DEUX ANS APRES SA DISPARITION, LES TALIBES TOUJOURS INCONSOLABLES
15 mars 2017, 15 mars 2019, deux ans déjà que Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum n’est plus de ce monde.

Disparu de la scène publique pendant quelques années, le vide laissé par l’ancien Khalife Général de Tivaouane demeure encore immense, de nombreux talibés se sont recueillis hier en masse devant son mausolée.
Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum aura vécu 92 années, entouré de mystère. Il a toujours suscité de l’intérêt dans la société sénégalaise. Ses contemporains retiennent de lui “un apprenant surdoué”. Cette précocité intellectuelle l’amène à jouer ses premiers rôles aux côtés de son père dans les dernières années du califat de Serigne Babacar Sy. A la mort de ce dernier, le fondateur du Moustarchidine Wal Moustarchidati se sert de sa position auprès des muqqadams (dignitaires) et des fidèles pour revendiquer la légitimité dans la succession. A défaut de succéder à son défunt père, le guide religieux fonde son propre dahira Moustarchidine Walmoustarchidati. Son ouverture d’esprit l’amena à étudier le Français sans grande difficulté.
Philosophe de nature, il développe un intérêt particulier pour la politique et entre en contact avec les hommes politiques avec qui Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy entretiendra des relations pas assez tendres. Il fonde ainsi le Parti de la solidarité sénégalaise (PSS) et s’oppose au Président Léopold Sédar Senghor, avec divers politiciens notamment Ibrahima Seydou Ndao et Me Moustapha Wade, ainsi que le marabout Cheikh Ibrahima Niasse. En 1959, la contestation de résultats électoraux jugés “tronqués” par le PSS et le PAI vaudra à Cheikh un séjour carcéral. Quelques années plus tard, Serigne Cheikh est nommé ambassadeur du Sénégal au Caire auprès de la République arabe unie (Egypte et Syrie). La fin ne fut pas prospère.
Aux accusations de “fautes de gestion” se mêlent celles d'un “rapprochement inquiétant avec les milieux arabo-musulmans”. La crainte venait surtout des autorités françaises et des proFrançais dans l'entourage de Senghor. Avec les régimes successifs, son parcours politique est parsemé de d’alliance et séparation. Mais, chez les intellectuels notamment les lettrés en arabe, Serigne Cheikh Tidiane Sy incarne le renouveau dans l'islam au Sénégal. En 1955, le jeune marabout Tidjane monte l'Association éducative islamique en même temps, il lance le journal « L'islam éternel ». Ainsi, il multiplie les conférences thématiques sur l'Islam, la société, la science, la culture et la politique. Mystique, intellectuel et politique, Cheikh Tidiane ajoute à son tableau de chasse la figure de l'homme d'affaires. Producteur d'arachides dans le Saloum, il s'est ensuite intéressé à l'industrie (huilerie et tomate de conserve) avant de devenir actionnaire majoritaire dans l'unique cimenterie du pays à l'époque, la SOCOCIM. Al Makhtoum, c'est surtout la maîtrise de la parabole comme méthode d'éducation allusive alliée à un humour qui tenait ses inconditionnels disciples en haleine lors des conférences qu’il animait.