LA COSAS DENONCE UNE GESTION DANS LE FLOU TOTAL
« Il n’y a pas de réel outil de décision et d’évaluation », a déclaré Pr. Abdoulaye Kane, président de la Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas).

« Il n’y a pas de réel outil de décision et d’évaluation », a déclaré Pr. Abdoulaye Kane, président de la Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas). Selon le dernier rapport de ladite coalition, « il n’y a pas assez d’approche inclusive » dans la gouvernance de cette gestion et « elle est sans boussole » car « nous ne comprenons pas très bien la cohérence entre les mesures qui sont prises d’un mois à l’autre ». Aussi, déplore le cardiologue, « nous perdons des enfants, des personnes âgées, parce que c’est seulement le centre Cuemo qui devrait les prendre en charge » et il urge, poursuit-il « de trouver le juste milieu au niveau de la pyramide sanitaire ». Non sans indiquer que « nous n’avons aucune idée de la réelle prévalence de cette maladie dans le pays » et de ce fait, « il y a des décès dans des centres de santé, cliniques, au niveau communautaire liés à la Covid 19 qui ne sont pas comptabilisés ».
La Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas) a pointé du doigt, dans son dernier rapport sur la gestion de la pandémie du nouveau coronavirus au Sénégal, des tares qui rendent inefficaces et inadéquates les stratégies de la riposte adoptée par l’État. En effet, son patron, le Professeur Abdoulaye Kane, après avoir déballé quelques chiffres statistiques montrant la flambée des cas de contamination et surtout de décès dans le pays, indique « qu’en ce qui concerne la gouvernance, nous avons encore un intérêt à adopter une approche plus inclusive et moins verticale de la gestion de la crise de la Covid-19 ».
Pour le cardiologue, « nous avons encore l’impression que les organisations de la société civile, des sociétés savantes, des professionnels, des socio anthropologues et travailleurs sociaux, notamment devraient être mieux impliqués. Nous pensons également que la vision devrait être mieux partagée ».
Pour cause, poursuit-il « nous ne comprenons pas très bien la cohérence entre les mesures qui sont prises d’un mois à l’autre ». Ainsi, pour rompre avec cette gestion « unilatérale » constaté par la Cosas, « il est très utile d’avoir des cadres de réflexion beaucoup plus fonctionnels. Non seulement au niveau national, mais au niveau local et communautaire. Il y aussi la question de la transparence » soutien son président.
Et de relever : « nous n’accusons pas mais nous voyons clairement qu’il y a une incompréhension de la part de plusieurs acteurs, et non les moindres. Les partenaires sociaux, par exemple, ne comprennent pas toujours certaines décisions qui ont été prises, tels que la mise en place d’un comité de suivi, les modalités d’appui aux ménages, l’achat d’équipements médicaux et de consommables ».
En clair, « on voit de plus en plus des partenaires sociaux ou de professionnels faire des sorties pour dénoncer ce qu’ils pensent être des approches pour lesquelles il n’y a pas une transparence optimale » fait savoir le Pr. Abdoulaye Kane. Aussi, l’incivisme des populations n’est pas passé inaperçu dans les pages d’audit de la Cosas. Pour elle, cette faible adhésion des populations aux mesures qui sont prises pour endiguer la maladie de la Covid-19, est due au fait qu’il « y avait un peu le caractère spectaculaire des transferts et ensuite de façon inattendue il y a eu un changement d’axe, avec l’assouplissement des mesures sous slogan « apprendre à vivre avec la Covid 19 », explique le cardiologue. C’est la raison pour laquelle, selon la Cosas : « sur le plan de la communication, on constate que le déni, la peur, le rejet, la stigmatisation sont toujours là. Parce qu’au départ, il y avait la dramatisation de la maladie ».
Dans la même foulée, M. Kane indique que la Cosas avec plusieurs d’autres spécialistes en santé publique note en conséquence une faible adhésion des populations aux mesures prises, « des limites dans la mise en œuvre du programme de résilience économique et sociale, la détérioration du climat social dommageable à l’application des interventions non pharmaceutiques ».
LA COSAS DENONCE LA REGRESSION DES TESTS ACTES PAR L’ETAT
« Depuis le début il nous a paru utile d’avoir une stratégie plus intelligence de dépistage qui serait plus active en ciblant les sujets à risque, des clusters, en ayant un meilleur traçage des contacts » a déclaré Pr. Kane. Et de poursuivre : « nous avons pensé également qu’un pays comme le Sénégal devrait faire beaucoup plus de tests », non sans rappeler que « dans le programme qui avait été initialement annoncé par le ministère de la Santé, on devrait être aux 4000 tests par jour. Ce qui suppose qu’on devrait décentraliser les laboratoires, mais tel n’est pas le cas à ce jour ». Au contraire, le ministère de la Santé lors du dernier point mensuel a annoncé que « seuls les cas asymptomatiques seront désormais testés », ce qui signifie pour la Cosas « une dynamique de réduction du nombre de tests ».
« IL Y A CERTAINEMENT DES DECES…QUI NE SONT PAS COMPTABILISES »
La Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas) renseigne par ailleurs « qu’il n’y a pas un outil de décision » parce que « nous n’avons pas une idée de prévalence de la maladie ». Pour son patron, « continuer à rechercher des cas suspects, des cas contacts et s’en arrêter là ne permet pas d’avoir une bonne vision sur la prévalence ». « Ce qui aurait pu se faire, poursuit-il, par un échantillonnage représentatif ». Touchant l’algorithme diagnostic de cette nouvelle maladie, le Professeur Kane explique « qu’il y a un réel décalage entre la réalité clinique et les formes suspects ». En effet, « depuis plusieurs semaines, nous avons des formes sévères qui sont identifiées par le scanner et toute la communauté scientifique le sait » déplore-t-il. Et le pis, poursuit Pr. Kane, « ces formes sévères ne sont simplement pas répertoriées comme des cas Covid-19 et ne sont même pas dans un parcours de soins dédiés, alors que ces formes méritent peut-être plus d’attention et c’est bien connu par la communauté scientifique ». Ainsi pour lui, « il y a une grande lenteur à comprendre cette approche là et à l’intégrer dans les nouveaux algorithmes diagnostics ».
Aussi, « cette méconnaissance de la prévalence indique qu’il y a certainement des décès liés à la Covid 19 dans les centres de santé, cliniques, au niveau communautaire, entre autres, qui ne sont pas comptabilisés », renseigne le président de la Cosas. Et d’ajouter : « si on avait testé un nombre important de personnes, on aurait pu avoir plus de 500 personnes infectées en 24h ». « Nous perdons des enfants, des personnes âgées… » La saturation des structures sanitaires est palpable. Le Sénégal compte à la date d’hier, dimanche, 8135 cas de contaminations et un taux de contamination qui vient de passer la barre des 12% en moyenne.
Autrement dit, les structures sanitaires du pays n’ont plus suffisamment de lits pour accueillir les malades, raison pour laquelle le ministère de la Santé a opté pour « des prises en charge à domicile ». Plus grave, les services de réanimation sont au bord du gouffre ce qui explique en conséquence la montée des cas de décès, soit 148 cas au dernier bilan. Aussi, à côté de cette saturation des structures sanitaires, ce sont les autres services de soins d’urgence qui sont paralysées et donc enfantent en conséquence des cas de décès. « Nous, les cardiologues, nous avons une liste de malades du cœur qui n’ont pas pu être opérés » déplore avec amertume le Pr. Abdoulaye Kane. Le cardiologue indique que « nous perdons des enfants, des personnes âgées, parce que c’est seulement le centre Cuemo qui devrait les prendre en charge. Ce sont des décès en série auxquels nous assistons de plus en plus ». À cet effet, poursuit-il, « il faut qu’on retrouve le juste milieu au niveau de la pyramide sanitaire », non sans fait savoir que c’est la même photographie dans les services de traumatologie et orthopédie..