LE PCA DE DALAL JAAM JETTE L'ÉPONGE
EXCLUSIF SENEPLUS - L'hôpital inauguré depuis bientôt 5 ans est à moins de 30 % de son activité réelle. Le service de cardiologie est non-fonctionnel. Les employés se tournent les pouces à longueur de journée

C’est dans une correspondance datée du 10 aout 2020 adressée au président de la République que le Professeur Pape Touré a expliqué les raisons de sa démission du poste de président du conseil d’administration de la structure sanitaire. Le cancérologue de renommée déplore dans ladite lettre que le Centre Hospitalier Dalal Jaam ouvert depuis maintenant cinq (5) ans et destiné à être un des fleurons du système de santé hospitalière du pays, fonctionne encore comme un centre de santé. Et pour cause : les structures essentielles du plateau technique (laboratoire, imagerie médicale, réanimation, blocs opératoires, service d’urgence, etc.) ne sont toujours pas fonctionnelles, écrit le Professeur Touré.
La genèse du projet
C'est en 2003 que le projet de construction de cet hôpital sur une superficie de 10 hectares, pour un coût global de 51 milliards de FCFA, a été ficelé grâce à la contribution de partenaires extérieurs : BADEA, OFID, BID, FSD pour 80% du montant global et l'Etat du Sénégal pour 20 %.
L’infrastructure érigée en hôpital de niveau 3 (que le président Macky Sall ambitionne de transformer en hôpital de niveau 4) devait être dotée d’une capacité initiale de 300 lits extensibles à 500 lits à terme et devait comprendre des spécialités médicales et chirurgicales tels que : un centre de transplantation rénale, un Héliport, un centre de traitement du cancer, ainsi qu'un pôle mère/enfant, selon des informations disponibles sur le site de la présidence de la République.
Un hôpital de niveau 3 toujours en chantier, le blues des spécialistes
Depuis son inauguration en grande pompe en juillet 2016, en présence du président de la République et du ministre de la Santé d’alors, le professeur Awa Marie Coll Seck, l’hôpital n’a presque jamais fonctionné réellement. Une de nos sources sous couvert d’anonymat, affectée dans les lieux depuis 5 ans comme ses autres collègues, nous renseigne que Dalal Jaam est à moins de 30 % de son activité réelle. Des équipements médicaux déjà acquis n’ont toujours pas été installés parce que la livraison des quelques lots de bâtiments n’est pas effective. Actuellement, tout est à reprendre du fait de la corrosion avec la proximité de la mer.
La mise en service de ce plateau technique faisait pourtant partie des priorités du président de la République, rappelle le Professeur Touré dans sa lettre de démission, qui ajoute qu’une subvention de deux milliards et demi de FCFA est toujours attendue.
Par ailleurs, des sommités affectées sur place depuis 4 ans se tournent les pouces. Il est aussi impossible pour les étudiants d'y effectuer des stages corrects. Soulignons enfin, le non-fonctionnement du service de cardiologie et le fait qu'aucune femme n'a jamais accouché dans cette structure.
La goutte de trop
Ce qui a soulevé l’ire du désormais ex-PCA, c’est la décision du chef de l’Etat d’accorder à l’hôpital Dalal Jamm une subvention d’un milliard et demi de FCFA pour la construction de deux bâtiments destinés à abriter un centre de greffe de moelle et un centre de procréation médicalement assisté. La mesure fait le bonheur d'une poignée de spécialistes, alors que la grande majorité est contre parce que cela ne répond pas aux vraies préoccupations des populations polarisées par l'hôpital. La procréation assistée ou la greffe de la moelle sont mêmes inconnues de la plupart des sénégalais en dehors d'une élite ultra minoritaire.
Cette décision présidentielle de l’avis du Professeur Touré, est indéfendable dans la mesure où elle ne répond ni aux besoins immédiats de cet hôpital, ni à l’urgence qu’impose la pandémie de Covid-19, ni aux impératifs de santé publique.
Dalal Jaam est situé au cœur de Guédiawaye, 4e ville du pays par sa population estimée à près de 2 millions. Compte tenu de la précarité dans la banlieue, des difficultés d’accès aux soins de santé, accentuées par la pandémie à Covid-19, les priorités ne sont certainement pas la procréation assistée ou la greffe de la moelle épinière, à en croire les spécialistes.