«CES MORTS NE VONT PAS PASSER PAR PERTES ET PROFITS… »
Le président de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (Lsdh), Me Assane Dioma Ndiaye, n’est pas resté insensible par rapport aux événements meurtriers des derniers jours.

Le président de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (Lsdh), Me Assane Dioma Ndiaye, n’est pas resté insensible par rapport aux événements meurtriers des derniers jours. Selon lui, toute société qui connait ce genre de conflit doit diagnostiquer la situation afin d’en tirer le meilleur profit pour l’avenir. Cependant, il a précisé que ces pertes en vies humaines ne doivent pas être passées par pertes et profits.
Très remonté face au nombre de morts enregistrés lors des manifestations politiques survenues ces derniers jours, l’avocat défenseur des droits de l’homme a tenu à rappeler que le principal combat de la Ligue sénégalaise des droits humains est d’éviter que des conflits arrivent à leur paroxysme et même des guerres de manière générale. « Nous savons que le plus grand facteur de violation des droits humains est les périodes de conflit. C’est pourquoi, dans notre démarche pédagogique, nous essayons d’amener les gouvernants à poser des actes qui puissent permettre d’avoir une paix durable, solide. C’est pourquoi, nous insistons toujours sur un Etat de droit efficient et sur le nécessaire respect des paradigmes de la démocratie.
Malheureusement, souvent en Afrique, les gouvernants ne prennent pas conscience des germes qui peuvent engendrer des conflits meurtriers et des drames humains comme on vient d’en connaître au Sénégal » a regretté d’emblée Me Assane Dioma Ndiaye.
Poursuivant, le défenseur des droits de l’homme a soutenu que naturellement, pour lui, il ne s’agit jamais de passer par pertes et profits des… pertes en vies humaines surtout si ces pertes atteignent une certaine proportion. « Comme nous l’avions fait durant les événements de 2011, nous sommes en train de faire un appel à témoins par rapport au nombre de victimes. Nous demandons aux familles impactées de se manifester. C’est vrai que le président de la République a déjà donné le ton en promettant d’indemniser les familles des victimes. Mais, pour nous, ce qui est le plus important c’est que des enquêtes impartiales et indépendantes se fassent et qu’on sache dans quelles conditions ces décès sont intervenus. S’il y a eu usage d’armes à feu, dans quelles circonstances y en a-t-il eu et s’il y a des culpabilités, qu’elles soient établies.
Pas dans une optique de rétribution pénale ou de répression mais qu’on en tire les leçons pour l’avenir. Parce que le conflit est inhérent à la société mais toute société qui connait ce genre de conflit doit diagnostiquer la situation afin d’en tirer le meilleur profit pour l’avenir. Si on ne tire pas de plus-value par rapport à des crises de cette nature, c’est que notre société est vouée au dépérissement. Donc, il est important qu’on fasse des enquêtes et que justice se fasse. Que les familles des victimes sachent pourquoi il en est ainsi.
A partir de ce moment-là, ces familles pourront faire leur deuil, exorciser leurs traumatismes et, éventuellement, pardonner. Mais, nous disons la vérité d’abord et ensuite le pardon. La vérité d’abord pour la non réitération des faits pour que demain il n’y ait plus jamais cela » a-t-il ajouté.
Saisine de la CPI
Selon l’avocat défenseur des droits de l’homme, il y a des initiatives qui sont allées dans ce sens de rendre justice aux victimes. « Il y a eu déjà des accusés de réception venant de la Cour pénale internationale (CPI), des citoyens sénégalais individuellement ont déjà saisi la CPI. Nous, à notre niveau, nous avons une démarche beaucoup plus documentée. Nous voulons d’abord avoir suffisamment d’éléments, savoir ce qui s’est réellement passé. Il faut comprendre que la CPI a une compétence subsidiaire. Il appartient aux justices nationales d’abord de faire leur travail d’autant plus que le Sénégal a ratifié le traité de Rome mais aussi notre pays a transposé dans son droit positif les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes de génocide qui relèvent de la compétence de la CPI.
En principe, la cour ne se saisit que si la juridiction nationale refuse d’ouvrir une enquête ou ne veut pas mettre en branle la justice » explique Me Assane Dioma Ndiaye. A en croire le président de la LSDH, en saisissant la CPI, celle-ci dit accuser réception car elle ne peut pas rester insensible mais elle va toujours poser cette condition : « prouvez-moi que la justice nationale a refusé de poursuivre les plaintes qui ont été déposées ou n’a pas la capacité de faire en sorte que justice se fasse. C’est à partir de ce moment qu’on peut parler d’une substitution de la Cpi aux juridictions nationales. C’est pourquoi on parle de subsidiarité de la Cour pénale internationale. C’est une pression supplémentaire sur les justices nationales car, si elles ne font pas leur travail, la Cour pénale va se substituer à elles. C’est bien qu’il y ait cette épée de Damoclès qui pèse sur la justice nationale et ce n’est pas l’œuvre d’organismes de droits de l’homme sénégalais mais d’initiatives de Sénégalais. Nous, on fait d’abord la documentation, le contact avec les victimes, les enquêtes internes à notre niveau, l’accompagnement des victimes … Après quoi, nous déciderons de la procédure appropriée » a conclu Me Assane Dioma Ndiaye.