HADJ 2024, AUX ORIGINES DES MULTIPLES COUACS DE LA COMPAGNIE NATIONALE
Du 27 mai au 30 mai, aucun retard, aucune annulation de vol et même aucun couac, n’ont été constatés. C’est avec l’entrée en jeu d’Air Sénégal, le 31 mai, que les dysfonctionnements sont apparus.

Le Hadj édition 2024 a débuté en zone de turbulences. Ces turbulences ont démarré plu exactement le 31 mai avec la compagnie nationale Air Sénégal. Le Royaume d’Arabie Saoudite a accordé un quota de 12 860 pèlerins au Sénégal pour le Hajj 2024 parmi lesquels les 11 000 devaient être convoyés par les voyagistes privés. La compagnie nationale Air Sénégal devait transporter 50% du total des pèlerins tandis que l’autre moitié devait l’être par la compagnie saoudienne Flynas.
Deux Airbus A330-900neo de la compagnie Flynas ont quitté l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass à 20h55 pour le premier vol qui avait à son bord 402 passagers et à 23h30 pour le deuxième transportant 394 passagers. Les départs pour le Hajj 2024 étaient ainsi programmés en attendant l’entrée en piste d’Air Sénégal à partir du 31 mai pour ses premiers départs.
Du 27 mai au 30 mai, aucun retard, aucune annulation de vol et même aucun couac, n’ont été constatés. C’est avec l’entrée en jeu d’Air Sénégal, le 31 mai, que les dysfonctionnements sont apparus. La compagnie nationale, qui devait transporter 50 % des pèlerins, n’a pu effectuer avec succès que son premier vol puisque, par la suite, les choses se sont gâtées. Faute d’avion, les passagers du deuxième vol ont en effet été laissés en rade et à eux-mêmes. Finalement, c’est après avoir improvisé une manifestation dans l’enceinte même de l’aéroport qu’ils ont été acheminés dans deux hôtels de la place.
Des interlocuteurs bien placés dans la compagnie nous informent que ce problème est dû à un non-respect des conditions d’affrètement — à la dernière minute précisent-ils — du second aéronef qui devait faire le vol HC/019. Un aéronef qui n’est pas venu finalement.
Il faut dire que la compagnie nationale ne dispose que d’un seul appareil A330neo opérationnel capable de faire les vols longs courriers du genre de celui devant relier Dakar à Jeddah. Ceci, après la perte de son A220-300 qui, moins d’un an après son entrée en service, a été cloué au sol en raison de problèmes liés à ses moteurs Pratt & Whitney PW1500G.
De ce fait, du 31 mai au 2 juin 2024, Air Sénégal n’a respecté aucun de ses vols programmés. Ce qui a mis les pèlerins dans un désarroi total suivi de vives contestations.
À l’aéroport de Diass, plusieurs pèlerins étaient réunis à la suite d’une autre annulation de leur vol à cause d’un manque d’avion dû encore une fois à un problème d’affrètement. L’ambiance était tendue marquée par des cris, des invectives et des crises de nerfs, le tout accentué par l’absence de responsables d’Air Sénégal. Laissés à eux-mêmes, sans interlocuteurs, les malheureux « oudiadj » ne savaient plus à quel saint se vourr. Seul Cheikh Bamba Dieye, le nouveau directeur général de l’AIBD, muni d’un haut-parleur et entouré d’une foule vociférante, a tenté de calmer les nerfs et de rassurer les malheureux avec une communication respectueuse, transparente et responsable.
Après ces événements, le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens, El Malick Ndiaye, s’est présenté dans la soirée du samedi face à la presse. Il a repris les termes du directeur général d’Air Sénégal sur la RTS, reconnaissant les responsabilités de la compagnie aérienne nationale et promettant un retour à la normale des départs dès lundi (Ndlr : hier) avec un plan de redressement des affrètements déjà mis en place. Malgré ces déclarations rassurantes, cependant, les perturbations ont continué.
Après cette déclaration, une note de service indiquait que tout rentrerait dans l’ordre ce mardi grâce à de nouveaux plans de vols avec la compagnie saoudienne Flynas qui assurera tout le reste des vols du Hadj.
Finalement, un vol d’Air Sénégal a décollé dans la nuit du dimanche 2 juin au lundi 3 juin à 04:52, et un autre de Flynas à 05:58. Le lundi 3 juin, c’est-à-dire hier soir, un vol d’Air Sénégal a été opéré à 19:20 avec 253 passagers à bord par un A343. Il restera alors 13 autres d’ici la fin des départs prévue pour le 8 juin 2024, c’est-à-dire dimanche prochain.
Les ramifications d’un gros business autour du Hadji
Sur les causes de ces multiples couacs qui émaillent le Hajj de cette année, il faut savoir que le pèlerinage vers les Lieux Saints de l’Islam a toujours était effectué ces dernières années par la compagnie saoudienne Flynas ainsi que par des compagnies comme Emirates qui n’ont pas reçu leur agrément délivré par l’ANACIM cette année. A préciser que les autorités saoudiennes imposent aux pays que la piitié de leurs pèlerins soit transportée soit convoyée par une de leurs compagnies. Au Sénégal la particularité est que, cette année, les « oudiadj » n’avaient en réalité le choix qu’entre Flynas et Air Sénégal ! Or, on sait ce qu’est la compagnie nationale.
Selon Pape Balla Diedhiou, un ex-agent de la défunte Air Sénégal international (ASI), la compagnie nationale n’a plus le minimum d’aéronefs dans sa flotte pour pouvoir couvrir toutes ses destinations. ses destinations qu’elle effectue présentement. Même avant le Hadj, elle ne pouvait pas assurer toutes ses liaisons avec des centaines de retards accusés à cause des pannes techniques ou de problèmes d’affrètements. « Ces affrètements, dont seuls ceux qui les font connaissent les clauses, permettent à certains de percevoir des commissions exorbitantes à chaque transaction opérée. Par exemple, lors d’une journée où la compagnie réalise cinq affrètements, les démarcheurs, signataires et facilitateurs peuvent empocher au minimum 10 millions de FCFA en 24 heures sans rendre de comptes ni se préoccuper de la partie technique des aéronefs. Ces transactions, souvent conclues par téléphone au détriment des conventions cadres et à la dernière minute sans aucun planning, restent les plus douteuses du secteur. En général, les parties prenantes ne se soucient ni des enjeux sécuritaires ni des conflits d’intérêts liés à de possibles sabotages de concurrents », soutient notre interlocuteur.
Une pratique très nébuleuse qui n’a jamais donné lieu à un audit publié depuis 2017. « Chaque équipe d’un nouveau ministre ou d’un nouveau directeur général suit le fil conducteur de la mafia pour s’enrichir rapidement » dénoncent des acteurs de la plate-forme aéroportuaire de Diass. Cette gouvernance non transparente et très contestée devrait interpeller le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko avant qu’un crash ne se produise dans le ciel sénégalais ou ailleurs.
La gestion du Hadj 2024 par Air Sénégal met en lumière les graves carences et les pratiques douteuses au sein de la compagnie nationale. Les pèlerins sénégalais, pris en otages par des retards incessants et des annulations de vols, ont vu leur voyage sacré perturbé par des problèmes logistiques et des choix discutables. La direction d’Air Sénégal et les autorités compétentes doivent impérativement tirer les leçons de cet épisode chaotique pour un retour des pèlerins sans couacs.