ENTRE LARMES, TRISTESSE, JETS DE PIERRES ET GAZ LACRYMOGENES
Le spectacle était désolant ce week-end au quartier Mbour 4 extension de Thiès, avec une opération de démolitions de constructions dites irrégulières, par la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (DSCOS).

Le spectacle était désolant ce week-end au quartier Mbour 4 extension de Thiès, avec une opération de démolitions de constructions dites irrégulières, par la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (DSCOS). Les bulldozers ont pris d’assaut des maisons, sous les yeux impuissants de pères de familles qui ont versé de chaudes larmes. Irrités, les jeunes se sont finalement révoltés et il s’en est suivi des jets de gaz lacrymogènes par les forces de sécurité et de pierres par les manifestants.
Au quartier Mbour 4 extension de Thiès, le pire a été évité de justesse ce week-end, lors des opérations de démolitions de constructions jugées irrégulières et bâties dans la forêt classée. Les opérations étaient menées par la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (DSCOS) sous l’égide des autorités compétentes. Le spectacle était pour le moins surréaliste le samedi matin, avec des bulldozers qui ont pris d’assaut des maisons pour les transformer en poussière et dont le coût est parfois estimé à plusieurs dizaines de millions de Fcfa. Tout s’est déroulé devant des pères de familles impuissants et certains n’ont eu d’autre recours que de verser de très chaudes larmes, voyant tout leur avenir et celui de leurs progénitures anéantis en quelques minutes. Des familles ont tenté d’ailleurs de faire de la résistance, préférant mourir avec leurs enfants dans leurs maisons, plutôt que d’en sortir pour se retrouver dans la rue. Mais la plupart d’entre elles n’ont pu tenir devant la force publique et de guerre lasse, elles ont assisté à l’écroulement de leurs maisons. Les jeunes du quartier et des environs se sont révoltés, pour ensuite convoquer la violence dans leurs arguments, avec des jets de pierres ; les forces de l’ordre ont répliqué avec des gaz lacrymogènes et des courses-poursuites. Des pneus ont été brûlés partout dans la zone et les axes routiers bloqués avec des briques et autres objets. Ce face-à-face entre policiers et jeunes a été ponctué par plusieurs arrestations dans les rangs des manifestants. La couleur avait été déjà été donnée la veille après que l’autorité administrative a donné le coup d’envoi des destructions. Dans la nuit, des scènes de révolte se sont multipliées dans la rue, causant des embouteillages monstres sur la route de Mbour, dans l’axe Stade Lat-Dior vers l’autoroute à péage. Le premier jour de démolition avait déjà fait beaucoup de victimes avec des familles ayant passé la nuit à la belle étoile. D’autres ont passé la nuit à la mairie de Thiès-Ouest et les plus chanceux ont bénéficié de chambres d’hôtel prises en charge par le Maire de Thiès-Ouest. Les yeux larmoyants, le peintre Ousmane Ndiaye affirme que si les destructeurs connaissaient à la lettre comment il a acquis sa parcelle de 300 mètres carrés, jamais ils n’auraient posé cet acte. Il poursuit : « Tout ce que j’étais en train de construire pour l’avenir de mes enfants et de mes parents s’est écroulé comme un château de cartes. J’avais déjà clôturé le terrain et même construit une chambre, mais tout est anéanti. Qu’on me rembourse au moins ce que j’ai déjà investi ! »
Les larmes aux yeux, Mamadou Diallo, habitant le quartier Mbour 3, explique qu’il tire ses revenus de la débrouillardise pour abriter et nourrir sa famille. Il indique d’ailleurs qu’une maison lui a été prêtée et il ne comptait que sur sa parcelle de Mbour 4 extension, pour avoir enfin un toit. Avec ses maigres économies, il avait pu entamer des travaux, notamment un bâtiment à 3 pièces dont la construction avait déjà atteint un niveau de 6 rangs après la fondation. Mais, se désole-t-il, tout a été détruit et l’espoir de toute une famille qui s’est envolé. C’est la ville de Thiès qui avait loti en 2006 le site en question à Mbour 4 extension, d’une superficie de 82 hectares. Mais il s’est trouvé que les 67 ha se trouvaient dans l’emprise de la forêt classée. Les attributaires se sont retrouvés devant cet obstacle, étant entendu qu’il fallait impérativement une déclassification avant toute construction. Ce qui n’est toujours pas le cas, malgré les promesses fermes faites par le Président Macky Sall en décembre 2017. Ne pouvant pas obtenir d’autorisation de construire dans ces conditions, beaucoup de propriétaires de parcelles ont engagé des constructions comme si de rien n’était, malgré les sommations de la DSCOS et parfois même les travaux se faisaient la nuit, pour échapper au contrôle. « Les gens ont toujours fait la sourde oreille, c’est pourquoi, l’administration a décidé d’intervenir sur le terrain et procéder aux démolitions qui s’imposent », a déclaré le Préfet de Thiès.
LE MAIRE TALLA SYLLA OBTIENT LA SUSPENSION DES OPERATIONS
La tension était vive dans tous les environs, avec des courses-poursuites entre policiers et jeunes manifestants, ponctuées par des échanges de jets de pierres et de gaz lacrymogènes. C’est dire que de graves dérapages étaient en train d’être opérés, avec une violence qui s’intensifiait de plus en plus et pouvant mener à l’irréparable, qui semblait d’ailleurs imminent. C’est dans cette ambiance délétère que Talla Sylla Maire de la ville de Thiès a débarqué, pour apporter la nouvelle qui a ramené le calme et signé la cessation des hostilités. Il venait d’obtenir des autorités la suspension des opérations de démolitions.
S’expliquant sur cette nouvelle donne, il déclare devant une foule de pères de familles soulagés : « Dès que nous avons été informés de la situation qui prévalait à Mbour 4 extension, nous avons tenu à prendre langue avec les autorités concernées qui pouvaient prendre des initiatives et poser des actes concrets allant dans le sens de stabiliser, de calmer la situation et d’ouvrir des perspectives d’échanges, de dialogue pour permettre qu’il y ait des solutions durables. Nous avons obtenu des autorités la décision d’arrêter les démolitions, mais nous sommes aussi porteurs d’un message auprès des populations et c’est pourquoi nous avons prévu de rencontrer leurs représentants, pour aller au fond des choses. Il s’agit en définitive de voir comment trouver les bonnes perspectives et régler définitivement ce problème. Le Président leur avait promis une régularisation des parcelles où ils ont déjà construit leurs maisons et nous ferons tout pour que cette promesse soit tenue.»
THIERNO BOCOUM PRESIDENT DU MOUVEMENT AGIR «CES PERES ET MERES DE FAMILLES NE MERITENT PAS UN TEL SORT, DEVANT LEUR PROGENITURE»
Thierno Bocoum Président du mouvement Alliance Générationnelle pour les Intérêts de la République (AGIR) est allé hier au chevet des impactés des opérations de démolitions au niveau du quartier Mbour 4 extension de Thiès. Selon lui, ces pères et mères de familles ne méritent pas un tel sort devant leurs progénitures. Il poursuit : « Cet acte est ignoble, inhumain et fait peur dans un Etat de droit et de démocratie. Il faut défendre la dignité humaine et cette facilité à détruire les biens d’autrui, à humilier des pères de familles en les mettant dans des situations de précarité est inadmissible, incompréhensible, surtout dans ce contexte de pandémie de COVID19. D’ailleurs, tout au début de la crise sanitaire, le président de la République avait pris une décision allant dans le sens d’éviter que les défaillants de paiement de location ne soient mis dehors. Aujourd’hui il ne s’agit de payer, il ne s’agit pas d’un contentieux entre locataires et bailleurs, mais de maisons habitées qui ont été détruites et les habitants mis en dehors ». « Le message à travers cette opération serait-il de faire comprendre aux Sénégalais que les promesses du chef de l’État n’engagent que ceux qui y croient ? s’est-il interrogé, avant d’ajouter qu’un État fort, c’est aussi un État qui fait du respect de la parole donnée un principe immuable et que la promesse du président de la République doit être respectée. Pour lui, des constructions dites irrégulières devaient être arrêtées dès le début et les sites sauvegardés et un État fort, ce n’est pas un État qui se plaît à détruire, à humilier, à rabaisser des pères et mères de familles.