AUCUNE SOCIÉTÉ N'EST À L'ABRI D'UN GÉNOCIDE, AVERTIT ADAMA DIENG
Le juriste sénégalais quitte ses fonctions de conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide. Retour sur son parcours au service du droit et des droits de l'homme

Adama Dieng a pris ses fonctions en tant que Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide en 2012, après une longue et brillante carrière dans le domaine du droit et des droits de l'homme. Il a quitté son poste à la fin du mois de juillet.
Dans le cadre de ces fonctions, il a contribué à renforcer l'État de droit, lutter contre l'impunité et renforcer les capacités des institutions judiciaires et démocratiques dans le monde entier.
Le mandat du Conseiller spécial pour la prévention du génocide a été établi en 2004 non seulement pour tirer la sonnette d'alarme sur les situations susceptibles de conduire à un génocide, mais aussi pour mettre à contribution l'ensemble du système des Nations Unies afin d'empêcher que de tels crimes ne se reproduisent.
Un parcours consacré au droit et aux droits humains
M. Dieng connaissait très bien le poids de cette responsabilité, ayant occupé le poste de greffier du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) des Nations Unies pendant trois mandats consécutifs, y introduisant des réformes clés pour aider l'organe à poursuivre les responsables du génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda,
Outre son affectation au TPIR, Adama Dieng a été Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti (1995-2000) et l’envoyé du Secrétaire général des Nations Unies au Malawi (1993). Il a également été consultant pour plusieurs organisations de l’ONU et internationales, notamment l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le Bureau des droits de l'homme des Nations Unies (HCDH), l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l'Union africaine (UA).
Après plus de huit ans en tant que Conseiller spécial, le juriste sénégalais prend congé de ses fonctions à l’ONU pour se consacrer au renforcement de la transparence et de l'État de droit dans toute l'Afrique ainsi qu'au renforcement du dialogue entre la société civile et les principales institutions africaines.
A la recherche de la paix dans le monde
Adama Dieng a toutefois confirmé qu'il reste à la disposition du Secrétaire général des Nations Unies pour des missions de médiation, et il demeure le Représentant du chef de l'ONU auprès de l'initiative mondiale menée par le pape François et le grand imam d'Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, sur « la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune ».
Dans son rapport de fin de mission, Adama Dieng revient sur son mandat, ses réalisations et ses défis.
L'une de ses plus grandes priorités dans le cadre de sa fonction était de « traduire la prévention du génocide en tant que norme internationale en une réalité pratique pouvant être mise en œuvre aux niveaux national et régional », écrit-il.
« Dans l'exercice de mon mandat, j'ai été guidé par ma ferme conviction qu'aucune société n'est à l'abri des crimes d'atrocité et de leurs facteurs de risque, et par ma conviction que plus tôt et plus profondément les graines de la prévention des crimes d'atrocité sont semées, mieux et plus durablement elles porteront leurs fruits », précise le juriste.
Un système d'alerte précoce
Sous sa direction, le Bureau a mis en place un système d'alerte précoce et des protocoles de vérification rigoureux, pour sonner l'alerte de la menace de génocide auprès du Conseil de sécurité et dans les capitales du monde entier.
Il a mis en garde contre « le risque élevé de génocide », lorsque les alarmes ont sonné au Myanmar, en République centrafricaine, en Côte d'Ivoire, au Soudan du Sud, en Iraq et lors d'autres crises, incitant la communauté internationale à agir pour sauver des vies.
« L'impact et le succès de mon mandat en matière de collecte et d'analyse d'informations, d'alerte précoce, de recommandations au Conseil de sécurité et de traduction de toute cette chaîne de mesures en actions concrètes de prévention des crimes d'atrocité, peuvent être illustrés par les cas de la République centrafricaine, du Soudan du Sud et du Mali, pour n'en citer que quelques-uns », rappelle M. Dieng.
Rétrospectivement, M. Dieng note qu’il a investi ses efforts « dans l'ajout aux mécanismes de prévention existants, par le haut, d'une approche plus ascendante, axée sur les capacités nationales et régionales ».
Au cours des huit dernières années, il a plaidé en faveur de la ratification universelle de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ; il a soutenu les efforts nationaux visant à intégrer les obligations découlant de cette convention ; il a contribué à la mise en place de mécanismes nationaux de contrôle des responsabilités en matière de prévention des crimes d'atrocité ; et il a dispensé une formation sur la prévention aux acteurs nationaux et régionaux.