LE DILEMME À TROIS SCÉNARIOS DE SERIGNE MBAYE THIAM
La Société des Eaux du Sénégal (SDE) doit officiellement plier bagages ce 30 juin 2019, alors que le nouvel acquéreur, la multinationale française, Suez n’est pas encore prêt pour s’installer

La Société des Eaux du Sénégal (SDE) doit officiellement plier bagages ce 30 juin 2019, alors que le nouvel acquéreur, la multinationale française, Suez n’est pas encore prêt pour s’installer. Du coup, une période de transition est incontournable. Elle ne peut que se faire avec la SDE. Or des faucons, tapis aussi bien au ministère de l’Eau qu’à la Sones, ne veulent plus voir en peinture la SDE. Ce alors pourtant que tout le monde sait qu’une transition avec la SDE aux commandes est incontournable. Un troisième schéma, c’est de placer la SDE sous administration provisoire. D’où un inconfort énorme pour Serigne Mbaye THIAM qui doit décider très rapidement.
Le ministre de l’Eau doit trancher rapidement un tel dilemme pour garantir la continuité du service public de l’eau au Sénégal. Il est clair que Serigne Mbaye Thiam n’aurait jamais aimé nager dans un dossier qui lui est totalement étranger. Et dans lequel il tombe comme un cheveu dans la soupe. Seulement voilà, la logique républicaine et la continuité de l’Etat font que l’homme ne peut guère fuir ses responsabilités face à un processus inédit de dévolution du marché de la gestion urbaine de l’eau au Sénégal. La nouvelle donne donnée en primeur par nos confrères de Source A ce samedi, c’est que le contrat de la SDE pourrait être prorogé pour 4 à 6 mois.
Toutefois, il ne faudrait pas voir dans cette mesure, au cas où elle serait effectivement prise, un cadeau de l’Etat à la SDE. « Ce n’est guère cela puisque la prorogation annoncée pour la SDE a été une fuite organisée par des faucons du ministère de l’Eau et de la Sones qui ne veulent qu’une chose, c’est que la SDE débarrasse le plancher le 30 juin prochain » indique une source très au fait du dossier. D’autant que rien n’a encore été décidé, selon notre interlocutrice. Laquelle est confortée dans cette position par le ministre de l’Eau Serigne Mbaye Thiam. Selon qui le gouvernement — donc ses services — travaillent actuellement sur trois hypothèses.
La première, consisterait à signer un nouvel avenant avec la SDE pour une durée de quatre à six mois afin de permettre que la passation entre le nouveau fermier et l’ancien se fasse dans les règles de l’art. La seconde se traduirait par l’installation anticipée de Suez dès ce 1er juillet. La dernière hypothèse étudiée, c’est la mise sous administration provisoire de la SDE. Si on en est arrivé à cette situation embarrassante, selon Serigne Mbaye Thiam qui s’exprimait à travers les ondes de la RFM ce samedi, c’est parce que qu’« il se trouve qu’avec les recours qu’on a eus, la procédure s’est définitivement terminée par une décision de l’Armp du 29 mai 2019 qui a été notifiée au ministère de l’Eau et de l’Assainissement, le 14 juin 2019. Donc, on était à 16 jours de la fin de l’avenant numéro 9 qui devait expirer le 30 juin 2019. Face à cette situation, l’Etat du Sénégal est en train d’étudier 3 options ». D’abord, il s’agit de demander à Suez, de s’installer de façon anticipée.
La seconde option, c’est que l’Etat du Sénégal administre de façon provisoire la Sde. Ou alors que le contrat de la Sde soit prorogé de 4 à 6 mois. Et de préciser : « Donc, aucune décision n’est encore prise, nous sommes, y compris pendant ce week-end, en train d’étudier ces options. Et au plus tard, dans la semaine qui vient, une décision sera prise ». Le dilemme, c’est le fait que le ministre est appelé à départager deux camps de son entourage (ministère et Sones). Le premier camp, celui des faucons veut que le ministre choisisse les deux dernières hypothèses (installation de Suez le 1er juillet ou l’administration par la tutelle). « Seulement ces deux thèses ne sont guère opérationnelles. Suez n’est pas prête à s’installer le 1er juillet. Elle ne peut pas le faire tant qu’elle n’est pas accompagnée par la SDE. Ce qui est même prévu par le contrat de 2018 qui stipule une période de transition de 4 à 6 mois et un accompagnement entre le nouvel acquéreur et l’ancien. D’ailleurs même si la SDE avait gagné le marché, elle allait créer une nouvelle société » souligne notre source.
Selon cette dernière, la dernière hypothèse, celle de l’administration par la tutelle, est totalement impensable. « Vous voyez des gendarmes ou militaires débarquer dans les locaux de la SDE et dire au personnel en place que ce sont eux les nouveaux dirigeants. Une manière maladroite d’installer l’instabilité dans le secteur hyper important pour la continuité du service public de l’eau au Sénégal. Et pourtant dans l’entourage du ministre, il y a gens qui poussent à une telle perspective » déplore notre source. L’autre camp, plus raisonnable, prône la prorogation du contrat de la SDE pour une période de 4 à 6 mois. « La solution la plus prudente, c’est de proroger le contrat de la SDE qui pourrait ainsi accompagner le nouvel acquéreur à pouvoir s’installer en douceur. Il est clair que sans la SDE, cette transition ne pourrait se faire convenablement. Suez ne peut pas débarquer le 1er juillet et commencer à fournir de l’eau aux populations urbaines. Ce n’est pas possible. On doit pouvoir éviter de braquer inutilement le personnel » argumente la source.
L’Etat s’est mis dans une situation inconfortable
Dans certains milieux, l’on rit sous cape de la situation dans laquelle s’est mis l’Etat. Un dossier qui continue à intriguer plus d’un puisque ce cas unique où le mieux disant, en l’occurrence la SDE qui avait proposé comme prix exploitant 286,9 FCFA le mètre cube d’eau, contre 298,5 et 366,3 pour ses concurrentes, respectivement Suez et Veolia, a été écarté du marché. Le conseil d’administration de la Sénégalaise des eaux (SDE) a décidé de saisir la Cour suprême suite au rejet de son recours par le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) concernant l’attribution du contrat d’affermage de la gestion de l’hydraulique urbaine et périurbaine au groupe français Suez. ’’Nous avons désigné un cabinet d’avocats pour saisir la Cour suprême en vue de rétablir la Sénégalaise des eaux dans ses droits’’, a annoncé le président du conseil d’administration de la SDE, Mansour Cama, mercredi dernier. Selon lui, la SDE est plus que jamais convaincue qu’elle est en train d’être ’’spoliée de sa victoire’’. Le PCA de la Sénégalaise des eaux a soutenu que ’’cette différence sur les prix entre Suez et la SDE pourrait représenter un manque à gagner pour l’Etat d’un montant de quelque 42 milliards de FCFA pendant les 15 ans que doit durer le contrat ». L’on continue de s’étonner du processus conduit par l’ancien ministre de l’Hydraulique Mansour Faye, alias « Sora-les bennes-tasseuses ». «Cela a commencé depuis décembre 2016, un processus qui a duré presque pendant 3 ans.
Entre l’ouverture des offres financières, le 1er juin 2018, et l’attribution définitive intervenue le 22 mai 2019 et rendue publique en juin 2019, le processus a duré une année. Inédit. Il est clair qu’il a été mal conduit, vicié depuis le départ et partial comme l’a souligné le président du Conseil d’administration Mansour Kama mercredi dernier » explique notre interlocutrice. Cette dernière ironise en indiquant qu’« en 1996 lorsqu’il s’était agi de confier la gestion urbaine de l’eau à la SDE, la procédure avait été bouclée en 3 semaines ! Pourtant à l’époque on était, en matière d’informatique notamment, à l’âge de la pierre taillée. C’est comme durant le Moyen-Age où, pour aller à La Mecque, il fallait des années, aujourd’hui pour se rendre dans la même destination, on n’a besoin que de 10 h de vol tout au plus. Si maintenant en 2019, au moment où l’informatique et la technologie ont atteint des niveaux de développement insoupçonnés, l’on met 52 semaines pour passer un marché, cela pose un grand problème. Au finish, l’Etat se reproche quelque chose dans ce dossier. Le temps et l’avenir sont les meilleurs baromètres de la réponse à ce dossier nébuleux ».