L'AFFAIRE DE LA PHARMACIE DE LA NATION PORTÉE DEVANT LA COUR SUPRÊME
A l’heure où le peuple tout entier manifeste contre les injustices du régime en place, il n’est pas superflu de rappeler celle dont est victime une brave pharmacienne…

Un dicton wolof dit qu’il est facile de voler un tam-tam mais bien difficile de le battre ! Sous-entendu, sans que le son ou le bruit qu’il produit ne parvienne aux oreilles du propriétaire. Eh bien, de la même façon, on peut dire que s’il a été relativement facile à l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES), plus particulièrement son PCA, et la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM), d’arracher à la pharmacienne Dr Aïcha Goundiam Mbodj le site qu’elle occupait depuis 1978 pour l’attribuer à sa consœur Dr Aïcha Gassama Baldé, eh bien il s’avère bien difficile pour cette dernière d’en joui
Comme nous l’avons déjà raconté dans ces colonnes, la première nommée gérait l’officine à l’enseigne de « Pharmacie de la Nation » depuis 1982 après y avoir exercé comme employée durant les quatre années précédentes. Mais en réalité cette pharmacie, l’une des plus anciennes de Dakar, était établie sur ce site — d’abord à l’angle de la rue puis sur l’emplacement actuel de l’hôtel Indépendance — depuis 1953. En 2015, l’IPRES, propriétaire de l’immeuble abritant cet hôtel, fait savoir au Dr Aïcha Goundiam Mbodj qu’elle doit déménager pour cause de travaux.
Après avoir informé la Direction du Médicament et de la Pharmacie et s’être assurée, comme la loi lui en donne droit du reste, de revenir dans les locaux qu’elle occupait après la fin des travaux, elle emménage à quelques rues de l’emplacement où elle était, en face de la Mairie de Dakar. En acceptant le préavis servi par l’IPRES, elle avait tenu à avertir qu’« Il reste entendu que le déménagement que j’accepte d’effectuer en exécution du préavis signifié ne vaut pas renonciation de ma part à mes droits sur le bail en cours et au droit prévu par l’acte Uniforme de l’OHADA de me voir attribuer en priorité un bail dans l’immeuble réfectionné ».
Cause toujours, a-t-on semblé lui dire… Toujours est-il que les travaux terminés, elle avait adressé des lettres à l’Institution pour lui faire part de son intention de reprendre le local qu’elle occupait auparavant. Dans sa réponse, en date du 17 Décembre 2018, le directeur général de l’IPRES lui confirmait la réservation du local de 66,02 m2 pour un nouveau loyer de 25.000 FCFA/m2 et lui demandait de se rapprocher de sa Direction du Patrimoine pour accomplir les formalités nécessaires. C’est là que les choses se sont gâtées puisque, après l’avoir fait lanterner pendant des semaines, on a fait comprendre à la brave pharmacienne — officieusement bien sûr — que le local qu’elle avait réservé allait finalement être donné à une de ses consoeurs. Laquelle n’est autre que l’épouse de l’ancien ministre Abdoulaye Baldé, aujourd’hui député appartenant à la majorité présidentielle ! Nous avons raconté à satiété les péripéties relatives à cette injustice flagrante.
Dr Aïcha Goundiam Mbodj espérait pouvoir compter sur la Direction de la Pharmacie et du Médicament mais hélas, douche froide de ce côté là ! En effet, le Pr Yérim Mbagnick Diop, le DPM, lui a demandé de produire, si elle voulait regagner son ancien local, un bail de location signé par l’IPRES. Tout en sachant bien sûr que ledit bail — « sur intervention du président de la République » avait-on dit en off à Dr Aïcha Goundiam Mbodj — avait déjà été attribué au Dr Aïcha Gassama Baldé. Laquelle, la veinarde, avait déjà eu à exploiter une officine dans le quartier très prisé du Plateau, sur l’avenue du président Lamine Guèye plus précisément, non loin de l’Assemblée nationale. Bref, au terme d’un feuilleton qu’on ne vous raconte pas, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, a signé au début de cette année un arrêté N° 000270/MSAS/DGS/DPM du 13 janvier 2021 portant autorisation de transfert d’une officine de pharmacie accordée à Madame Aminata GASSAMA docteur en pharmacie.
La bataille des médocs est engagée !
Après quoi, la bienheureuse s’est installée tranquillement dans les locaux qu’occupait auparavant la « Pharmacie de la Nation » après les avoir aménagés. Mais, comme nous l’écrivions, facile de voler un tam-tam et bien difficile de le battre loin des oreilles de son propriétaire ! La raison du plus fort ayant prévalu dans cette affaire aussi, Dr Aminata Gassama a tranquillement commandé des médicaments pour commencer à les commercialiser. A elle les bénefs ! Des grossistes se sont précipités pour vouloir les livrer. Seulement voilà, le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, qui avait pris fait et cause pour Dr Ngoundiam Mbodj et organisé une conférence de presse pour mettre en garde le gouvernement contre la forfaiture dont elle était l’objet, eh bien ce syndicat a sommé le seul grossiste qui l’avait fait de reprendre ses produits. Motif : Dr Gassama n’est pas inscrite par l’Ordre et n’a donc pas le droit de vendre des médicaments.
Précision : l’inscription au tableau est annuelle mais cela fait cinq ou six ans que la distinguée dame n’a pas satisfait à cette formalité. Fureur du Directeur de la Pharmacie et du Médicament, Pr Yérim Mbagnick Diop, qui a convoqué les quatre grossistes de la place pour les sommer d’approvisionner l’officine de Dr Gassama. Ce que ces grossistes, ne voulant pas se mettre à dos le puissant Syndicat des Pharmaciens privés, se sont bien gardés de faire. Mieux : le seul parmi eux qui avait livré des médocs à cette pharmacienne s’est empressé de les rependre. Décidément bien intentionné à l’endroit de l’épouse de l’ex-ministre Baldé, le DPM a alors actionné le ministère du Commerce pour sanctionner ce « refus de vente ».
Avec un zèle suspect, un fonctionnaire du Commerce intérieur a appelé Dr Aïcha Goundiam Mbodj pour lui faire des menaces à peine voilées. Il a fallu qu’un avocat de cette dernière lui vole dans les plumes pour qu’il se calme. Ce n’est pas tout puisque les conseils de la propriétaire de la « Pharmacie de la Nation » ont saisi la Cour suprême d’une requête aux fins d’annulation de l’arrêté du ministre de la Santé et de l’Action sociale en date du 13 janvier dernier. Il est intéressant de noter que le Syndicat des Pharmaciens privés du Sénégal s’est associé courageusement à cette requête ! Mieux, le Collectif de veille des pharmaciens, constitué pour lutter contre les magouilles dans le secteur, porte le combat de la propriétaire de la « Pharmacie de la Nation ».
En attendant que la plus haute juridiction de notre pays statue sur le fond de cette demande d’annulation introduite par les avocats de Dr Goundiam Mbodj et du Syndicat des Pharmaciens privés, une autre requête lui a été adressée pour suspendre l’arrêté ministériel accordant l’autorisation de transfert d’une officine de pharmacie à Mme Abdoulaye Baldé oups Dr Aminata Gassama. Qui éprouve décidément bien des difficultés à battre son tam-tam…pardon à exploiter son officine acquise de la manière que l’on sait !