ENGAGEMENT DE LA GAMBIE À COMBATTRE LE TRAFIC ILLICITE DE BOIS EN CASAMANCE, UN OUI DE FAÇADE
Le Sénégal et la Gambie ont entériné un nouvel accord de coopération pour freiner le trafic abusif de bois au Sud du pays, le vendredi 15 janvier passé.

Le Sénégal et la Gambie ont entériné un nouvel accord de coopération pour freiner le trafic abusif de bois au Sud du pays, le vendredi 15 janvier passé. La question qui se pose est l’opportunité d’un tel engagement, si l’on sait que les décisions antérieurement prises par ce pays voisin n’ont pas servi à endiguer le phénomène qui continue sa progression. Il semble que les beaux discours du gouvernement d’Adama Barrow ont pris le dessus sur des actes concrets et sincères qui militent pour la cessation de ce trafic illicite qui décime les dernières réserves de forêt du Sénégal.
L’information barre la «Une» du quotidien national «Le Soleil» du samedi 16 et dimanche 17 janvier 2021. «Lutte contre la coupe illicite de bois : Dakar et Banjul décrètent la tolérance zéro», estil titré. Le quotidien gouvernemental est revenu sur cet accord parce que la veille, vendredi 15 janvier, une réunion avait été organisée à Dakar sur la question. A cette occasion, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et des Gambiens de l’étranger, Mamadou Tangara, revenant sur la question de la coupe et du trafic illicite de bois dans les forêts méridionales du Sénégal, a soutenu que «ce n’est pas un problème gambien, ni sénégalais, mais un problème sénégambien».
Avant de réaffirmer l’engagement du gouvernement gambien du président Adama Barrow de travailler, main dans la main, avec le président Macky Sall, pour qu’une solution pérenne soit trouvée. Cependant, il serait «nihiliste» de croire à ce fort engagement de l’autorité gambienne, si l’on sait que de telles volontés avaient été manifestées par son pays, de par le passé, sans qu’elles ne soient suivies d’effets conséquents. Oui ! Ce cri de guerre à côté du Sénégal n’est pas une nouveauté. En 2018, le président Macky Sall et son homologue gambien, Adama Barrow, fraichement arrivé au pouvoir, avaient décrété une entente dans ce sens. «Le trafic illicite de bois n’est pas seulement une violation formelle de la loi ; il est aussi et surtout une source d’instabilité pour la société et l’Etat. C’est pourquoi nous ne devons ménager aucun effort pour faire de la lutte contre ce fléau une priorité de premier ordre, notamment dans le cadre de l’accord sur la gestion des ressources transfrontalières dans le domaine de la foresterie», avait dit le président de la République, Macky Sall, lors d’un Conseil présidentiel.
Par la suite, les deux pays avaient signé une entente dans la lutte contre le trafic de bois. Aussi, toujours en 2018, lors d’un atelier régional sur la gestion des forêts transfrontalières entre la Gambie, la Guinée-Bissau et le Sénégal, ayant été tenu à Kaolack le 26 juillet 2018, sous la Direction de la Banque Mondiale, le ministre gambien de l’Environnement, des Changements climatiques et des Ressources naturelles, Lamine Dibba, avait fait état de la ferme volonté de son pays à préserver les forêts frontalières. La volonté de coopérer est donc exprimée, à tout va. Mais, toujours sans que le résultat attendu de ces engagements «manifestés» ne soit noté. Malgré le déploiement de Forces de défense et de sécurité sénégalaises le long de la frontière entre les deux pays, les trafiquants de bois continuent d’exercer leurs activités, un de leurs refuges étant la Gambie. Suréquipés, comme le reconnait-on souvent, ils narguent les agents des Eaux et Forêts.
UNE ENQUÊTE DE BBC DÉMONTRE UN VASTE RÉSEAU DE TRAFIC VERS LA CHINE À PARTIR DE LA GAMBIE, EN MARS 2020
La marchandise frauduleuse qui n’est autre que des troncs d’arbres pris à la Casamance, transite par la Gambie pour des pays comme la Chine. On se rappelle qu’en décembre 2019, la Brigade des Eaux et Forêts de Sindian avait mis la main sur deux camions immatriculés en Gambie et remplis de bois. Plus tôt, en avril de la même année, une saisie record, au port de Banjul, de quatre (4) conteneurs de bois en provenance du Sénégal, avait été signalé par le quotidien «Source A».
En mars 2020, l’enquête de BBC Eyes intitulée «Les arbres qui saignent», faite sur le trafic de bois vers la Chine en provenance de la Gambie, révèle qu’au cours des six dernières années, ce pays a exporté plus de 600.000 tonnes de bois de rose. La marchandise est venue du Sénégal. Pour le média international britannique, c’est l’équivalent d’un (1) million d’arbres qui a été expédié en Chine, dont la valeur est estimée à 300 millions de dollars. Mieux, 300.000 tonnes de bois de rose ont été exportées vers la Chine, depuis la Gambie, en trois ans, c’est-à-dire de 2017 à 2020. Et pourtant, l’arrivée du président Adama Barrow au pouvoir en 2017 avait fait naître de l’espoir quant à la disparition de la pratique.
Hélas ! La donne n’a pas changé et les autorités sénégalaises le reconnaissent d’ailleurs. En atteste, le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Aïssata Tall Sall, a affirmé, lors de cette rencontre bipartite, que «les rapports et autres données dont nous disposons décrivent une situation alarmante, ainsi qu’un désastre écologique, sanitaire». Il s’y ajoute, souligne-t-elle, que les coupeurs de bois rusent avec les Forces de sécurité.
A signaler que le gouvernement du Sénégal a multiplié les actions afin que le bois de vène soit inscrit à l’Annexe 2 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Mais le trafic continue. L’urgence est donc, pour le Sénégal, de miser sur une alliance saine afin de préserver ce qu’il reste des forêts de cette partie sud qui regorge les dernières richesses forestières du pays.
DOUBLE JEU DE LA GAMBIE : Ces faits qui accablent le pays de Barrow
Le 6 janvier dernier, les agents des Eaux et Forêts de la Brigade de Sindian ont saisi un véhicule, avec immatriculation gambienne. A son bord, il y avait 60 billons de vène d’un mètre de long chacun.
Selon une source proche du dossier, l’opération a permis l’arrestation de trois Gambiens actuellement en garde à vue à Bignona et la procédure de déferrement est en cours. Autre chose qui prouve aussi que la partie gambienne ne joue pas franc jeu dans cette affaire de coupe et trafic illicite de bois des forêts casamançaises, c’est le refus de droit de poursuite de présumées «délinquants» du couvert végétal, en territoire gambien.
Lors de la réunion du vendredi, elle n’a pas voulu l’instauration d’une telle règlementation. Ainsi, avec une frontière très vaste, il est très facile pour le trafiquant de bois, poursuivi par les agents des Eaux et Forêts, de se réfugier en Gambie, sans être inquiété. De même, les villageois à la frontière sont réticents souvent à la présence des Forces sénégalaises.
L’on se souvient, en effet, de l’histoire des agents de sécurité qui ont été séquestrés par des populations gambiennes. L’engagement de la Gambie pour combattre la coupe de bois n’est donc qu’une ruse, faisant croire au voisin sénégalais que la volonté y est. Or, la vérité est toute autre. La Gambie tient à ce business lucratif qui renfloue ses caisses