MACKY SALL ET SES ALLIÉS À L'HEURE DE L'AUTOCRITIQUE
Après les revers des élections locales, la majorité tente de se remobiliser avant les législatives du 31 juillet. Certains responsables politiques risquent fort d’y laisser des plumes

C’est un répit bienvenu, une bouffée d’oxygène dans un environnement morose. Depuis le soir du 6 février, Macky Sall profite allègrement de la liesse née de la victoire de l’équipe sénégalaise à la Coupe d’Afrique des nations. Deux jours plus tard, les Lions de la Teranga ont été reçus au palais présidentiel avec honneurs et félicitations, après avoir été accueillis en héros dans la capitale. De quoi faire oublier, pour un moment du moins, certains échecs cuisants.
Car si la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) a remporté pas moins de 438 communes sur 553 lors des scrutins locaux du 23 janvier, elle a échoué à s’imposer dans certaines des villes les plus importantes, tant pour leur valeur électorale que symbolique. Dakar, Thiès, Kaolack, Diourbel ou encore Ziguinchor ont ainsi résisté au pouvoir, en dépit des efforts colossaux déployés par la majorité et de l’implication personnelle du chef de l’État.
Au lendemain de l’élection, la coalition reconnaissait avoir laissé échapper, avec Dakar et Ziguinchor, un « double objectif de conquête » – deux villes respectivement remportées par les opposants Barthélémy Dias et Ousmane Sonko. « Nous n’avons pas perdu ces deux mairies pour la bonne et simple raison que BBY ne les gérait pas, tempérait néanmoins BBY dans un communiqué. On ne perd que ce que l’on détient ! Toute autre considération relève de la désinformation et d’une tentative d’intoxication de l’opinion publique. »
L’opposition favorisée par les jeunes
Macky Sall tient lui aussi à imposer sa lecture des résultats des locales. Le 2 février, il a convoqué son parti pour saluer une « victoire à la fois nette et écrasante ». « Les chiffres apportent un éclairage heureux, a assuré le président devant ses partisans. Nous pouvons dire fermement que notre parti et ses alliés ont maintenu intacte notre majorité. » Il a toutefois concédé que le « meilleur » des bilans devait se baser sur la « critique et l’autocritique [pour] repartir sur de nouvelles bases ».
Une communication officielle qui peut difficilement édulcorer la débâcle de la majorité dans des villes cruciales. « Dans certaines communes, on ne peut pas parler d’échec, mais d’un naufrage. Un vrai Titanic électoral », lâche un cadre de l’Alliance pour la République (APR, parti présidentiel). Un naufrage qui s’explique en grande partie par l’échec du pouvoir à se réconcilier avec la jeunesse urbaine, qui a massivement voté à l’occasion de ce scrutin. Le taux de participation frise en effet les 60 % ; il n’était que de 37 % lors du scrutin de 2014.
C’est donc bien la mobilisation des jeunes, dans un pays où plus de 70 % de la population a moins de 35 ans, qui semble avoir favorisé la principale coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi (YAW). « Lors de ce scrutin, on n’a pas voté pour, on a élu contre, analyse le cadre APR cité plus haut. Nous n’avons pas su comprendre les humiliations qui affectent notre population. » L’analyse fait écho à celle proposée par Seydina Issa Laye Sambe, qui a forcé le candidat de la majorité pour Dakar, le ministre Abdoulaye Diouf Sarr, à rendre les clés de sa propre mairie à Yoff. « Les jeunes ont été peu associés à la gestion du pouvoir. Mais ils sont de plus en plus informés et éveillés, avides de changement », confiait-il à JA au lendemain de sa victoire.