DR ALIMA NIANG, UNE FOI INEBRANLABLE EN LA SANTE PUBLIQUE
Portrait d’une femme têtue et passionnée, qui s’est imposée dans un univers exigeant, sans jamais renoncer à sa mission de santé publique.

Cadette d’une fratrie de sept enfants, Dr Alima Niang a grandi dans une famille où l’éducation était sacrée. Aujourd’hui présidente de l’Union des jeunes pharmaciens du Sénégal (Ujps), elle incarne une génération qui rêve de conjuguer insertion professionnelle, entrepreneuriat et souveraineté pharmaceutique. Portrait d’une femme têtue et passionnée, qui s’est imposée dans un univers exigeant, sans jamais renoncer à sa mission de santé publique.
Derrière son sourire franc et son regard pétillant se cache une femme forgée dans la discipline. « Je n’étais pas terrible comme enfant », confie-t-elle en riant, avant de reconnaître que son parcours doit beaucoup à l’éducation stricte de ses parents. Sa mère, rigoureuse, veillait à la bonne marche du foyer. Son père, enseignant de profession, alliait fermeté et affection. « Il ne badinait pas avec l’éducation des enfants. Mais il savait aussi être un papa poule », se souvient-elle.
Dernière-née d’une fratrie de sept enfants, elle grandit à la Cité Fadia des Parcelles assainies, bien qu’elle revendique ses origines ndiambour-ndiambour par son père, natif de Coki. C’est dans ce contexte familial qu’elle forge sa personnalité : têtue, mais profondément attachée aux valeurs de travail et de dépassement de soi.
Une vocation forgée dans les sciences
De l’école privée « Le Baobab », où elle obtient son certificat de fin d’études élémentaires, au lycée Thierno Seydou Nourou Tall pour le brevet de fin d’études moyennes, puis au Cours Sainte Marie de Hann pour le baccalauréat, son parcours scolaire est jalonné de rigueur et d’efforts constants. Très tôt, elle développe une passion pour la biologie, la santé et les sciences de la vie. « On m’avait suggéré de faire médecine, mais j’ai toujours eu un amour particulier pour la biologie ».
Elle garde un souvenir ému de son professeur de sciences de la vie et de la terre en classe de première, feu M. Sène, dont l’enthousiasme a renforcé son intérêt pour cette voie. L’exemple de sa grande sœur pharmacienne plane, mais elle insiste « Devenir pharmacien était un rêve pour moi même si ma sœur aime dire que c’est elle qui m’a influencée », lance-t-elle dans un éclat de rire. Après son baccalauréat, elle choisit de s’orienter vers la pharmacie. Admise au département de pharmacie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle y soutient sa thèse, première étape d’un parcours qu’elle conçoit comme une véritable vocation. Son premier terrain d’expérimentation est une officine du centre-ville de Dakar. L’expérience sera brève. « J’y suis restée un mois seulement. Les conditions n’étaient pas réunies pour exercer mon métier comme je le conçois », confie-t-elle.
Ce passage, même court, ancre définitivement sa conviction : la mission du pharmacien s’inscrit dans le champ plus large de la santé publique. Elle rejoint alors l’hôpital général de Grand-Yoff, aujourd’hui Idrissa Pouye, où elle passe plus de deux ans. Plongée dans la gestion générale des médicaments au sein de la pharmacie centrale, elle découvre aussi la dimension humaine de sa profession. La gestion des médicaments du programme Vih/sida la marque particulièrement. En collaborant directement avec les patients, elle apprend à percevoir ce qui se cache derrière chaque traitement. « J’ai appris à voir au-delà des molécules. Derrière chaque traitement, il y a une vie, une histoire, une souffrance », confie-t-elle avec gravité.
L’engagement au cœur de la profession
Membre de l’Union des jeunes pharmaciens du Sénégal depuis ses débuts, elle gravit les échelons pour intégrer le bureau de l’union des jeunes pharmaciens du Sénégal sous la présidence de Dr Karamba Diallo, avant de briguer la présidence. Son ambition est claire : défendre une profession en mutation et porter la voix d’une génération en quête d’avenir. « Je pense avoir un devoir par rapport à ma profession et aux jeunes pharmaciens. C’est un sacerdoce, un poids, mais aussi un combat nécessaire ».
Son mandat de trois ans s’articule autour de trois axes : l’insertion professionnelle, la formation et l’entrepreneuriat. Consciente que l’offre d’emploi reste limitée, elle milite pour ouvrir de nouvelles perspectives. « Il y a des marchés encore peu explorés comme la cosmétologie ou l’industrie pharmaceutique. Je veux que les jeunes pharmaciens ne soient pas de simples spectateurs, mais des acteurs de cette industrie ». Pour y parvenir, elle encourage la création de petites structures et recherche des partenariats financiers afin d’offrir des bourses de spécialisation. Son combat ne s’arrête pas là. Face au fléau des faux médicaments et de l’exercice illégal de la pharmacie, elle hausse le ton.
« Déjà que nous souffrons du manque d’opportunités, si d’autres usurpent notre métier, cela réduit les chances des jeunes pharmaciens. Mais au-delà, c’est un problème majeur de santé publique ». Elle réfute aussi l’argument selon lequel «les produits de pharmacie coûtent cher ».
« Nous ne fixons pas les prix des médicaments. Ils sont réglementés par l’État. Ceux qui se tournent vers les faux médicaments pensent faire des économies, mais finissent par développer d’autres pathologies et reviennent à l’hôpital ».
Une bataille contre le marché parallèle
Faute de pouvoir fermer les dépôts clandestins, l’Ujps mène un travail de sensibilisation auprès des populations et des autorités. « Le pharmacien est le premier agent de santé de proximité. Nous devons garantir aux patients un accès à des médicaments de qualité ». Optimiste, elle croit en un avenir prometteur pour sa profession. « Les nouvelles autorités parlent de souveraineté pharmaceutique. C’est un chantier essentiel. On ne peut pas parler de sécurité sanitaire dans un pays qui importe 95 % de ses médicaments ». Pour elle, investir dans l’industrie pharmaceutique nationale est une urgence stratégique.
« Le Sénégal doit consolider sa place en Afrique de l’Ouest et développer une véritable autonomie dans la production de médicaments ». Au-delà des combats institutionnels, sa plus grande fierté reste d’avoir acquis sa propre officine, en banlieue dakaroise, et de l’avoir transformée. « Certains pensaient qu’il n’était pas nécessaire d’en faire autant parce que nous étions en banlieue. Mais j’ai toujours affirmé que chaque Sénégalais mérite le meilleur, où qu’il se trouve ».
Aujourd’hui, son officine est devenue un espace de santé moderne où elle incarne pleinement son rôle d’agent de proximité. Elle aime donner des conseils, accompagner les patients dans leur prise en charge et répondre aux préoccupations quotidiennes. « Engagée, sociale et très têtue », dit-elle en riant. Inspirée par son père, qu’elle cite volontiers comme modèle, elle croit en la force de l’engagement collectif. « Quand on vit dans une communauté, on doit toujours chercher à l’impacter positivement ».
Aux jeunes pharmaciens, elle adresse un message clair : « Engagez-vous pour votre communauté. Sachez que vous êtes des acteurs clés du système de santé, les premiers vers qui se tournent les patients ». De son enfance, marquée par la rigueur d’un père enseignant, à ses combats pour l’insertion des jeunes pharmaciens, Dr Alima Niang a gardé la même conviction : le savoir et l’engagement n’ont de sens que s’ils servent les autres. « Chaque Sénégalais mérite le meilleur, où qu’il se trouve », répète-t-elle. Une phrase qui sonne comme un serment. Plus qu’un métier, la pharmacie est pour elle un sacerdoce, un combat de tous les jours, porté par une foi inébranlable en la santé publique et en l’avenir de sa profession.