«ON A LE VACCIN, MAIS ON N’A PAS ENCORE ASSEZ DE RECUL POUR SAVOIR CE QUI A ETE TROUVE DANS LES PETITS ESSAIS»
Ndèye Coumba Kane Touré s’exprimait en marge de la cérémonie de remise de chèques de financement du fonds de l’O-Covid-19 aux lauréats et de matériels aux universités Iba Der Thiam de Thiès, Cheikh Anta Diop de Dakar et Elhadji Ibrahima Niasse de Kaola

Virologue de formation, le recteur de l’Université du Sine Saloum Elhadji Ibrahima Niasse (USSEIN) revient, dans cet entretien, sur la mutation du virus SarsCov2 et sur le vaccin tant attendu et les limites matérielles qui peuvent freiner son utilisation au Sénégal. Madame Ndèye Coumba Kane Touré s’exprimait en marge de la cérémonie de remise de chèques de financement du fonds de l’O-Covid-19 aux lauréats et de matériels aux universités Iba Der Thiam de Thiès, Cheikh Anta Diop de Dakar et Elhadji Ibrahima Niasse de Kaolack.
On assiste à une seconde vague de Covid-19 et certains disent que celle-ci est beaucoup plus virulente que l’autre. Quelle est la différence et quelles sont les moyens de prévention ?
En termes de prévention, les moyens sont exactement les mêmes. Actuellement, on assiste à une recrudescence de cas de Covid-19 ; mais, du point de vue différence génétique par rapport au virus responsable de la première vague, il faut qu’on puisse l’étayer avec des études. Et nous, le projet qu’on a soumis au niveau du MESRI (ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) entre dans le cadre de la caractérisation des virus pour savoir est-ce qu’il y a une différence entre les virus responsables de la première vague et ceux qui sont responsables de la vague actuelle. Juste pour dire que le virus responsable de la Covid-19, qui est le SarsCov2, est un virus qui a un matériel génétique qui est constitué d’ARN ; et tous les virus qui ont un matériel génétique constitué d’ARN sont des virus qui vont faire des mutations. Et les mutations, parfois, ne sont pas perceptibles parce que ce sont des mutations qui sont silencieuses. Et quand la mutation a lieu sur un site particulier comme la mutation actuelle de la souche qui a été retrouvée au Sud de l’Angleterre et qui est en train de se propager un peu partout.
Même au niveau de notre continent (Afrique, ndlr) cette souche est en train de se développer. Elle a été retrouvée en Afrique du Sud et elle a été retrouvée au Nigéria. La mutation qui a lieu cette fois-ci, elle a lieu au niveau de la protéine d’enveloppe. Les protéines d’enveloppe qui vont permettre l’entrée du virus dans la cellule. Maintenant les conséquences par rapport à cette mutation ne sont pas encore connues. Ce qu’on a remarqué par rapport à cette mutation, à cette nouvelle souche, c’est que le taux de transmissibilité est très élevé ; la transmission est beaucoup plus rapide par rapport à la nouvelle souche
Au Sénégal, nous sommes dans une deuxième vague ; mais il faut qu’on arrive à caractériser le virus actuel et pouvoir le comparer avec le virus extérieur et voir si c’est le même virus. Regarder si notre virus a muté ou est-ce que notre virus a été pendant un certain temps en état de dormance. Parce que cela aussi ça existe chez les virus, surtout les virus saisonniers comme le virus de la grippe. Et le virus de SarsCov2, il faut toujours le voir comme le virus de la grippe. Si vous voyez par rapport à la grippe, il y a une surveillance au niveau mondial. Et cette surveillance permet de caractériser les virus qui circulent et de voir quels sont les antigènes qui seront mis dans le vaccin. Et c’est la raison pour laquelle, le vaccin du virus de la grippe change assez souvent. Et avec ce nouveau virus qu’est le virus de la Covid-19, on va tendre vers ça. Et ce que le MESRI est en train de faire est capital. Parce qu’en aidant les chercheurs à s’outiller, à s’équiper et à disposer de réactifs pour caractériser, au Sénégal, on pourra savoir en temps réel quelles sont les souches qui circulent et on pourra comparer ces souches avec celles qui sont dans les vaccins qui seront achetés. Et là, cela permettra de savoir si le vaccin est efficace ou pas. Donc, voilà par rapport à cette mutation. Mais sachez que tout virus à ARN est sujet à des mutations.
Est-ce qu’il y a lieu de s’inquiéter comme ça a été lors de la première vague, parce les pays n’étaient pas préparés ?
Oui, l’inquiétude doit toujours persister, elle doit toujours être là. Et pour éviter vraiment la propagation de ce virus, il faut que les mesures barrières soient respectées et respectées partout. Il faut vraiment le respect strict des mesures barrières. Au Sénégal, à un moment, on a fait un relâchement et les conséquences, c’est ce qu’on est en train de subir. Il faut que les mesures édictées soient observées et les journalistes jouent un rôle vraiment important dans le message à faire passer à la population. Nous n’avons pas encore de traitement spécifique. Tout ce qui est en train d’être utilisé, ce sont des traitements symptomatiques et des traitements de repositionnement moléculaire. Il n’y a pas encore un traitement dédié spécifique pour combattre le SarsCov2. On a le vaccin, mais on n’a pas encore assez de recul pour savoir ce qui a été trouvé dans les petits essais. Est-ce que c’est ça qu’on va retrouver dans le passage à l’échelle qui est en train d’être fait ? Et le premier vaccin, c’est un vaccin qui doit être conservé à -70° avant d’être injecté. Est-ce que dans nos pays, nous avons les conditions pour pouvoir vacciner tout Sénégalais se trouvant même à des lieux assez éloignés ? Donc, tout cela, il faut le prendre en considération.
Dans ce cas, quel est le meilleur moyen pour se protéger ?
Le meilleur moyen que nous avons actuellement pour se préserver, c’est le respect des mesures barrières et des mesures d’hygiènes préconisées par les autorités sanitaires et surtout porter le masque partout et bien le porter… On ne se protège pas contre l’agent de Police, mais plutôt contre un virus qui est invisible, qui peut faire mal, surtout pour les populations vivant avec une comorbidité ou la population âgée. Donc, c’est à nous de protéger nos concitoyens qui vivent avec une comorbidité ou la population âgée. Il faut que tout un chacun s’approprie les gestes barrières et les respecte pour qu’on puisse combattre ce fléau au niveau de notre pays.
Comment expliquer le taux de létalité qui est très élevé au niveau de l’Occident, par rapport au pays du Sahel ?
Par rapport à cette létalité, il y a plusieurs facteurs qu’il faut considérer. Généralement, si vous regardez la pyramide des âges dans nos pays, les personnes âgées représentent un faible pourcentage et la létalité et élevée dans ce groupe. Alors que dans les pays occidentaux, les personnes âgées représentent une forte proportion, les jeunes font généralement des formes qui soient des frustes, il n’y a même pas de signes et l’individu vit avec le virus jusqu’à éliminer le virus ou bien fait une forme asymptomatique. L’individu est là, il toussote, se dit qu’il a une grippe, une fatigue, mais on n’a pas systématisé les testings, on n’en a pas les moyens. Donc, cet individu, s’il ne respecte pas les gestes barrières, il va contaminer d’autres. Et, malheureusement, si parmi les personnes qu’il a contaminées, il y en a une qui est même jeune mais vivant avec une comorbidité ou une personne qui est âgée, on a un risque beaucoup plus accru de perdre ces personnes-là.
Donc ce n’est pas lié aux origines ?
Non ! Ce n’est pas lié, ou pour le moment, aux origines. On ne sait jamais parce qu’avec ce virus, c’est nouveau, on ne peut pas dire d’emblée de manière catégorique, à 100%, non. Il se peut qu’il y ait un fond génétique, on ne sait pas encore, parce qu’encore une fois, c’est un virus nouveau. Les recherches continuent, l’avenir nous édifiera.