« PRÉSIDENT LÉGITIME ET PRÉSIDENT LÉGAL », LES ÉCLAIRAGES NÉCESSAIRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Le peuple, seul capable de se choisir son président légitime, a tranché sans aucune ambiguïté possible. Il est important de faire savoir aux frustrés du parti que ce qui est arrivé au Pastef n’est pas du tout nouveau

La déclaration d’un des députés de la mouvance politique Pastef, celle à laquelle son Excellence le président Diomaye Faye est issu, a soulevé le tôlé dans le milieu politique sénégalais.
Il va sans dire que la frustration des membres du Pastef de ne pas avoir le fondateur de leur parti comme actuel président de la République du Sénégal est légitime. Il est toutefois important de faire savoir aux frustrés de cette famille politique que ce qui est arrivé au Pastef n’est pas du tout nouveau.
Aux Etats-Unis, la plus vieille République Démocratique que le monde connait, ce phénomène est arrivé plusieurs fois. Dans le langage politique américain, les candidats qui ont eu à bénéficier de ce qui est semblable à ce qui est arrivé au Sénégal en 2024 sont appelés « Dark Horse Candidate », ce qui littéralement signifie un candidat qui était inattendu de porter le drapeau du parti ou la coalition à une élection.
Le « Dark Horse Candidate » le plus célèbre de l’histoire politique américaine est Abraham Lincoln, le 16ème président américain et premier président de la Coalition Républicaine de l’époque, qui est aujourd’hui connue sous le non de Parti Républicain, bien qu’en réalité ce n’est pas un parti au sens classique du terme. Lorsque la nouvellement créée Coalition Républicaine (1854) ouvrait sa deuxième convention pour nommer un candidat à l’élection présidentielle le 16 mai 1860, le candidat auquel la grande majorité des participants à la convention s’attendaient à la victoire, était William H Seward d’Auburn, New York. Cette nomination, selon Doris K Goodwin dans « Une équipe de rivaux » était tellement évidente que les supporters de Seward avaient déjà acheté tout le nécessaire pour célébrer la nomination de leur candidat pour porter le Drapeau de sa coalition à l’élection présidentielle de novembre 1860. Grande a était leur surprise et frustration lorsqu’un presque inconnu sorti de nulle part a été choisi par la convention pour porter le drapeau des républicains.
La défaite du candidat légitime aux yeux de la majorité républicaine en générale, pas eu sein des participants à la convention, avait soulevé le tôlé comme la non-qualification du candidat auquel s’attendaient l’écrasante majorité des membres du Pastef en 2024 au Sénégal. Ceci est absolument normal ! Nul n’aime les surprises désagréables ! Il est humainement très difficile de s’acclimater à une déception aussi profonde que celle que la grande majorité des membres du Pastef ont connu lorsque la candidature du candidat le plus légitime de leur mouvance politique a été recallé par le Conseil constitutionnel du Sénégal ! Nous soupçonnons que la déclaration de ce député du Pastef tire sa source de la frustration générée et encore indigestible par le rejet de la candidature de leur leader.
Il nous semble être important de rappeler à ce député, comme d’autres l’ont d’ailleurs déjà fait, que la République sénégalaise ne peut avoir qu’un et un seul président.
La distinction que ce député n’a pas pu faire, et le politologue que je suis peut comprendre pourquoi il est confus, est qu’il n’a pas pu faire la différenciation entre candidat présenté à l’élection pour la présidence de la République et candidat choisi par le corps électoral pour occuper la magistrature suprême du pays de 2024 à 2029.
Le Pastef avait à choisir entre quatre personnes pour porter son drapeau à l’élection présidentielle de 2024. Le leader de leur parti, le Secrétaire général du parti et deux autres personnes qui ne sont pas membres de Pastef mais de sa coalition électorale. Le plus légitime de ces quatre candidats pour porter le drapeau du Pastef était sans nul doute le leader et fondateur du parti. Le deuxième candidat le plus légitime du Pastef était son Secrétaire général. Les deux autres venaient en troisième et quatrième position en termes de légitimité de porter le drapeau du Pastef.
Parmi ces quatre candidats potentiels du Pastef trois ont pu légaliser leur candidature pour leur soumission à l’électorat sénégalais. Il est compréhensible que l’écrasante majorité des membres du Pastef soient déçue que le candidat le plus légitime de leur famille politique ne fasse pas parti des candidats légaux parmi lesquels leur parti pouvait choisir son porte-étendard. Il est cependant important que celles et ceux au sein du Pastef qui pensent, comme ce député, que le candidat finalement présenté par leur mouvance politique ne bénéficiait pas de la légitimité nécessaire pour porter leur drapeau, comprennent qu’ils sont erronés. En dehors du président du parti, personne au sein du Pastef ne bénéficiait d’une plus grande légitimité de porter le drapeau de cette mouvance politique que son Secrétaire général. Choisir une autre personne aurait certainement été incompréhensible pour la frange du peuple sénégalais qui connaissait tant soit peu le Pastef.
En ce qui concerne la maladresse ou ignorance derrière l’usage de l’expression « président légitime et président légal », nous répétons que la République du Sénégal, comme d’ailleurs toutes les républiques que nous connaissons, ne peut avoir qu’un seul président. Si ce dernier a été choisi par le peuple libre à travers un processus transparent, nul qui a un tant soit peu de bon sens, ne peut contester sa légitimité aux yeux de son peuple. Qu’il ait été le candidat le plus légitime de la mouvance politique qui l’a présenté au peuple sénégalais ou pas, son choix par plus de 54% des participantes et participants à cette élection fait de lui un président légitime. C’est justement sur cette légitimité aux yeux du peuple que le Conseil constitutionnel s’est appuyé pour faire de lui le président légal du Sénégal entre le 2 avril 2024 au 2 avril 2029.
« La politique est l’art du possible », comme le disait une fois George Clémenceau. Le choix, par le leader de la mouvance politique Pastef de transférer la légitimité de sa candidature à l’élection présidentielle sénégalaise de 2024 à son Secrétaire général était certainement en droite ligne avec ce conseil du leader du parti des opportunistes (dans le sens positif) français.
Monsieur le député, ne confondez pas « légitimité de la candidature » et « légitimité du président élu ». Beaucoup de candidates et candidats légitimes ont été présentés au peuple sénégalais le 24 mars 2024. Ce dernier, qui est le seul capable de se choisir son président légitime pour une certaine durée, avait choisi au soir du 24 mars 2024 et sans aucune ambiguïté possible, un seul qu’il veut qu’il soit son président légal. Le 2 avril 2024, le Conseil constitutionnel n’a fait que se soumettre à la volonté du peuple sénégalais en faisant de son président légitime son président légal.
Diomaye Ndongo Faye est Chercheur en stratégie de développement politique et panafricanisme.