DAKAR, CAPITALE D’INCUBATION DES MOUVEMENTS SOCIAUX AFRICAINS
La deuxième édition de l’Université Populaire de l’Engagement Citoyen (UPEC) s’est ouverte hier au Musée des Civilisations Noires

La deuxième édition de l’Université Populaire de l’Engagement Citoyen (UPEC) s’est ouverte hier au Musée des Civilisations Noires. Réunis dans une plate-forme dénommée AFRIKKI, plus de cinquante mouvements venant de 30 pays vont se pencher sur le thème : «poussée autocratique : l’action citoyenne en question».
On ne peut pas avoir une politique, une économie et des ordres et des moyens, alors qu’on n’a pas défini les finalités. C’est ce constat amer de l’économiste et écrivain Felwine Sall que «Yen a marre», «Balai Citoyen», «Filimbi», «Lucha» et les autres mouvements citoyens engagés dans la plate-forme AFRIKKI veulent inverser en se regroupant à Dakar, dans le cadre de la deuxième édition de l’UPEC. S’appuyant sur le contexte sous régional marqué par la propension chez les chefs d’Etat à vouloir briguer un troisième mandat, les activistes africains (certains ayant fait le déplacement à Dakar, d’autres participant par visioconférence et suivant à partir de leurs cellules à l’image des activistes guinéens), réfléchissent sur les actions citoyennes à mener dans une conjoncture de poussée autocratique en Afrique. «Il faut s’interroger sur les manières de faire de tous les engagements citoyens en Afrique face à une poussée autocratique qui se confirme de plus en plus. Cela permettra de voir si ce que l’on faisait, il y a 5 ans, marche toujours. Il ne s’agit pas simplement de dénoncer, mais de voir dans ce qui ne va pas comment on peut construire sur ce terreau pourri des Etats africains», souligne l’ancien coordonnateur du mouvement «Y en a marre», Fadel Barro. Il propose d’agir pour voir comment redonner de l’espoir et faire bouger les choses. «Beaucoup d’initiatives existent ou ont existé, mais le fait de les pérenniser pose problème», affirme le journaliste de formation, par ailleurs coordonnateur de la Plate-forme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF).
ALIOUNE TINE : «ON N’A JAMAIS VU UNE TELLE BANALISATION DU DROIT A LA VIE EN AFRIQUE»
Dans le même ordre d’idées, Fadel Barro a indiqué que le but des activistes est de chercher à façonner l’avenir. «L’heure n’est plus aux larmes. Nous avons été trop attentistes dans ce face-à-face terrible avec l’autre. Ils ne sont grands que parce nous sommes assis », affirme le coordonnateur de la PPLAAF. Présent à la rencontre, le président d’AFRIKAJOM Center, Alioune Tine, s’est appesanti sur le thème de la deuxième édition en mettant en exergue sa pertinence. «Nous vivons en Afrique actuellement une crise du suffrage universel, une crise des droits de l’Homme, une crise de l’Etat de droit. Avec la poussée autocratique, l’Afrique est en train de vivre des impasses sur tous les plans avec la volonté de vouloir faire du troisième mandat un fait accompli. Et pour le faire, il faut emprisonner la plupart des gens qui sont mobilisés en Guinée, au Bénin, au Togo, en Côte d’Ivoire», fulmine l’ancien secrétaire général de la Raddho. C’est pourquoi il considère que l’un des premiers chantiers pour les mouvements citoyens en Afrique, c’est de dire à ces dirigeants que le chemin qu’ils ont emprunté mène vers une impasse. «C’est ça le combat de l’heure. Nous, nous assistons aujourd’hui à une terrible régression par rapport au droit à la vie. On n’a jamais vu une telle banalisation du droit à la vie en Afrique», s’alarme Alioune Tine qui trouve que l’Afrique fait face à des tendances lourdes à l’autoritarisme, à la violation de la limitation de mandats. «Parler de cette question, c’est parler de toute la vulnérabilité du continent africain», dit Monsieur Tine.
VALSERO : «IL EST IMPORTANT DE REVOIR NOS CODES EN TANT QU’AFRICAIN»
Surnommé «le Général», le chanteur camerounais Gaston Abé dit Valsero, connu pour ses critiques acerbes à l’encontre du régime de Paul Biya qu’il accuse d’avoir «zombifié» les camerounais, a indiqué que les africains doivent déconstruire leurs imaginaires. «Il est important de revoir nos codes et il n’y a aucune raison d’être fier», tonne l’activiste emprisonné à maintes reprises par le régime camerounais. Pour lui, l’activisme n’existe que là où existe la restriction des libertés. Critiquant l’Unesco, pourtant partenaire de l’évènement, il a soutenu que ces genres d’institutions sont en même temps complices des chefs d’Etat africains. A noter que l’UPEC est l’agenda des mouvements sociaux africains. Elle a été créée à la suite du constat selon lequel il manque dans l’espace public africain un rendez-vous où parler des problèmes du continent, de se projeter dans des utopies actives. «Nous ne pouvons pas accepter cette position de ‘’damnés de la terre’’ comme s’il agissait d’un verdict définitif», lit-on dans le communiqué de la présentation de l’UPEC.