de Dakar et membre du pool des avocats de l’opposant le plus persécuté du continent africain, Ousmane Sonko. « Nul n’ose, nul ne doit, nul ne peut être aussi nul. Nul avant, nul pendant, nul après. Nul à gauche, nul à droite. Nul devant, nul derrière. Nul en haut, nul en bas. Nul intégral. Pas de juge qui tienne. Vous êtes sourds ou quoi ? Circulez !», a posté Me Cheikh Koureyssi Ba ce jeudi à 18h. Un post lu par près de 5000 personnes et partagé par près de 500 internautes.