DAKAR, ENTRE CALVAIRE DES USAGERS ET VILLE MORTE
Grève des transporteurs, Dakar sans taxis jaunes-noirs, sans cars rapides, sans Tata, sans «Ndiaga-Ndiaye» et sans taxis clandestins, communément appelés «clandos».

Dakar sans taxis jaunes-noirs, sans cars rapides, sans Tata, sans «Ndiaga-Ndiaye» et sans taxis clandestins, communément appelés «clandos». Le décor est inhabituel, mais c’était une réalité dans la capitale sénégalaise, hier mercredi, au premier jour de grève de 48h du Cadre unique des syndicats des transporteurs du Sénégal, regroupant 14 organisations du secteur des transports routiers. Un mouvement largement suivi qui a causé du tournis aux nombreux usagers de ces moyens de locomotions. Dakar Dem Dikk ayant peiné à sauver les meubles avec ces cars en roue libre sur des voies exceptionnellement dégagées et face aux tarifs exorbitants du système de co-voiturage initié par des particuliers, nombre de Dakarois notamment de la banlieue ont eu recours aux services des «charretiers» et des «Taf Taf», du nom des motos-taxis Jakarta de Dakar, pour se déplacer et atténuer leur calvaire.
Ecoliers et étudiants, ouvriers, commerçants, marchands ambulants et tabliers, des salariés et autres travailleurs marchant sur de longues distances pour se rendre à leurs établissements et lieux de travail. Des bus de la société de transport public Dakar Dem Dikk plein à craquer. C’est entre autres décors et calvaires des usagers des transports en commun de voyageurs à Dakar et sa Banlieue hier, mercredi 1er décembre 2021.
Contrairement aux embouteillages monstres vécus et visibles sur les principaux axes routiers tous les jours ouvrables aux heures de pointe et même les week-ends à certaines heures, la circulation était fluide partout, voire même des rues complètement désertes par endroits. Les quelques particuliers, véhicules de services et autres pouvaient rouler à roue libre.
La grève générale de 48 heures décrétées, les 1er et 2 décembre, par un regroupement de 14 syndicats du secteur des transports publics privés, le Cadre unique des syndicats des transporteurs du Sénégal, est passée par là. Minibus Tata, cars rapides, «Ndiaga-Ndiaye», taxis-clandos, tous ou presque étaient à l’arrêt, conformément à la directive de leurs représentants syndicaux. Le mot d’ordre était largement suivi et le secteur complètement paralysée. Malgré les efforts et offres de services de la société de transport public Dakar Dem Dikk dont les intervalles des rotations durent environ 15 à 30 minutes, voire plus. Dakar ressemblait à une «ville muette», avec moins de ronronnements de moteurs et de klaxons... Bref, le secteur du transport en commun routier était quasiment «mort» parce que moins exploité, avec des manques à gagner énormes aussi bien du côté des autorités, des transporteurs que des usagers. C’est ce que pense cet homme, la trentaine, rencontré à l’arrêt des bus de Liberté 6. Et d’ajouter : «ils ont le devoir de boycotter ou de se syndiquer pour revendiquer leurs droits».
«L’ETAT EST LE SEUL PROBLEME DU SECTEUR ET LA SEULE SOLUTION»
Mapenda Seck, étudiant en Commerce international dans un établissement d’enseignement supérieur privé croit fortement que l’Etat du Sénégal devrait, par ses politiques, réaliser de bons projets de transports de masse et «surtout faire du rêve de Bus rapid transit (BRT) une réalité, faire rouler le train qui doit aller jusqu’à Thiès». Pour lui, les syndicats et le gouvernement doivent discuter pour mieux harmoniser leurs positions sur le secteur du transport routier. «Car Dakar est une ville qui accueille plus de personnes, contrairement aux autres régions du pays». A l’image de ces clients, des chauffeurs ayant leur quartier général en face de la mosquée de Grand-Dakar située vers El Mansour, se disent tous très mécontents de la gestion des routes, des embouteillages très fréquents. Pour leur porte-parole, Ibrahima Ndiaye, qui donne en exemple «l’image des pays développés», «l’Etat est le seul problème du secteur et la seule solution… Les agents de circulation sont un casse-tête, ils confisquent nos papiers, nous demandent de l’argents des fois sans aucune raison. Le secteur doit être bien géré du côté des chauffeurs comme des autorités et des syndicats».
DAKAR DEM DIKK POUR JUGULER LE CALVAIRE, MAIS…
De l’autre côté, face aux désordres et désagréments nés de cette grève, des «Ndiaga-Ndiaye» et autres, les bus Dakar Dem Dikk s’activent sur le terrain pour déposer des usagers à leurs destinations respectives, notamment des étudiants souhaitant aller à l’Université Cheikh Anta Diop et d’autres établissements. De l’avis de Absa Diagne, commerçante et étudiante en sociologie, à la fois, cette grève l’a empêché d’aller, depuis le matin à Colobane, pour faire son petit business. «Aucune société de ne peut vivre aujourd’hui sans transports en commun. Le monde n’est pas égalitaire car toutes les personnes n’ont pas les moyens de se doter de véhicule particulier», a déclaré Absa Diagne, âgée de 23 ans. Avant de dire : «aujourd’hui, les syndicalistes du secteur du transport routier doivent aussi savoir que ce ne sont pas les grèves qui règleront les problèmes du secteur. Les relations entre l’Etat et les syndicalistes doivent être fructueuses, au bénéfice du plus petit des sénégalais et sénégalaises».
PETERSEN, LE VRAI VISAGE… DE LA GREVE
De nature animée et bruyant, de toutes les rues, ruelles et gares routières visitées, la gare urbaine de Petersen en disait long sur l’impact et les conséquences de cette grève. Quartier commercial, en plus du transport, situé au centre-ville et à quelques mètres du grand marché Sandaga, peu de commerçants ont eu l’occasion de quitter la banlieue pour rejoindre leurs magasins sur place. Plus connu sous le nom de «Mbaye business», Seydi Mbaye confie avoir passé la nuit en ville, chez un ami, afin de ne pas être confronté aux ennuies de la grève. «Il y a un silence particulier et les clients ne sont pas là aujourd’hui, à cause de la grève. C’est une perte pour nous tous», a-t-il conclu