DES BARONS «DICTENT» LA LOI ET «BLOQUENT» L’ASCENSION DES STAGIAIRES
Les professions de notaire et d’huissier de justice sont dites libérales, mais elles ne sont pas pour autant accessibles. Les jeunes aspirants accusent les barons du milieu de «bloquer» leur ascension dans ce métier.

Les professions de notaire et d’huissier de justice sont dites libérales, mais elles ne sont pas pour autant accessibles. Les jeunes aspirants accusent les barons du milieu de «bloquer» leur ascension dans ce métier.
C’est par une lettre ouverte adressée au président de la République du Sénégal que les Huissiers de Justice stagiaires se sont faits entendre pour parler de leur situation. Six mois après la fin de leur stage, ils disent attendre toujours leur décret de nomination afin d’exercer leur profession de façon autonome. «Toutes les informations, de même que les échos font état d’un projet de décret qui serait au niveau du Secrétariat Général du Gouvernement en attente de son adoption par le conseil des ministres, projet d’ailleurs dont nous ignorons complètement le contenu», ont-ils écrit au chef de l’Etat.
Poursuivant, les 16 huissiers stagiaires soutiennent qu’il leur a été rapporté, de sources concordantes, que certaines personnes (clercs) qui avaient échoué au concours d’entrée, tendent à être recasées, par un lobby d’huissiers de justice tapis dans l’ombre. «Il semblerait d’ailleurs que ces derniers ont inséré dans le projet de décret qui est actuellement au Secrétariat du Gouvernement, une disposition transitoire dont la seule motivation est de recaser ces clercs ayant échoué au concours d’entrée ou choisi délibérément de ne pas se présenter au concours», ont-ils révélé dans la lettre ouverte adressée au Président Macky Sall. Ils brandissent l’arrêt n°61 du 28 Décembre 2017 de la chambre administrative de la Cour Suprême du Sénégal qui a décidé, conformément à l’article 36 du Décret portant statut des Huissiers de Justice, que pour être nommé Huissier de justice : « ces clercs doivent être titulaires d’une maîtrise en droit, d’un master II en droit ou d’un diplôme admis en équivalence, avoir subi avec succès les épreuves du concours d’aptitude au stage, avoir accompli un stage de deux ans dans une étude ou une société civile professionnelle d’Huissier.»
Malheureusement, déplorent-ils, ce lobby veut passer outre cet arrêt de la Cour Suprême et trouver une porte de sortie à ces personnes n’ayant pas rempli les conditions fixées par le Décret 2015, portant statut des huissiers de Justice. Ils demandent ainsi au chef de l’Etat de ne nullement cautionner une telle injustice dans une République qui prône une gouvernance juste, sobre et vertueuse. Ainsi, ils demandent au président de la République de prendre les dispositions allant dans le sens d’un dénouement juste et rapide de cette situation afin qu’ils puissent exercer leur profession dans les plus brefs délais.
LOBBYING POUR UNE REEVALUATION DE LA REFORME SUR LE STATUT DES NOTAIRES
Il faut relever que les huissiers ne sont pas les seuls à vivre ce problème d’accessibilité à la profession. Cette situation est aussi valable pour les notaires stagiaires. Ces derniers qui ont fini leur stage en 2016 n’ont toujours pas été intégrés. Preuve, selon eux, que les barons «dictent» les lois dans ces milieux, en 2002, l’Etat avait réformé le statut des notaires en instaurant un concours d’entrée qui ne sera finalement organisé que 11 ans après, en 2013. Pis, en plus de ce dilatoire, les 22 personnes retenues à l’issue de ce concours courent depuis 2016 derrière leur nomination.
A les en croire, ce sont les barons qui entravent le processus. Un autre fait qui atteste de la puissance et de la force d’influence de ces derniers, c’est leur lobbying pour une réévaluation de certaines mesures prises à l’issue de la réforme portant statut des notaires. Il faut dire qu’un décret a été adopté en conseil des ministres le 10 juin dernier et l’une des innovations, c’est l’âge légal de départ à la retraite dans une profession qui jusque-là ne prévoyait pas d’âge de retraite. Il a été ainsi fixé à 70 ans et de façon dérogatoire à 72 ans.
Auparavant, les notaires pouvaient exercer leur métier à vie à moins qu’ils ne démissionnent de leur propre chef. Et selon nos sources, ce nouveau décret encadrant l’âge d’exercice de la profession n’a pas plu aux barons du milieu. C’est dans ce sens d’ailleurs, selon toujours nos sources, que le président de la République leur a accordé une audience dernièrement avant de leur promettre de revenir sur certaines dispositions substantielles de la réforme.