LES CAUSES DES CONFLITS AUTOUR DES EXTRACTIONS MINIÈRES
Vingt-quatre heures après le passage musclé des forces de l’ordre, le village de Tobène (dans la région de Thiès) est toujours sous tension.

Vingt-quatre heures après le passage musclé des forces de l’ordre, le village de Tobène (dans la région de Thiès) est toujours sous tension. En effet, une vive polémique entoure depuis quelques mois la délimitation des 6 hectares devant abriter la progression de la mine des Industries Chimiques du Sénégal (Ics). Selon Abdoul Aziz diop du Forum Civil, cette affaire de Tobène n’est que l’arbre qui cache la forêt, dans ces conflits récurrents entre populations riveraines et industries extractives.
Après Tobène, les forces de l’ordre ont investi hier le village de Macka Dieng. Une opération qui entre dans le cadre de la délimitation des 6 ha attribués aux Industries Chimiques du Sénégal (Ics). Vingt-quatre heures après, le village de Tobène est toujours sous tension. La mine des Ics devant progresser dans les champs des populations, un processus d’indemnisation est lancé en faveur des paysans impactés. Mais la pomme de discorde est la méthode d’évaluation des impenses. Les paysans ont opposé un niet catégorique et les forces de l’ordre ont été déployées pour empêcher toute velléité d’opposition. Les impactés restent campés sur leur position, en exigeant un barème d’indemnisation de 20 millions de francs Cfa par ha.
Et selon le front AAR Linou Bokk de Tivaouane, au moins 25 personnes dont le chef de village de Tobène ont été arrêtées dans cette affaire. Si l’ancien ministre Thierno Alassane Sall, par ailleurs président de la République des Valeurs (RV), parle d’une épidémie d’accaparement de terres communautaires en dépit de précédents sanglants (Casamance, Fanaye...), Abdoul Aziz Diop coordonnateur national adjoint du Forum Civil et coordonnateur régional de l’antenne de Thiès estime qu’il s’agit là de l’arbre qui cache la forêt, dans ces conflits récurrents entre communautés riveraines et entreprises extractives dans la région de Thiès.
Sur les causes de ces conflits, il liste «la violation flagrante des droits socio-économiques, environnementaux, etc. des populations, en contradiction avec les dispositions de l’article 94 du code minier de 2016, relatif au respect des droits humains ». Il s’y ajoute à ses yeux, l’application d’un régime d’indemnisation obsolète, comparé à la perte ou à la dépossession des moyens de survie (terres, champs, exploitations agricoles..) des populations, l’absence de voies de recours pour les populations victimes. Il note également l’absence de contrôle et de suivi régulier des obligations contractuelles des entreprises, la non-implication des élus locaux, ne serait-ce qu’à titre consultatif dans le processus d’octroi des contrats.
De l’avis d’Abdoul Aziz Diop, le dispositif mis en place souffre également de cadres de concertation souvent non inclusifs, d’absence de consensus sur le processus de délocalisation et d’indemnisation, de contrats souvent mal négociés au profit des entreprises.
Selon lui, les conséquences de tels manquements sont marquées par ces conflits récurrents entre les entreprises extractives et les populations riveraines impactées. Il indique que c’est parce que les populations sont souvent mises devant l’épreuve de la perte de moyens de subsistance et de survie face au paradoxe de l’abondance avec des entreprises prospères et des communautés pauvres, de l’instabilité dans les zones d’exploitation. Et à cela s’ajoute une politique de « responsabilité sociétale des entreprises non contraignante et qui ne répond pas souvent aux attentes et priorités des communautés impactées ». Abdoul Aziz Diop coordonnateur national adjoint du Forum Civil et Coordonateur Régional de l’antenne de Thiès a par ailleurs dégagé des pistes de solutions, en insistant sur la nécessité d’avoir un régime juridique sur les compensations, à la place des indemnisations.
Pour lui, il y a aussi lieu de « renégocier ou revisiter le contrat de certaines entreprises extractives comme les Industries Chimiques du Sénégal (ICS), pour un rééquilibrage au profit de l’Etat et des collectivités territoriales riveraines impactées ». Il y ajoute la piste d’user de « voies de recours juridictionnelles et non juridictionnelles pour les populations victimes, pour qu’elles passent de l’indignation à l’action intelligente et pacifique, l’effectivité des différents fonds prévus par les différents codes au profit des collectivités et communautés impactées ». Pour Thierno Alassane Sall, « le recours à la force publique contre des communautés villageoises prouve que l’État a choisi son camp ».