BOUTIQUIERS, VENDEURS DE LAIT ET «MAIGA» ETALENT LEURS CRAINTES
Le président Macky Sall a décrété, avant-hier mardi, l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu de 21 heures à 05 heures du matin.

Le président Macky Sall a décrété, avant-hier mardi, l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu de 21 heures à 05 heures du matin. Une mesure qui fait l’objet de vives contestations à Keur Massar. En effet, boutiquiers, vendeurs de lait caillé et autres tenants du petit commerce jugent totalement inutile la décision du chef de l’Etat. D’autant que, selon eux, cela risque d’avoir un impact négatif réel sur leurs activités.
«C’est désastreux !» C’est par ces mots que Thierno, un boutiquier à Médina Gana Sarr, un quartier situé à Keur Massar, qualifie le couvre-feu décrété avant-hier (mardi 05 janvier) par le Président Macky Sall, de 21 heures à 5h du matin dans les régions de Dakar et Thiès. Une décision qui fait suite à la recrudescence des cas communautaires, des cas sévères, des cas graves et de nombreux décès de Covid-19 notés ces dernières semaines.
Derrière son comptoir pris d’assaut par de nombreux clients, ce jeune commerçant, la moitié du visage caché par un masque, désapprouve entièrement la décision du chef de l’Etat. Car pour lui, il est très difficile de savoir l’impact réel de la mesure par rapport à la circulation du virus. «On voit rarement les gens circuler pendant la nuit, donc on ne peut pas parler de propagation durant la nuit. En plus, nous sommes en période de fraîcheur pendant laquelle beaucoup de personnes ne sortent pratiquement pas le soir, contrairement à la journée où les gens font leur course et se côtoient dans les bus et les marchés», soutient-il.
Notre interlocuteur trouve que cette mesure va aggraver l’état de déliquescence de la situation économique. «On vendait jusqu’à minuit voire 1 heure du matin, si on nous oblige à fermer à 21 heures, cela risque d’être fatal pour notre petit commerce», lâche-t-il. A la place du couvre - feu, il recommande au gouvernement de mettre l’accent sur le contrôle rigoureux du respect des mesures barrières, notamment le port des masques et la limitation du nombre de voyageurs dans les transports publics. Un avis que partage son voisin Saidou, vendeur de lait caillé qui considère que le Président Macky Sall n’a pas retenu les leçons de la première vague. «Macky Sall et son gouvernement font dans le tâtonnement. C’est comme s’ils se soucient très peu de la souffrance des populations. Ils prennent des mesures comme ils veulent et ils y mettent fin du jour au lendemain, sans penser aux conséquences», fulmine-t-il. Selon toujours ce vendeur de lait caillé, la mesure du chef de l’Etat aura beaucoup d’impact sur leur activité, d’autant qu’ils ne vendent que la nuit. «Pratiquement, c’est vers 20H et 22h que les clients viennent, avec le couvre-feu, nous risquerons de perdre la clientèle et de voir notre chiffre d’affaire chuter», se désole Saidou qui invite le chef de l’Etat à revoir cette mesure.
A la station Keur Massar, une gargote établie à côté de l’axe principal attire l’attention des passants. De nombreux clients entourent la vendeuse sans aucun respect de gestes barrières. Maimouna, la gérante de cette gargote, masque mal ajusté, est plus occupée à servir les clients. Interrogée sur le sujet, elle se dit surprise par une telle décision. Elle estime que cela va aggraver la situation économique du pays. «Ce qui est plus grave, c’est qu’à ce jour, beaucoup de personnes doutent encore de l’existence de la maladie», dit-elle avant de proposer de repousser l’heure du couvre-feu jusqu’à 23 heures pour ne pas trop impacter certaines activités. «Chaque jour, nous vendons entre7h et 12h le matin et le soir entre 20h et minuit. S’il ne repousse pas l’heure du couvre-feu, nous serons obligés d’aller au chômage la nuit», alerte-t-elle.
A côté de la Gargote de Maimouna, Salif, vendeur de «Maiga», sans masque, discute avec le client sur le sujet. Il juge inutile la mesure. Pour lui, même si la covid-19 existe réellement, il y a des non-dits autour de cette histoire. «C’est une situation qui mettra en péril l’essentiel des activités du secteur non formel. C’est désolant, mais nous sommes obligés de nous conformer à la loi. Les autorités devraient au moins penser à notre situation, parce que la vie devient de plus en plus très difficile pour nous », se désole-t-il.