APPRÉHENDER L’ETAT DE DROIT, C’EST ACCEPTER LE PLURALISME JURIDIQUE
Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly, premier président de la Cour Suprême du Sénégal estime qu’il faut repenser le concept d’Etat de droit, notamment dans un monde en pleine mutation

Prenant part hier à la deuxième session de formation en Droit international, le premier président de la Cour Suprême s’est fortement réjoui de la réussite de la première session qui s’était tenue en mai 2021 à Dakar. Toutefois, Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly estime qu’il faut repenser le concept d’Etat de droit, notamment dans un monde en pleine mutation.
Selon Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly, la formation continue pour les acteurs de la justice est essentielle afin d’assurer une bonne distribution de la justice. Dans la mesure où des personnels bien formés, se remettant souvent en cause, peuvent contribuer au renforcement de la confiance des justiciables en l’institution judiciaire par la qualité des décisions qui sont rendues.
Dans un contexte mondial marqué par des conflits multiformes, souligne le premier président de la Cour suprême, «l’Etat de droit semble être en crise de légitimité au point que certains auteurs se proposent de s’en passer. Tandis que d’autres proposent de le repenser fondamentalement dans un contexte d’Etat post moderne. Repenser le concept, car son contenu et même sa signification peuvent évoluer, comme tout phénomène juridique, confronté à l’évolution des sociétés humaines».
Pour le haut magistrat, l’Etat de droit est attaché à l’idéal de justice qu’il s’agit d’un mode de limitation du pouvoir qui vise à éviter l’arbitraire. «C’est pourquoi, ce concept qui constitue une valeur de référence aujourd’hui, au même titre que le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité ainsi que le respect des droits de l’homme, n’a de sens, que si son effectivité est garantie par un pouvoir judiciaire qui exerce pleinement un contrôle juridictionnel efficace».
En effet, Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly indique que le principe de l’Etat de droit ne trouve sa garantie que dans une société démocratique dans laquelle la séparation des pouvoirs est assurée avec une justice capable de répondre aux attentes légitimes des citoyens. «Pour cela, les Etats doivent êtres être suffisamment armés ou plutôt formés pour faire face aux nouveaux défis de l’Etat de droit et qui n’épargnent aucune société moderne. Des fondamentaux, qui pousse à une réflexion sur le rôle et la place de la justice face à la démultiplication des crises qui remettent en cause l’Etat de droit». Entre autres crises, on peut citer celles identitaire, sécuritaire, environnementale, la tyrannie des réseaux sociaux, le développements des «fakes news» etc…
Dans ce paysage sombre, il estime que l’éclair de lumière peut venir de la justice. «D’où l’urgence de redonner confiance, rassurer, apaiser pour apparaitre, non pas comme le seul protecteur du citoyen, mais comme le meilleur protecteur des droits des citoyens. L’action des juges doit sonner comme un rappel à l’ordre. Car l’Etat de droit, qui est un Etat soumis au droit, n’est effectif que si des mécanismes appropriés permettant effectivement de sanctionner et de réparer, sont mis à la disposition des citoyens. Appréhender l’Etat de droit aujourd’hui, c’est accepter le pluralisme juridique, qui suppose un dialogue des juridictions par des influences croisées».