LE CESE CRITIQUE LA GESTION DE LA CRISE SANITAIRE
«Pandémie de la Covid-19 : Conséquences et propositions d'actions». Tel est le thème du premier avis pour l’année 2020 du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

«Pandémie de la Covid-19 : Conséquences et propositions d'actions». Tel est le thème du premier avis pour l’année 2020 du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Dans le document remis au chef de l’état, l’institution dirigée par Aminata Touré passe au crible la gestion de la crise sanitaire par l’état du Sénégal non sans préconiser un durcissement des mesures de prévention contre la Covid-19.
La propagation inquiétante de la Covid-19 au Sénégal ne laisse pas de marbre le Conseil Economique, Social et Environnemental (Cese). Dans leur premier avis de l’année 2020, les conseillers ont d’abord effectué une lecture de l'évolution de la pandémie dans le pays. Ceci leur a permis de relever entre autres un non-respect des mesures barrières auprès de nombreuses populations, une augmentation du nombre de patients et de décès; une pression du nombre de patients au niveau des structures de santé ; des incertitudes par rapport aux projections de sortie de crise, la question de la disponibilité des masques respectant les normes, les limites du confinement partiel et de la prolifération des faux médicaments et un déficit du personnel spécialisé pour assurer aux sujets infectés par la Covid-19 le soutien psychosocial requis.
Une situation préoccupante pour Aminata Touré et Cie qui soutiennent qu’il devient urgent de renforcer les actions d'information et de sensibilisation des communautés pour le respect des mesures barrières afin de freiner la propagation du coronavirus et la stigmatisation des victimes. Cela étant, le Cese recommande le port obligatoire du masque partout et la systématisation des amendes à infliger aux récalcitrants ; le respect du lavage des mains et de la distanciation sociale dans tous les lieux publics ; l'adaptation des stratégies et supports de communication en fonction de l'évolution de la pandémie et des réalités sociologiques; la révision du parcours de soins avec des sites dédiés pour la Covid-19 et pour les autres pathologies en vue d'offrir à chaque usager un suivi médical approprié et la réduction des coûts des tests de la Covid-19 supportés par l'Etat. Il préconise aussi d’habiliter certaines structures, disposant des installations appropriées, à faire des prestations privées, allant du diagnostic à la prise en charge des malades de la Covid-19.
Poursuivant, les conseillers ont indiqué que la pandémie de Covid-19 doit être saisie comme une nouvelle opportunité pour reconsidérer notre système de santé, nos politiques économiques dans les différents domaines, les choix en matière de réforme agraire et d'adaptation de notre système éducatif.
Concernant d’ailleurs ce dernier point, le Cese soutient que le nouveau contexte nous impose d'adopter des innovations pédagogiques, d'où l'importance d'accompagner nos universités publiques et privées. Surtout qu’il a été constaté que beaucoup d’élèves et d'étudiants ont des difficultés pour accéder à l'internet afin de bénéficier des cours dispensés en ligne, ainsi que l'absence de mesures d'urgences pour la démocratisation de l'accès à l'internet, en zone rurale. De même, il est constaté l'inquiétude des écoles privées qui éprouvent des difficultés à payer leur personnel depuis plus de trois mois ; le problème de sécurité sanitaire et des cantines scolaires pour accompagner la reprise des cours à l'école élémentaire ; la lourdeur des curricula et l'inadaptation du système d'évaluation, surtout dans un contexte de mise en œuvre de l'approche par les compétences (APC).
AUDIT DE LA GESTION DE L’AIDE ALIMENTAIRE
La gestion des effets socioéconomiques particulièrement de l’aide alimentaire a aussi attiré l’attention des conseillers qui ont pointé du doigt les difficultés liées au recensement des populations vulnérables et les omissions notées dans les registres (RNU, la carte d’égalité des chances et des bourses familiales...). Ils ont aussi remis en cause la stratégie consistant à acheter des denrées et à les distribuer non sans appeler à repenser la pertinence.
La preuve, disent-ils, des difficultés ont été notées dans l'acheminement et la distribution de l’aide alimentaire aux bénéficiaires au niveau des 552 communes (peu de logistique prévue à cet effet, zones très enclavées et éloignées des chefs-lieux de départements, impraticabilité de certaines routes dès l’apparition des pluies). Il a été aussi soulevé les limites du mode retenu pour les appuis en direction des couches démunies qui répond difficilement aux impératifs d'urgence de la situation, avec des coûts et des difficultés majeures liées à la faiblesse de la logistique présente sur le marché.
Tout ceci étant, le Cese, dans ses recommandations, a demandé l’achèvement de la distribution des denrées alimentaires, surtout au niveau des zones rurales, avec l'acuité de la pauvreté dans certains départements; l'audit du système de distribution des vivres ; la mise à jour avec la correction des biais du Registre national unique (RNU) qui ne saurait être le seul référentiel de base pour servir de fichier de distribution des kits. Aminata Touré et son équipe invitent aussi le gouvernement à organiser une conférence nationale pour la relecture et l'actualisation de la Stratégie Nationale de Développement Sanitaire et Sociale en vigueur, en vue de l'établissement d'une analyse rigoureuse de la situation du système de santé avec une prise en charge des problèmes récurrents (gestion des urgences, spécialisation des médecins, gouvernance des établissements de santé publics...). Aussi, ils appellent à la conception d'une stratégie globale de lutte contre les épidémies ainsi qu’une réforme du système de management du secteur de la santé.
CONTRAINTES DANS LA MISE EN ŒUVRE DU PRES
Sur le plan économique, le Conseil a noté par ailleurs certaines contraintes inhérentes aux procédures en vigueur dans la mise en œuvre technique du volet économique du Programme de résilience économique et social (PRES) et plus spécifiquement : les lourdeurs administratives du processus de mise à disposition du fonds d’appui aux entreprises, les difficultés de certaines entreprises de remplir les critères d’éligibilité exigés des entreprises devant bénéficier de l’appui de l’Etat, le retard dans la mise en place des 802 milliards FCFA dédiés aux acteurs du secteur de l’économie, avec un taux d’exécution de moins de 20%, en fin mai 2020, les lenteurs au niveau des banques devant positionner les 130 milliards FCFA des 200 prévus pour l'appui aux entreprises du fait du retard noté dans le versement des 70 milliards FCFA, représentant la contribution de l'Etat, la lente prise en charge des factures des PME et PMI locales dans le règlement de la dette intérieure; le soutien effectif au secteur informel qui forme 80% de l'économie nationale.
En définitive, le Conseil dit être préoccupé par la forte probabilité d’une chute de la courbe de croissance économique au vu du ralentissement des investissements et de la production des biens/services, des perturbations du transport intercontinental, de l’arrêt du secteur du tourisme et de la baisse drastique des transferts de fonds de la diaspora. Il n’a pas manqué de faire état de l’insuffisance des montants affectés aux entreprises des sous-secteurs de l’hôtellerie et des transports, la vulnérabilité renforcée des acteurs des sous-secteurs de l’élevage et de l’aviculture ; l’absence d’un instrument de mesure adapté pour une appréciation exhaustive des contraintes de la crise sanitaire au niveau du secteur informel et de choix clairs pour un accompagnement particulier des acteurs dudit secteur, polarisant plus de 90% à 97 % des activités économiques du pays. Sans compter.