LA «FATWA» DES IMAMS
Oustaz Pape Hanne et Imam Amadou Makhtar Kanté s’opposent à la reprise des prières communautaires dans les mosquées en ce mois béni du ramadan comme l’avaient demandé l’Ong Jamra et certains fidèles musulmans.

Pour le mois béni du Ramadan, l’Ong Jamra et certains fidèles musulmans ont demandé la reprise des prières communautaires dans les mosquées, invitant l’Etat à prendre des «mesures d’accompagnement idoines». Mais, pour certains religieux, ce vœu est tout simplement impossible. Pour cause, la pandémie continue de prendre ses aises dans le pays mais également l’Islam est très clair, en cas de pareille situation. Selon le prêcheur à la Tfm, Oustaz Pape Hanne, le Prophète (Psl) recommande aux musulmans de prier chez eux en cas de pandémie, surtout que les prières surérogatoires (appelées chez nous «nafila») ne sont pas une obligation. Quant à Imam Amadou Makhtar Kanté de la mosquée du Point-E, c’est même «irresponsable de parler de retourner à la mosquée» alors que la situation devient de plus en plus grave avec le Covid-19. Il invite les imams à plutôt aller «chercher dans les références de la Charia ce qui nous permet de prévenir cette maladie qui peut être une catastrophe pour le pays».
OUSTAZ PAPE HANNE, PRECHEUR A LA TFM : «En cas de pandémie, le Prophète (Psl) recommande aux musulmans de prier chez eux»
«L’Islam s’est toujours basé sur la Sunna du Prophète Mohamed (Psl). Le Prophète (Psl) a toujours recommandé aux musulmans de ne pas porter atteinte à soi, ni à une autre personne. Les prières surérogatoires en public et dans les mosquées ne sont pas une obligation. Seydina Oumar Ibn Khatab (Rta) est l’initiateur de cette pratique. Cette année, le pèlerinage à la Mecque n’aura pas lieu, pour la 41e fois d’ailleurs. Donc, ouvrir les mosquées n’est pas un choix judicieux. Et, ce que certains disent, faire des rangs avec la séparation d’au moins un mètre entre fidèles, n’est pas conforme aux recommandations divines. Dieu dit que les rangs doivent être serrés en faisant la prière communautaire. Avec le coronavirus, si on dit que la prière dans les mosquées est possible, mais qu’elle doit se faire en gardant une distance entre les fidèles, ce n’est pas conforme à la religion. En pareille situation de pandémie, la recommandation du Prophète (Psl) a toujours été que chaque fidèle fasse ses prières chez lui. Les mosquées peuvent cependant être ouvertes pour diffuser le Saint Coran. Aussi, les Imams peuvent y faire leurs prières. Mais les fidèles, doivent rester chez eux. Si on se base sur la Charia et sur l’exemple du Prophète Mohamed (Psl) et de certains érudits qui ont marqué la religion, il n’est pas recommandé de faire des prières publiques dans les mosquées en cas de pandémie.
Par contre, il y a des figures emblématiques de la religion qui sont aussi pour la prière en commun, malgré le danger. Il y a certains adeptes qui préfèrent tout braver, quitte à perdre la vie. Mais, le Prophète (Psl) a recommandé aux musulmans de se conformer au Saint Coran et à la Sunna. Donc, les prières communautaires peuvent être suspendues car les prières surérogatoires ne sont pas une obligation. Et que les fidèles prient chez eux. Ni le Prophète (Psl) encore moins son premier successeur, Aboubacar (Rta) ont jamais effectué des prières surérogatoires en public. Et beaucoup l’ignorent. La pratique a été instituée par Oumar Ibn Khatab (Rta). Le Prophète (Psl) a toujours effectué ses prières surérogatoires chez lui.»
IMAM AMADOU MAKHTAR KANTE DE LA MOSQUEE DU POINT-E : «Je trouve tout à fait irresponsable de parler de retourner à la mosquée alors que...»
«On a suspendu les prières communautaires sur la base d’un raisonnement scientifique et juridique du point de vue de la Charia tout à fait acceptable et qui a été défendu par la plupart des Oulémas (érudits) qui sont connus dans le monde musulman. Si vous n’êtes pas spécialistes dans la virologie, vous n’êtes pas habilités, même si vous connaissez tout le Coran, à raconter des histoires aux gens. Il faut être sérieux, respecter les gens qui sont compétents dans leur domaine. Ce que les imams devraient faire, c’est plutôt chercher dans les références de la Charia ce qui nous permet de prévenir cette maladie qui peut être une catastrophe pour le pays, si elle atteint une certaine dimension. Déjà, des pays puissants sont à terre, avec des centaines de morts par jour. Ils vont attendre qu’il y ait des cadavres partout dans le pays pour se lever. Je trouve ça irresponsable.
Je pense que les gens ne connaissent pas la nature de la maladie et les risques auxquels on expose notre système de santé. Il y a une bonne partie du personnel de santé qui est touchée. Déjà, on n’a pas de compassion pour ces gens-là. Aujourd’hui, s’il y a une catastrophe autour d’un quartier, dans une mosquée, ce sont ces imams qui vont appeler les autorités de santé publique. Donc, il faut être cohérent dès le départ. Je trouve tout à fait irresponsable de parler de retourner à la mosquée alors qu’au contraire, ce qui se passe actuellement, c’est qu’on commence à avoir des décès, les cas augmentent et la contamination communautaire est encore là. Il y a beaucoup de farceurs dans ce pays, mais je pense que chacun doit farcer avec sa propre vie mais n’a pas le droit de le faire avec la vie de la communauté.
Par contre, un imam sérieux qui connait les références de l’Islam, là où on l’attend, c’est de sensibiliser les populations. Et j’entends rarement les imams le faire. Ils n’insistent pas sur les gestes barrières. Mais ils insistent beaucoup sur le fait qu’il faut retourner à la mosquée. Si on va à la mosquée, on va faire respecter les masques, la distanciation sociale, c’est-à-dire une forme de prière bizarre qu’ils vont nous inventer tout simplement parce qu’ils veulent aller à la mosquée. Dès que tu reconnais qu’il y a une contrainte qui fait que même si on va à la mosquée, on sera obligés de prendre certaines dispositions, cela veut dire que la maladie est là. Pourquoi prendre tout ce risque pour faire une prière alors que la Charia te dit que tu peux faire cette prière chez toi ? Il faut qu’on fasse attention à ne pas tomber dans le populisme religieux qui est très dangereux. Si on laisse faire certains imams, avec certains discours dangereux, et qu’ils commencent à mobiliser des gens pour qu’ils retournent dans les mosquées, ça peut être très grave. Ce n’est pas l’absence de prières dans les mosquées qui a créé la maladie et qui l’a amené au Sénégal.
COVID-19 : Quand des rassemblements religieux accélèrent la propagation
Les rassemblements religieux ont contribué à la propagation de la pandémie du Covid-19 dans le monde. «En France, comme chaque année depuis 25 ans, l’Église Porte ouverte chrétienne organise un rassemblement évangélique du 17 au 24 février à Mulhouse (Haut-Rhin). Plus de 2 000 fidèles venus de France ou d’Allemagne y participent. Plus de la moitié des participants a été contaminée par le coronavirus», rapporte le site Franceinfo. Il ajoute qu’en «Corée du Sud, des cas de Covid-19 sont détectés au sein d’une secte chrétienne dans le sud du pays. Un millier de personnes y étaient réunis les 7 et 8 février ». Selon toujours le site français, «en Iran, les premiers cas sont détectés à Qom, ville sainte chiite visitée toute l’année par des millions de fidèles qui prient collectivement». Pis, précise-t-on, «il y a des pèlerins en provenance du Pakistan, où un grand rassemblement s’est tenu début mars avec des malades du coronavirus recensés». «En Israël, les accès aux lieux de culte ont été restreints et les rassemblements interdits, mais elles ne sont pas totalement respectées par les juifs orthodoxes, qui représentent la moitié des personnes hospitalisées en raison du Covid-19», indique Franceinfo.