DES MARAICHERS MENACENT DE TRADUIRE L’ÉTAT EN JUSTICE
Il s’agit du non démarrage d’un vieux projet de soutien aux changements climatiques signé en 2011 et qui, en principe, devait impacter les maraîchers de la zone des Niayes, notamment ceux qui sont établis à la Patte d’Oie

Dans un contexte où toute la planète se coalise pour une action forte contre les changements climatiques, au Sénégal, un projet écologique d’énormes opportunités est perdu dans les arcanes de l’administration. Signé en 2011 et fruit d’un don du Fonds Nordique de Développement avec ses deux composantes Biogaz et Réutilisation des eaux usées épurées, ce projet qui a connu un début d’exécution à Pikine tarde toujours à démarrer à la Patte d’Oie. Ce qui révolte les maraîchers de cette zone qui comptent traduire l’État en justice.
Dans la zone des Niayes, les arbres s’entrelacent et forment plusieurs couples. De cette union naturelle, se dégage de l’oxygène permettant aux habitants de la capitale sénégalaise de respirer de l’air pur. Mais, cette réserve naturelle, seul poumon vert dans le département de Dakar, est privée d’un énorme programme qui devrait aider à mieux faire face aux effets néfastes des changements climatiques. Il s’agit d’un vieux projet de soutien aux changements climatiques signé en 2011 et qui, en principe, devait impacter les maraîchers de la zone des Niayes, notamment ceux qui sont établis à la Patte d’Oie. Dans cette grande zone protégée depuis 1952, chaque maraîcher exploite au minimum une parcelle de 1355 m2. Mais, le plus important pour ces maraîchers trouvés en train de retourner la terre, c’est de faire vivre cette poche d’oxygène. En effet, le Projet Millenium de l’Eau et de l’Assainissement, avec ses deux (2) composantes Biogaz et Réutilisation des eaux usées épurées, devrait participer au soutien des changements climatiques.
Financé par le Fonds Nordique de Développement à hauteur de 4 millions d’euros soit 2,624 milliards Fcfa, ce programme vise essentiellement à réduire mais aussi à valoriser la pollution produite par l’agglomération de Dakar par une utilisation plus efficace de la ressource en eaux usées épurées dans l’adaptation aux effets du changement climatique sur les périmètres agricoles. Près de 10 ans après sa signature et son entrée en vigueur, le projet notamment la composante n°2 qui devrait couvrir toutes les superficies de la grande région naturelle des Niayes n’a pu démarrer que dans la zone de Pikine. «La première composante concerne l’Onas et son coût s’élève à 1,379 milliard Fcfa.
Destinée aux maraîchers, la seconde phase est financée à hauteur de 1,245 milliard Fcfa. Il y a eu un début d’exécution à Pikine. Le projet concerne la zone de Patte d’Oie, de Pikine et de Technopole. C’est la zone de Patte d’Oie même qui devrait abriter la station d’épuration», renseigne le président de l’Association des Maraîchers de la Patte d’Oie (Ampo), Arona Ndiaye trouvé dans son champ dans la zone des Niayes. Il faut souligner que dans la conclusion du rapport de l’étude d’impact en date de 2013, il a été recommandé de prendre des mesures idoines pour finaliser le processus de passation des marchés, contractualiser avec les bureaux d’études et entreprises et procéder à la réalisation des ouvrages dans les meilleurs délais. «Mieux, les auteurs avaient indiqué que si rien n’était fait pour rattraper le retard accumulé, il y aurait un fort risque que le projet ne puisse pas atteindre les objectifs assignés dans les délais fixés dans l’Accord de Don».
UN PROBLEME FONCIER A L’ORIGINE DE LA SUSPENSION DU PROJET
Le président de l’Ampo et ses camarades accusent l’Onas d’être à l’origine de la suspension du projet. «Ce qui nous intrigue, c’est comment l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (Onas) peut-il se prévaloir d’une quelconque parcelle de terres dans la zone. D’ailleurs, la station d’épuration l’Onas ne s’étend que sur 1,5ha.On a l’impression donc qu’il y a deux Onas. S’ils avaient des logements, depuis le début, sur cette surface, normalement ils allaient délimiter leurs terres sur la cartographie dès l’étude d’impact du projet», soulignent les maraîchers qui réclament le démarrage effectif du projet, puisque le financement était déjà disponible. Par ailleurs, après avoir cherché plusieurs fois à entrer en contact avec les dirigeants de l’Onas sans succès, l’Association des maraîchers de la Patte d’Oie compte saisir un huissier de justice afin de traduire l’Etat du Sénégal en justice. D’autant qu’ils veulent être édifiés sur le blocage de ce projet de soutien aux changements climatiques. «Si l’administration n’accède pas à notre requête, nous serons obligés d’assigner l’Etat du Sénégal devant les juridictions nationales dans le but de trouver une solution pour que le projet puisse démarrer. On ne peut pas laisser filer un projet aussi important dans la lutte contre les changements climatiques sans rien faire», avertissent Monsieur Ndiaye et ses amis.
OUSMANE DIOP, DIRECTEUR DES TRAVAUX DE L’ONAS : «Les gens ignorent que la date de clôture de l’accord de prêt est arrivée à terme»
Contacté par «L’As», le Directeur des Travaux de l’Onas réfute toute accusation formulée contre la structure et affirme qu’il n’y a pas eu de blocage. «Les gens ignorent que la date de clôture de l’accord de prêt est arrivée à terme. L’Etat du Sénégal a écrit au Fonds nordique de développement pour qu’il prolonge la date de clôture du projet», argue Ousmane Diop au bout du fil. Selon le responsable des Travaux à l’Onas, si une personne travaille sur plusieurs sites alors que le démarrage simultanément n’est pas possible, elle doit choisir par où commencer. «Donc nous avons commencé par Pikine. C’est aussi simple que cela », dit-il ajoutant que les lotissements de l’Onas n’ont rien à voir avec le démarrage du projet. «Le lotissement est bien circonscrit et ne touche pas les travaux en cours. Concernant les logements de l’Onas dans la zone, cela me dépasse. Personnellement, ce qui m’intéresse ce sont les fonds du projet du Fonds Nordique de Développement», précise le Directeur des Travaux de l’Onas qui botte ainsi en touche toutes les accusations de bradage foncier soulevés par les maraîchers.