MACKY SALL AU PAS DE CHARGE
À quelques mois des législatives, fixées au 31 juillet 2022, le président de la République s’active pour mobiliser sa base. Son objectif : éviter une cohabitation à l’Assemblée nationale

Comment faire taire les rancœurs et apaiser les frustrations au sein de la majorité présidentielle ? Depuis plusieurs semaines, Macky Sall est préoccupé par les remous qui agitent son camp alors que se profilent les élections législatives du 31 juillet. Ces derniers jours, le chef de l’État s’est donc attelé à rencontrer plusieurs leaders de Benno Bokk Yakaar (BBY, la coalition présidentielle) pour « ouvrir une nouvelle page de réconciliation, d’unification et de remobilisation ».
Le 28 mars, à l’occasion de l’inauguration d’un hôtel cinq étoiles construit par le groupe espagnol Riu Hotels & Resorts à Pointe Sarène, il est allé à Mbour, à 80 km de Dakar, pour échanger avec les responsables politiques du département. Deux jours plus tôt, après avoir inauguré le pont de Foundiougne, dans le Sine Saloum, il s’était rendu dans son fief de Fatick, où il avait reçu les leaders locaux de sa coalition.
Guerres d’ego
À chaque fois, Macky Sall a répété le même message : il faut s’unir pour enrayer la montée en puissance de l’opposition. Portée par la coalition Yewwi Askan Wi d’Ousmane Sonko et de Khalifa Sall, celle-ci a en effet remporté certaines des principales villes du pays – dont Dakar, Ziguinchor et Thiès – lors des élections locales du 23 janvier. « Gagner Foundiougne, ce n’est pas un débat. Je veux que Foundiougne soit parmi les quatre premiers départements du Sénégal [où Benno Bokk Yakaar gagnerait avec] au bas mot 88% à 90 % [des voix] », a lancé le chef de l’État.
Lors du dernier scrutin, certains choix imposés par la présidence ont attisé les tensions et les guerres d’ego. Avec, pour conséquence, la multiplication de listes parallèles au sein même de la majorité. Pour éviter la dispersion des voix et satisfaire certains de ses lieutenants , Macky Sall avait d’ailleurs apporté sa caution à plusieurs d’entre elles.
« Dans certaines localités, jusqu’à quatre listes de la majorité se sont affrontées », soupire un membre de la coalition au pouvoir. « BBY était en position de force et pensait pouvoir remporter les grandes agglomérations, malgré ses divisions, analyse Mohamed Gueye, directeur de publication du Quotidien, l’un des journaux les plus lus à Dakar. Macky Sall a été piégé par sa propre indécision. »
Du fil à retordre
L’alliance présidentielle a tout de même raflé plus de 438 communes sur les 553 que compte le pays. Mais le nombre de voix exprimées en sa faveur est en net recul. Avec un peu plus de 40% des suffrages, elle fait moins bien qu’en 2019, quand Macky Sall avait recueilli 58% des suffrages au premier tour de la présidentielle.
« Un score pareil aux législatives lui ferait perdre la majorité absolue à l’Assemblée nationale, poursuit Mohamadou Mansour Ciss, analyste politique et expert électoral. Le principal enjeu, pour BBY, c’est d’éviter une cohabitation, qui rendrait le pays ingouvernable. »
Macky Sall en est bien conscient. La frange de l’opposition portée par Ousmane Sonko, Khalifa Sall ou encore Barthélémy Dias, le nouveau maire de Dakar, compte lui donner du fil à retordre. « Ces élections sont celles du président, celles qui vont clôturer son mandat, admet un conseiller du chef de l’État. Mais vont-elles confirmer l’hégémonie de la coalition présidentielle, ou bien marquer l’irruption de l’opposition dans les brèches creusées par nos propres divisions ? »