LE DIAGNOSTIC SANS COMPLAISANCE DE L’UNIVERS CARCERAL
Mauvaises conditions du personnel de l’administration pénitentiaire, déficit de prisons, longues détentions provisoires

Les membres de l’Association pour le Soutien et la Réinsertion Sociale des Détenus (Asred) sont sortis de leur réserve pour parler des problèmes de l’univers carcéral au Sénégal. Dans un communiqué parvenu hier à «L’As», ils ont fait part de leurs solutions aux autorités étatiques.
Les mauvaises conditions de vie dans les prisons sont dues en partie au nombre très réduit de magistrats et greffiers. C’est le sentiment de l’Association pour le Soutien et la Réinsertion Sociale des Détenus (Asred) qui, dans un communiqué parvenu hier à « L’As», souligne qu’on inonde les cabinets d’instruction de dossiers et on peut se retrouver avec un ratio d’un juge d’instruction pour plus de deux cent cinquante (250) détenus. Parallèlement, poursuivent les membres de l’Asred, le parquet à qui on transmet le dossier pour faire son dernier réquisitoire afin de permettre au juge de boucler l’instruction et d’émettre des ordonnances de non-lieu ou de renvoi devant la juridiction de jugement compétente a aussi un déficit de substitut du procureur. La conséquence directe, précise le document, c’est que les dossiers sont entassés au parquet et parfois, cela peut durer 6 mois voire plus d’un an.
Dénonçant les longues détentions provisoires dans les prisons sénégalaises liées au mauvais fonctionnement de notre justice, l’Asred a souligné dans son communiqué les solutions que doit adopter l’Etat pour améliorer l’univers carcéral au Sénégal. A l’en croire, les autorités étatiques doivent créer les conditions pour une célérité dans les dossiers d’instruction pour permettre aux détenus d’être édifiés dans leur sort, surtout avec la criminalisation de la drogue, du viol, du terrorisme et l’apparition de nouvelles infractions sur la cybercriminalité et la protection des données personnelles. « Tout est instruction désormais ! La seule solution est les mesures d’accompagnement de la nouvelle carte judiciaire. Il s’agit de l’augmentation des cabinets d’instruction et le recrutement de magistrats. On parle souvent de surpopulation carcérale mais la vraie question aujourd’hui est le surencombrement des cabinets d’instruction », préconisent les membres de l’Asred.
D’après eux, le statut du personnel de l’Administration pénitentiaire doit être revu. «On ne peut pas parler de conditions de détention sans parler des conditions de travail du personnel pénitentiaire. Ces braves hommes et femmes doivent être très bien traités au plan statutaire au même titre que les autres corps militaires et paramilitaires. A la longue, ça devient une discrimination de la part de l’Etat et pourtant, la question des prisons revient très souvent. Leur statut est dans les tiroirs depuis 2014. Aux Etats Unis, le personnel pénitentiaire est parmi les mieux payés des Corps en Uniforme, eu égard aux risques encourus dans ce noble métier. L’Etat doit revoir sa politique dans ce domaine, surtout que ce sont des recommandations des Nations unies », ajoutent-ils.
DES EFFORTS CONSIDERABLES EN TERMES D’INFRASTRUCTURES NOTES DANS TOUTES LES PRISONS
Pour les membres de l’Asred, le gouvernement doit construire également de nouvelles prisons aux normes. « L’Etat du Sénégal, depuis l’indépendance, n’a jamais construit de prison. Et pourtant, il autorise les autres pays et les organismes internationaux à construire des prisons sur son sol. C’est vraiment paradoxal. Parmi ces prisons construites, on peut citer celle du Tribunal Pénal International pour le Rwanda à Sébikotane (Tpir), le centre de détention pour les chambres africaines extraordinaires au Cap Manuel: cas Hussein Habré. Et même l’actuelle prison de Sébikotane est financée par l’Union Européenne», signalent-ils.
Toutefois, précisent les membres de l’Asred, ils ont constaté de visu des efforts considérables en termes d’infrastructures dans toutes les prisons qu’ils ont visitées. «Koutal a carrément changé de visage en 2019 avec de nouveaux locaux modernes où chaque détenu à son lit répondant aux normes d’occupation et de couchage (arrêté du ministre de la justice fixant les normes d’hébergement des détenus du Sénégal) soit 1,35 m² par personne détenue pour la surface de couchage. Le volet sanitaire est bien pris en charge avec la possibilité pour les détenus de recevoir des soins gratuits mais aussi des analyses médicales très chères en cas de besoin dans les cliniques privées dont les frais sont payés par les Inspections régionales de l’Administration pénitentiaire. Sans oublier l’installation de cabinets dentaires», informe l’Asred.