MIMI RECALE MACKY
La question du troisième mandat ne se pose pas au Sénégal, dans la mesure où le chef de l’Etat, Macky Sall, a dit à de nombreuses occasions qu’il faisait son second et dernier mandat.

La question du troisième mandat ne se pose pas au Sénégal, dans la mesure où le chef de l’Etat, Macky Sall, a dit à de nombreuses occasions qu’il faisait son second et dernier mandat. C’est du moins la conviction de l’ancienne Première ministre, Aminata Touré, éjectée de la présidence du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Intervenant hier, mardi 15 décembre, lors de la Conférence virtuelle du National Democratic Institute (Ndi) sur le thème «La limitation des mandats», Mimi Touré indique que ce qui est attendu en Afrique et au Sénégal, c’est le respect des constitutions, gage de stabilité.
Emmurée dans un silence assourdissant après la remise de ses rapports d’activités à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese) d’où elle a été débarquée au profit du président du parti Rewmi, Idrissa Seck, Aminata Touré vient de briser le silence. Bien qu’ayant promis une sortie imminente lorsqu’elle quittait ladite institution, elle mettra plus d’un mois, du 6 novembre dernier au 15 décembre, pour faire connaitre sa position sur le troisième mandat. Et c’est pour confirmer ce qui se susurrait depuis sa mise à l’écart, notamment son opposition à un quelconque troisième mandat du président Macky Sall.
En effet, prenant part à la Conférence virtuelle du National Democratic Institute (Ndi), autour du thème «La limitation des mandats» qui se tient du 15 au 17 décembre, l’ancienne Première ministre a tout d’abord expliqué le choix constitutionnel du Sénégal. Elle dira à cet effet que «le Sénégal a modifié sa Constitution limitant les mandats présidentiels à 2 consécutifs, et précisant en son article premier que : «la durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs». Personnalisant le débat en le ramenant autour du chef de l’Etat qui ne veut dire «ni oui» «ni non» s’il compte se représenter pour un troisième mandat, après le septennat et le quinquennat, l’ex-présidente du Cese a disqualifié Macky Sall pour les joutes électorales qui se profilent en 2024. La «Dame de fer» rappellera que «le Président Macky Sall réélu le 24 février 2019 a affirmé à de nombreuses reprises qu’il effectuerait son second et dernier mandat, notamment le 31 décembre 2018. Donc, au Sénégal, la question est derrière nous comme je l’ai déjà dit à diverses occasions».
Confortant ainsi la thèse selon laquelle elle aurait dit face à face à Macky Sall qu’elle ne le soutiendrait pas s’il s’évertuait à vouloir briguer un mandat de plus. L’ancienne Envoyée spéciale du chef de l’Etat ne s’est pas limitée en si bon chemin. Elle en a profité pour tirer la sonnette d’alarme et inviter les chefs d’Etat africains en général, et le chef de l’Etat Macky Sall, en particulier, à respecter les Constitutions de leur pays. «Ce qui est attendu partout sur le Continent et partout ailleurs, c’est le respect des Constitutions. C’est le gage de la stabilité des pays, c’est ce qui est attendu par la population africaine dont 70%, faut-il le rappeler, est âgée de moins de 35 ans. Cette jeunesse africaine a les mêmes aspirations démocratiques que le reste de la jeunesse du monde», a-t-elle fait savoir. Tout en citant des exemples, elle a tant soit peu fait la morale à ces chefs d’Etat qui refusent de respecter leur Constitution. «Il y a de nombreux successstory et il faut les encourager. En Afrique de l’Ouest, les exemples récents du Niger, de la Mauritanie, du Libéria, de la Sierra Leone, du Cap Vert parmi d’autres cas sont à saluer. Depuis 1990, il faut noter que 21 leaders ont sagement quitté le pouvoir dans 14 pays africains grâce à la disposition de la limitation de mandat. Ce qui prouve qu’il peut y avoir une vie paisible après la Présidence. La limitation des mandats est un moyen important de faciliter l’alternance au pouvoir sur le continent. Son respect est aussi, de nos jours, un moyen de quitter le pouvoir avec les honneurs», conseille-t-elle.
AVANTAGES DE LA LIMITATION DES MANDATS
Invitée par ailleurs à donner son avis sur les principaux impacts politiques et socio-économiques du non-respect de la limitation des mandats, Aminata Touré a plutôt préféré commencer par les avantages du respect de la limitation des mandats. Selon elle, «La limitation des mandats permet des transitions politiques à des intervalles réguliers et prévisibles. Ce qui fait que les partis et les candidats rivaux n’ont pas vraiment de raison de recourir à des moyens détournés pour renverser le système à travers des manifestations violentes, la désobéissance civile et autres formes de manifestation de mécontentement public».
Mieux, poursuit-elle, «les dirigeants se sentent davantage motivés à produire des résultats pour laisser un héritage positif à leur successeur et/ou pour entrer dans l’Histoire avec grand H de leur pays. La limitation des mandats permet aussi de renouveler le leadership et encourage la montée d’une autre génération de dirigeants politiques, elle permet aussi l’apport de sang neuf et la possibilité de changements de politiques». Sur les inconvénients du nonrespect des Constitutions qui limitent les mandats, Mimi Touré estime que les risques, «c’est la tentation de la manipulation des élections, l’affaiblissement de l’autorité des autres pouvoirs de l’Etat et la marginalisation d’adversaires politiques, qui en cas de limitation de mandat seraient plus enclins à honorer leurs prédécesseurs. Le non-respect de la limitation des mandats produit de fortes tensions sociales avec des répercutions économiques et sociales graves alors que pour consolider les progrès du développement, l’Afrique a grandement besoin de paix et de stabilité sociale pérennes». Il s’y ajoute, à son avis, «le risque de voir les forces de sécurité intervenir dans le jeu politique en cas de forte tension qui paralyserait le pays alors que l’Afrique doit définitivement en finir avec les coups d’Etat».
LE ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LA SAUVEGARDE DES ACQUIS DEMOCRATIQUES
Quid de la société civile et des mouvements citoyens ? L’ancienne ministre de la Justice, Garde des sceaux trouve que le rôle de la société civile et des mouvements citoyens «est de continuer à travailler à l’éveil des citoyens, notamment les jeunes et les femmes et d’aider à leur organisation en utilisant les langues nationales de préférence». Mieux, elle est d’avis que «la société civile doit aussi persévérer dans son rôle de la régulation politique en restant engagée dans le plaidoyer et le dialogue avec les autorités étatiques et tous les acteurs de la vie économique et sociale pour faire respecter les Constitutions et sauvegarder les acquis démocratiques». Même si, par ailleurs, elle pense que «ce sont les citoyens qui sont les acteurs majeurs du changement ou du statu quo». «En résumé, la limitation des mandats s’inscrit dans le renforcement des institutions et des processus démocratiques. Elle assure la stabilité sociale dont le continent a besoin pour consolider son développement. Elle peut assurer une sortie honorable et paisible aux dirigeants en poste tout en favorisant l’arrivée de nouvelles générations et élites au pouvoir», a-t-elle conclu son intervention.