PRESSE DE PARTIS, LES RAISONS D'UNE ÉCLIPSE
À l’heure de la presse à prix réduit et du web 2.0, le temps où chaque formation politique au Sénégal avait son organe médiatique est presque révolu

Longtemps à la mode, la presse des partis politiques se fait maintenant rare. À l’heure de la presse à prix réduit et du web 2.0, le temps où chaque formation politique avait son organe médiatique est presque révolu.
La presse de parti, soutient Moussa Diaw, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, est importante puisqu’elle permet de décliner les grandes lignes de la politique et d’informer les militants et l’opinion publique sur les activités du parti, ses actions ainsi que ses ambitions. « On donne la possibilité aux cadres du parti de s’exprimer en termes de communication, secteur par secteur, et de faire des propositions. Malheureusement, cela n’existe plus », reconnait l’universitaire. Cette presse, ajoute-t-il, permet d’avoir de la visibilité et de la lisibilité dans les partis. « En dehors de l’activité et de l’information sur le parti, on avait dans les journaux de partis des contributions et des analyses sur les questions nationales, africaines, voire internationales », se souvient Ibrahima Sène, du Pit. Selon lui, le journal de parti servait à « éduquer les militants et les citoyens qui veulent bien apprendre ». À l’en croire, à un certain moment, la presse des partis a prospéré puisque ces formations politiques étaient exclues des médias d’État. Il rappelle qu’au Pit, ils avaient un journal de théories qui s’appelait « Gueustu », un journal d’informations et d’analyse, « Daan Doolé », et un journal typiquement destiné à la classe ouvrière de Dakar, « Daan Doolé Ndakaru ».
À l’origine d’une disparition
Quid de la disparation de la presse de parti ? Le Professeur Moussa Diaw indexe le « manque de financement » puisqu’entretenir un « média coûte cher ». En l’absence de soutien et/ou de publicité, rappelle Ibrahima Sène, on ne peut durablement entretenir un organe de presse. De son point de vue, si certains médias politiques existent toujours, c’est parce qu’ils bénéficient de l’appui du parti au pouvoir (« Le quotidien du peuple » en Chine) ou du groupe parlementaire du parti (« L’humanité » en France). Pour Djibril Gningue, du Gradec, « après avoir rempli très largement leurs missions dans la marche de notre pays et la mise en place de la consolidation d’un État démocratique digne de ce nom, ces publications ont disparu pour laisser la place à la presse privée qui a pris le relais ». À l’origine de cette disparition, Ibrahima Sène indexe aussi « la presse à 100 FCfa ». « Nous avons été balayés par les « faits divers ». C’est le privée qui a tué la presse des partis politiques », dit-il tout en reconnaissant que les réseaux sociaux constituent une aubaine pour les politiques.
Les médias sociaux en vogue
L’absence de ces organes médiatiques, selon le Pr Diaw, fait que les partis politiques ne font plus rêver les jeunes qui, du coup, ne savent pas véritablement le sens des idéologies. Il range la presse des partis dans la même catégorie que les écoles de partis. Pour lui, ce sont des instruments qui participent à la formation des militants. L’absence de ces instruments lui fait dire que les partis politiques ne sont plus dynamiques.
« Faute de grives, on mange des merles », dit l’adage. En politique, les formations qui n’ont plus d’organes médiatiques jettent leurs dévolus sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, WhatsApp et Twitter. Lorsque les leaders communiquent via Twitter, leurs partis échangent par le biais de groupes fermés WhatsApp. Et pour toucher le maximum de personnes, ils créent des pages Facebook, voire des sites web. Pour l’universitaire Moussa Diaw, ce recours au numérique ne peut pallier l’absence de la presse de parti. « C’est très limité et marginal. En plus, ce n’est pas tout le monde qui y a accès », souligne-t-il avant de préciser que généralement, certains médias sociaux ne fonctionnent véritablement qu’en période de campagne électorale.
Sur ce point, Ibrahima Sène n’a pas tout à fait la même perception. À son avis, il suffit juste d’ouvrir un compte, un groupe, une page ou un site web pour pouvoir véhiculer librement ses opinions, sans censure aucune. « Nous avons un groupe au niveau du parti et un autre regroupant les partis de Gauche, en plus de nos pages personnelles pour véhiculer nos messages », souligne M. Sène.