COVID-19, LA STUPEUR CÈDE LA PLACE À L’AMUSEMENT
Depuis cinq mois, le virus circule progressivement dans le pays. Lundi, le Sénégal a décompté plus de dix mille cas déclarés positifs dont 6901 guéris, 211 décédés et 3273 patients sous traitement

La Covid-19 est apparemment devenue un mythe pour certains Sénégalais qui, depuis la levée de l’état d’urgence le 29 juin dernier, toisent le virus en faisant fi des règles de distanciation sociale et des mesures barrières. La stupeur cède ainsi la place à l’amusement. Et tout porte à croire que l’Etat mise sur l’immunisation collective!
Depuis cinq mois, la Covid-19 circule progressivement dans le pays. Hier, le Sénégal a décompté plus de dix mille cas déclarés positifs dont 6901 guéris, 211 décédés et 3273 patients sous traitement. Des chiffres qui, selon les mises en garde de certains spécialistes de la santé qui s’exprimaient tout au début de la crise, étaient synonyme d’hécatombe. Ces derniers pointaient du doigt l’incapacité du système sanitaire sénégalais à gérer un flux soutenu de malades. Les alertes à la suite du premier cas importé répertorié le 2 mars 2020 n’y feront rien.
Le nouveau coronavirus s’est bien installé au Sénégal (aucune région n’est épargnée) malgré les mesures draconiennes prises par le gouvernement : état d’urgence et couvre-feu. D’ailleurs, à défaut d’aider à stopper le virus, ces mesures ont révélé durant ces cinq mois d’épidémie une faillite de l’Etat dans plusieurs domaines. Celui-ci a été contraint de faire machine arrière et de lever tous les verrous. Mieux, l’Etat donne l’impression aujourd’hui d’avoir démissionné. Pendant ce temps, les populations sont dans le relâchement et l’amusement. La preuve, à l’occasion de la fête de la Tabaski, elles ont fait fi des conseils du ministre de la Santé qui avait appelé les uns et les autres à passer la fête là où ils se trouvaient. Mais rien n’a changé dans les habitudes, les gens se sont rassemblés dans les gares et autres lieux de transport pour rallier massivement l’intérieur du pays. Pis, les gestes barrières n’étaient pas respectés. Dans l’espace public, la propension à se parer d’un masque a été très vite rangée aux oubliettes. La limitation du nombre de passagers dans les transports levée. Pourtant rien n’a changé dans l’évolution de la propagation du virus.
D’ailleurs, lors du dernier point mensuel, le Pr Moussa Seydi avait alerté par rapport à la tension relative à la disponibilité des lits au niveau des centres de traitement épidémique (Cte) justifiant le choix des autorités à prendre en charge à domicile des cas asymptomatiques et à mettre le focus sur les malades qui ont des facteurs de gravité. Encore, les tests sont désormais assouplis et effectués sur des personnes symptomatiques et vulnérables. Aujourd’hui, toutes les projections montrent que le virus continuera de circuler durant les mois à venir. Et sans le dire, le gouvernement semble avoir opté pour l’immunisation collective. Cette stratégie a été préconisé par l’expert en santé publique, Dr Moussa Thior, qui avait demandé à ce qu’on laisse libre cours à la circulation des personnes afin d’acquérir une immunité de masse. «Il faut laisser les populations circuler au lieu de les confiner pour avoir la protection de masse», avait-il déclaré. L’on se demande juste si une telle stratégie peut réussir dans le tâtonnement et sans stratégie. Et le cas échéant, il faudrait l’assumer avec des mécanismes de protection des personnes vulnérables (personnes âgées et celles présentant des comorbidités). Pour l’heure, le gouvernement semble être perdu dans sa stratégie globale de gestion de cette crise sanitaire.
PROGRAMME DE RELANCE ECONOMIQUE
Par contre, il est clamé à tuetête que l’option prise est d’apprendre à vivre avec le virus sans dire vraiment comment. Dans ce cadre, l’Etat avait aussi décidé de rouvrir ses frontières aériennes à partir du 15 juillet dernier. Ainsi, les vols internationaux devraient reprendre avec un protocole sanitaire bien défini. Mais il s’avère que l’espace Schengen est toujours fermé au Sénégal. Ce qui ne favorise pas une reprise rapide du dynamisme économique du pays si l’on sait que l’Union Européenne est l’un des partenaires privilégiés du Sénégal. Et la limitation des déplacements dans cet espace va forcément impacter sur l’économie sénégalaise et générer un manque à gagner. Cependant, il faut relever que le gouvernement compte s’adosser sur un programme de relance économique qui va reposer sur nos bases productives, dont l’agriculture qui bénéficie pour la présente campagne de ressources budgétaires exceptionnelles de 60 milliards Fcfa, contre 40 milliards Fcfa pour la précédente.
De même, la Banque mondiale a octroyé un financement de 150 millions de dollars pour soutenir le renforcement de la résilience et la productivité agricole. «Ce projet aidera à accroître l’exportation de cultures à haute valeur ajoutée, dont la filière horticole, à améliorer la productivité de l'élevage laitier et réduire le taux de mortalité des petits ruminants», avait expliqué le président de la République dans son adresse à la nation consacrant la levée de l’état d’urgence.